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Le pasteur ou le curé ne pourront jamais remplacer l’instituteur…

Publié le 08 février 2008 par Albert @albertRicchi

Les instituteurs sont incapables de «transmettre les valeurs de bien et de mal à nos enfants» ? Incroyable mais vrai et c’est notre président de la République qui l’a dit dans son discours de Latran au Vatican. Le 14 janvier dernier, il récidivait à Riad en prononçant un autre discours exaltant : « Dieu qui n’asservit pas l’homme mais qui le libère»…

Soutenir en somme que seule la religion ouvrirait sur le sens profond de la vie humaine et qu’elle mériterait ainsi un privilège public est une profession de foi discriminatoire. Sous-entendre que la «laïcité positive», c'est la même chose que la laïcité mais en mieux, c’est vider le concept de laïcité de son sens.

Le Cardinal Tarcisio Bertone, en fin observateur de cette nouvelle «rupture» de Nicolas Sarkozy, ne s’y est d’ailleurs pas trompé en saluant un «changement d’orientation» de la France…

Fervent partisan d’une «adaptation» de la loi de 1905 pour permettre le financement des associations cultuelles, Nicolas Sarkozy développe depuis plusieurs années une inquiétante conception de la laïcité, en remplaçant la «liberté de conscience» par la «liberté de religion». Dans le rapport sur "les relations des cultes avec les pouvoirs publics" remis au ministre de l’Intérieur, en septembre 2006, figurait déjà la possibilité, pour les collectivités, de participer directement et sans plafonnement au financement de la construction d’édifices religieux.

Nicolas Sarkozy entend faire jouer un rôle public de plus en plus grand aux communautés religieuses et cette attaque de la laïcité républicaine montre bien qu’elle n’est pas un acquis immuable mais un combat quotidien. Il est donc important de rappeler le véritable sens du concept de laïcité et quelques vérités historiques de bon sens.

Laissons de côté le grave passif de l'Eglise catholique dans son rapport aux sciences : elle s'est régulièrement opposée aux grandes théories scientifiques, comme celles de Copernic, Galilée ou Darwin, pour autant qu'elles mettaient en cause sa vision du monde et de l'homme. Initialement, la terre n’était pas ronde puis ne tournait pas autour du soleil. Le système de Copernic sera condamné en 1616 et Galilée, fervent défenseur de la théorie copernicienne sera condamné par un tribunal ecclésiastique en 1633. En 1860, Darwin est condamné par une réunion d'évêques qui se tient à Cologne. Le pape interviendra ensuite à plusieurs reprises pour dénoncer la thèse selon laquelle l'homme descendrait du singe...

Laissons de côté l’origine de l’Etat du Vatican qui n’est pas historiquement un Etat mais une création largement factice, suite aux accords du Latran signés le 11 février 1929 par Benito Mussolini en personne ! Le quartier de 44 hectares du Vatican a été déclaré indépendant le 7 juin 1929 : un acte bilatéral entre l’Église catholique et le régime fasciste…

Ne parlons que des grands bouleversements socio-politiques qui font désormais consensus : la République elle-même, les droits de l'homme, l'égalité de l'homme et de la femme, les conquêtes sociales, la conception civile du mariage, la libération sexuelle et l'acceptation du droit à la différence dans ce domaine (comme l'homosexualité). Tout cela a toujours été refusé et combattu violemment par l'institution religieuse.

Si la laïcité a un sens positif, c’est bien celui de libérer l’individu des croyances instituées que les différentes églises ont toujours, peu ou prou, voulu imposer. Ce n’est pas celui que lui prête notre président et l’examen attentif de quelques-unes de ses affirmations, dans son discours de Latran, est proprement édifiant :

«C'est par le baptême de Clovis que la France est devenue Fille aînée de l'Eglise. Les faits sont là.»

Le président de la République a tout simplement oublié que la France avant Clovis était païenne et qu'elle n'est pas devenue chrétienne avec Clovis. La "Fille aînée de l'Eglise" n'est pas un "fait" mais un concept de Nicolas Sarkozy qui tente ainsi de nous imposer sa lecture personnelle, très idéologique, de l'Histoire de France : celle qui met sur un même pied d'égalité le baptême de Clovis et le principe de laïcité, cadre actuel de la République.

« L'interprétation de la loi de 1905 comme un texte de liberté, de tolérance, de neutralité est en partie une reconstruction rétrospective du passé. »

Nicolas Sarkozy ose mettre en doute la sincérité d'un texte fondateur de la République. Le comble, c'est que le baptême de Clovis est considéré comme un "fait historique" tandis que la loi de 1905 serait une déviance de l’histoire…

« La morale laïque risque toujours de s'épuiser ou de se changer en fanatisme quand elle n'est
pas adossée à une espérance qui comble l'aspiration à l'infini. »

C’est carrément le monde vu à l’envers, cher à son conseiller Henri Guaino (la plume de Sarkozy), habitué à nous faire prendre des vessies pour des lanternes, affirmant en autre dernièrement que l'ultralibéralisme actuel de la France et de l’Europe, c'est la faute à Mai 68 !

En réalité, le fanatisme est justement lié à la religion car elle seule a pu conduire aux croisades, aux bûchers de l’inquisition, à la torture, au massacre de la Saint-Barthélémy, à un antisémitisme passé très virulent, à des guerres de religion aujourd’hui encore très meurtrières ou à ces"fous de Dieu" capables de sacrifier leur vie ... et celle des autres pour des idées religieuses. N’en déplaise à Henri Guaino, la morale laïque n’a jamais sombré dans le fanatisme…

« La France a besoin de catholiques convaincus qui ne craignent pas d’affirmer ce qu’ils sont et en quoi ils croient »

Non seulement, Nicolas Sarkozy fait l’éloge de la religion mais en plus fait de la pub pour les catholiques. Et tous les autres croyants ? protestants, orthodoxes, musulmans, juifs, … ? Et tous les agnostiques, athées, libres penseurs, … ? Sont-ils encore des filles et des fils de France ?

« L'instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé, même s'il est important qu'il s'en approche, parce qu'il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d'un engagement porté par l'espérance. »

C’est la phrase par excellence qui a été abondamment commentée et François Bayrou a sans doute répondu, mieux que personne, à Nicolas Sarkozy en disant :

« La morale de l'instituteur n'est pas inférieure à celle du prêtre. Pour Jules Ferry, elle est la morale universelle au genre humain, qui prend garde à ne choquer aucune des familles qui confient leur enfant aux maîtres. »

« Il demande aux religions, toujours dans «l'intérêt» de la République, de fonder la morale du pays. […] D'abord, il ne revient à aucune autorité civile de trancher ainsi une question de conscience. […] De surcroît, en tenant ce discours dans une société plurireligieuse, on pré­pare les conditions d'un affrontement entre les différentes religions. Car, quand elles se contredisent, qui décidera qu'une religion est supérieure à une autre dans le domaine de la morale et des valeurs ? »

« Un homme qui croit est un homme qui espère. Et l'intérêt de la République, c'est qu'il y ait beaucoup d'hommes et de femmes qui espèrent. »

François Bayrou, lui encore, fournit une excellente réponse, de surcroît en citant Marx…: « La République n'a pas à sous-traiter l'espérance aux religions. La République est en charge de réaliser un monde meilleur, et pas d'inviter à l'attendre. Cette conception sociologique de la religion, fournissant «l'espérance» qui fait que les peuples se tiennent tranquilles et respectent les règles établies, […] ce n'est pas autre chose que «l'opium du peuple» que dénonçait Marx»

Le discours de Latran révèle une ignorance étonnante de l’histoire de notre pays car l'identité progressiste de la France républicaine ne s'est pas construite avec l'héritage chrétien officiel mais, pour l'essentiel, contre lui.

Dans son homélie, le président de la République, inconscient des devoirs de sa charge, a insulté tous les croyants non-chrétiens, les agnostiques, les athées avec une attention particulière pour les instituteurs… Il a confondu ainsises convictions personnelles et celles, dans ses fonctions, d'un président de la République qui se doit de représenter tous les Français à égalité et sans discrimination.

Aujourd’hui, si une réforme de la laïcité est nécessaire, elle doit aller dans le sens de la loi de 1905. Par exemple en mettant fin à l’exception concordataire en Alsace et en Moselle, qui constitue un véritable scandale dans la France républicaine. Le maintien du statut clérical d’exception favorise outrageusement les cultes «reconnus» : catholicisme, luthérianisme, calvinisme, et judaïsme. Plusieurs milliers de religieux sont payés à des indices de la fonction publique, ce qui représente un détournement de près de 40 millions € pour financer les religions.

Par exemple, en s’insurgeant contre le financement public d’enseignements à caractère privé. Le gouvernement verse au titre des lois Debré-Guermeur-Rocard, en remboursement des salaires des maîtres du privé, la somme de 7 milliards € à l’enseignement privé. Cette somme détournée de sa mission d’origine, l’Ecole de la République, représente l’équivalent de 200 000 postes d’enseignants (charges comprises).
Sans compter toutes les subventions locales, officielles ou plus ou moins déguisées. A Marseille, les travaux d’entretien et de conservation de Notre-Dame de la Garde, édifice privé, ont bénéficié de près de 7 millions € de fonds publics. En Vendée, les subventions attribuées par 42 communes pour les organismes de gestion et les associations de parents d’élèves de l’enseignement catholique se sont élevées à plus de 3 500 000 €. A Paris, la mairie a financé pour plus de 400 000 € des crèches Loubavitch. En Indre-et-Loire, le conseil général a attribué 334 000 € de subventions à des associations catholiques pour la réfection de cloches et de lieux de culte. En Seine-Saint-Denis, le conseil général a versé 2 292 000 € pour le fonctionnement des collèges privés.

Et il faudrait encore y ajouter, en application de l’article 89 de la loi de décentralisation du 13 août 2004, le financement imposé à toutes les communes des dépenses de fonctionnement des écoles privées hors territoire communal, estimées à 280 millions € !


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