Magazine Beaux Arts

Tomi Ungerer: un aperçu de son travail

Publié le 31 octobre 2014 par Lifeproof @CcilLifeproof

Par le biais du collectionneur Michel Knoerr, l’Espace 110 présente un panel d’affiches, de dessins, de livres et d’objets insolites créés par Tomi Ungerer, illustrateur alsacien.

Espace 110 ©  Caroline Megel

Espace 110 © Caroline Megel

Né en 1931, cet artiste strasbourgeois a eu un parcours en adéquation avec la période mouvementée dans laquelle il a grandi. Baigné dans une atmosphère familiale soudée, choyé par sa mère bien-aimée, Tomi Ungerer a connu une enfance rythmée par les cultures françaises et allemandes. La collection d’ouvrages recueillie par son père en est la preuve : les livres allemands et français se côtoient comme un témoignage du passé historique de la région. Après son échec au baccalauréat, il entreprend un voyage initiatique en stop jusqu’aux confins de la Laponie. Suite à ses pérégrinations, il s’engage dans l’armée, auprès des méharistes en Algérie ; il y reste un an, avant d’être réformé pour cause de maladie.

En 1953, il entre à l’école municipale des arts décoratifs de Strasbourg, et très vite, il se passionne pour les États-Unis. Trois ans plus tard, il débarque à New York avec comme seuls effets « 60 dollars en poche et une cantine de dessins et de manuscrits »1. À ses débuts, sa condition de vie est très précaire, jusqu’à ce qu’il obtienne un contrat chez Harper and Row pour son premier livre pour enfants, intitulé The Mellops Go Flying. À partir de ce jour, sa vie va changer. Il reçoit plusieurs prix et publie différents ouvrages, tels que Die drei Räuber (1961), The Party (1966), No Kiss for Mother (1973), ou encore Amnesty Animal (1990) ou Le nuage bleu en 2000. Des livres pour enfants, des histoires satiriques et des affiches publicitaires font de son œuvre, une collection éclectique et riche, s’inspirant de sa vie mondaine new-yorkaise, de ses enfants et de la société. Il s’adresse à un large public, ce qui lui vaut une grande renommée dans le monde entier. Artiste engagé, Tomi Ungerer n’hésite pas à s’exprimer contre la ségrégation raciale et la guerre du Vietnam. Il réalisa pour cela des posters, comme Black Power/White Power ou Kiss for peace en 1967.

Il s’installe au Canada en 1971, puis en Irlande en 1976, où il vit actuellement, bien qu’il revienne régulièrement dans sa ville natale, pour visiter le musée qui porte son nom. L’annonce de son arrivée fait l’effet d’un événement enthousiasmant ; l’équipe du musée est en liesse. J’ai eu moi-même le privilège de le rencontrer. Et je dois avouer, qu’il est très charismatique et impressionnant.

Objets insolites © Caroline Megel

Objets insolites © Caroline Megel

Quel est son processus de travail ? Contrairement à une nonchalance perceptible dans certains croquis, il est très méticuleux. En effet, il peut recommencer une dizaine de fois, jusqu’à obtenir le résultat escompté. « Assis à sa table de travail, de préférence dès les heures les plus matinales, il recommence ses dessins tant que le résultat ne le satisfait pas »2. Sa méthode est très singulière, surtout lorsqu’il s’agit des dessins pour enfants. Il réalise une première esquisse au crayon, puis contourne les éléments à l’encre noire. Envoyé chez l’imprimeur, ce dessin se transforme en une épreuve aux bordures bleues ; Tomi Ungerer colorise l’intérieur. Une nouvelle impression des contours est créée, cette fois sur Rhodoïd ; l’imprimeur superpose l’épreuve en couleurs et le Rhodoïd pour avoir l’ensemble du dessin.

Son style change selon le sujet et les thèmes – le temps, la mort, la mécanisation de la société, les mécanismes, les métamorphoses, la femme, la critique des mœurs, la politique. Nous pourrions croire que ce n’est pas le même artiste, qui a réalisé les livres pour enfants, les publicités ou les dessins d’observation. La ligne est davantage présente et appuyée dans les contes et les dessins érotiques, la finesse et la spontanéité du geste dans les dessins d’observation, l’expressivité du trait pour la satire, et enfin simplicité et efficacité pour la publicité.

Sous la verrière © Caroline Megel

Sous la verrière © Caroline Megel

Sous la verrière de ce Centre Culturel, le couloir se pare d’une diversité d’œuvres, représentatives de la carrière de Tomi Ungerer. Deux vitrines montrent les livres pour enfants de la collection l’école des loisirs, notamment Guillaume l’apprenti sorcier, publié en 1969 à lire ou à relire en ce jour d’Halloween ; une autre est particulièrement étonnante puisqu’elle abonde de produits inattendus, tel ce camembert estampillé Ungerer Cheese, de la vaisselle, une montre…

Tout l’intérêt de voir cette exposition est de découvrir, dans un premier temps, une vue d’ensemble de son travail, avant de se rendre à Strasbourg visiter le musée Tomi Ungerer. Ouvert depuis 2007, il se situe dans la villa Greiner, hôtel particulier de la fin du XIXe siècle, dont l’entrée se fait par la rampe conçue par Emmanuel Combarel, inspiré par l’esprit « sinueux » de Tomi Ungerer. L’espace d’exposition s’étend sur sept-cent mètres carrés et comporte trois niveaux : le rez-de-chaussée, avec les dessins et les livres d’enfants, le premier étage présentant les dessins satiriques, politiques et sociales, et le sous-sol, où les dessins érotiques et ceux sur les danses macabres y sont exposés.

Depuis 1975, les donations se succèdent pour accroître le fond documentaire. Etant l’unique musée européen de l’illustration voué à un artiste toujours en vie, le musée éponyme regorge de plus de quatorze mille dessins originaux et estampes, six mille jouets collectionnés par Tomi Ungerer lui-même depuis les années 1960. Le changement d’accrochage tous les quatre mois propose au public un panel de trois cents œuvres, développé autour d’un thème précis ; une grande partie de la collection est ainsi visible chaque année. 

Caroline.

1 UNGERER, Tomi, in Musée Tomi Ungerer : la collection, catalogue par Thérèse Willer et Claire Hirner, Strasbourg : Musées de la ville de Strasbourg, 2012, p.242

2 WILLER, Thérèse, Musée Tomi Ungerer : la collection, Strasbourg : Musées de la ville de Strasbourg, 2012, p.26

_ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _

Dans la verrière de l’Espace 110 – Illzach jusqu’au 29 novembre 2014

Ouvert le lundi de 14h à 21h, du mardi au vendredi de 9h à 12h et de 14h à 21h, le samedi de 14h à 17h

Pendant le festival Bédéciné les 15 et 16 novembre de 10h à 19h


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Lifeproof 5971 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines