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Les Nègres de Jean Genet Bob Wilson

Publié le 01 novembre 2014 par Morduedetheatre @_MDT_

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Critique des Nègres de Jean Genêt, vu le 25 octobre 2014 au Théâtre de l’Odéon
Avec Armelle Abibou, Astrid Bayiha, Daphné Biiga Nwanak, Bass Dhem, Lamine Diarra, Nicole Dogué, William Edimo, Jean-Christophe Folly, Kayije Kagame, Gaël Kamilindi, Babacar M’Baye Fall, Logan Corea Richardson, Xavier Thiam, Charles Wattara, dans une mise en scène de Robert Wilson

On m’a toujours dit qu’il y avait, au théâtre, un avant et un après Bob Wilson. J’étais sans doute trop jeune pour apprécier Les Fables lorsqu’il les avait montées à la Comédie-Française, et ce n’est que très récemment que, lorsque j’ai vu la captation, j’ai compris qu’on avait affaire à quelque chose d’autre que le théâtre, en ce sens que Bob Wilson va plus loin que l’interprétation d’un texte théâtral. Dans son spectacle tout est parfaitement maîtrisé. Dans son spectacle, tout est beau. Du grand art.

Mais je me vois dans l’incapacité de faire avec précision le résumé du texte monté par Bob Wilson, tout simplement parce que très vite, je m’en suis détachée. D’une part parce qu’il a beaucoup coupé dans le texte et qu’il en devient plus difficile à comprendre. Mais surtout parce que, étrangement, ce n’était plus ce qui m’intéressait, ce n’était plus la matière première du spectacle : j’ai cru que je voyais pour la première fois. J’ai vu un mouvement d’index se répéter une centaine de fois à l’identique, j’ai vu des ombres travaillées modeler les corps des personnages, j’ai vu ces corps danser au rythme d’une musique délirante, j’ai vu l’Afrique et ses couleurs, et sa lumière, et sa beauté. Car en plus de la vue, Wilson nous donne à entendre des couleurs tout aussi variées que ses lumières : grâce à un superbe saxophoniste, les différentes ambiances sont traduites musicalement dans une atmosphère souvent jazzy qui nous entraîne très loin.

Durant ce spectacle, tous nos sens sont en éveil. On perçoit des bribes de l’histoire de temps à autres : il y a cet homme noir qui a tué la Blanche, il y a des Noirs déguisés en Blanc, il y a un procès, il y a Village, l’assassin, et Vertu, la prostituée, qui s’aiment. Mais tout cela n’est-il pas qu’une illusion, ne sommes-nous pas juste au théâtre ? Au théâtre ou au cabaret, je n’en sais rien, et je n’essaierai pas plus longtemps de définir ce que j’ai vu. Une explosion des sens et une perfection visuelle, voilà ce que nous offre Bob Wilson.

Mais je ne dois pas mon admiration qu’à la mise en scène. Même si le texte n’est plus primordial, il faut des acteurs pour incarner le monde que Bob Wilson a créé, il faut des corps pour donner vie à ce grand cabaret clownesque qu’il nous donne à voir. Et tous les comédiens sont fabuleux. Tour à tour danseurs, chanteurs, ils semblent même parfois voler dans ce décor haut en couleurs, et incarnent avec brio le grand spectacle qui a lieu ce soir là.

Si les chorégraphies des corps et les lumières imaginées par Wilson accaparent toute notre attention, il n’en reste pas moins certaines scènes marquantes, comme le long prologue durant lequel les Nègres entrent sur scène en courant, chacun à son tour, alors qu’on tire des coups de feu. Peut-être est-ce finalement ce silence pesant, entre deux sons de mitraillettes, qui décrit le mieux la situation de ces Nègres, considérés comme « Autres » et ainsi mis à part, statues dans un monde en mouvement. Ou encore la tirade de l’Artiste, tout à fait à la fin du spectacle, qui, pour se justifier avant d’être exécuté, avoue pouvoir incarner un traître si c’est effectivement ce qu’on lui demande.

A voir, à écouter, à déguster avec passion, car on se sent vivre et respirer grâce à Bob Wilson, qui parvient à nous toucher de manière différente de ce qu’on connaît au théâtre habituellement. Bravo. ♥ ♥ ♥ 

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