Magazine Cinéma

The immigrant - 7,5/10

Par Aelezig

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Un film de James Gray (2013 - USA) avec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix, Jeremy Renner

Romanesque et grave à la fois : 100 % James Gray !

L'histoire : Ewa et Magda arrivent à Ellis Island, baie de New York, passage obligé pour tous les immigrants, candidats à une nouvelle vie aux Etats-Unis. Polonaises, orphelines, leurs parents ayant été tués pendant les exactions de la première guerre mondiale, elles viennent rejoindre leur tante qui habite New York. Mais à Ellis Island, il ne faut pas être malade (et risquer de contaminer tout le pays), ni être femme célibataire (à moins d'avoir déjà un boulot d'assuré, sinon c'est une bouche de plus à nourrir).... Magda a la tuberculose, elle est immédiatement transférée en quarantaine dans un hôpital, puis sera expulsée. Ewa n'est pas mariée et quand elle donne le nom et l'adresse de sa tante, on lui dit que ces gens-là sont inconnus au bataillon. Expulsion. Arrive alors un homme, Bruno Weiss, qui semble bien connaître tous les fonctionnaires de l'île transit, et réussit à emmener Ewa, à qui il promet protection et travail. Mais elle réalise qu'il tient un night-club et que ses danseuses se prostituent... Ewa rêvait franchement d'autre chose. Elle serre les dents et accepte son nouveau destin : elle a besoin d'argent pour payer les frais d'hospitalisation de Magda, retenter leur chance ensuite au bureau d'immigration et se construire cette nouvelle vie qu'elles se sont promises.

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Mon avis : Je suis très sensible à ces histoires d'immigrants. Je me suis toujours sentie un peu nomade (quand j'étais petite, je voulais partir avec les Gitans... ma mère était vachement ravie) et les migrations mondiales, depuis l'aube des temps, me fascinent et me bouleversent. La visite d'Ellis Island à New York fut un choc et j'en suis ressortie les yeux pleins de larmes. Aujourd'hui, le sort de tous ces pauvres gens qui arrivent à Lampedusa, et qui finissent moins bien traités que les chienchiens de ces messieurs dames les bons Français, dans les terrains vagues de Calais ou de Menton, ça m'est insupportable. Et pour finir, je suis hyper fan du XIXe et du début du XXe. Autant vous dire que j'attendais ce film avec impatience, surtout avec Gray à la barre.

Rien à dire : c'est beau, c'est fort, c'est puissant, qu'il s'agisse de la mise en scène, du scénario, des comédiens. James Gray est probablement le seul réalisateur auquel je pardonne l'usage intempestif de filtres jaunes ; un petit tic que l'on retrouve dans la plupart de ses fils, sauf peut-être Little Odessa. J'aime toujours les histoires qu'il nous raconte, encore plus quand elles sont inspirées par son histoire personnelle (c'est le cas ici, comme dans Little Odessa). Et j'adore ses comédiens, toujours excellents ; on se dit à chaque fois que personne d'autre n'aurait été mieux, le choix est parfait. Nous retrouvons l'acteur fétiche, Joaquin Phoenix, meilleur film après film, un immense acteur, vraiment. La petite Marion, je suis sûre qu'elle s'est encore pris une volée de bois vert par ceux qui - on ne sait pas pourquoi - ont décidé une fois pour toute qu'elle était nulle, mais moi je l'adore ; elle est belle, elle est juste, elle est émouvante, et en même temps, elle porte toujours dans le regard une petite flamme de hargne... Que du bonheur !

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C'est un beau portrait de femme qu'il nous offre là, l'ami James. Une femme que l'on aurait tendance à penser fragile, victime... mais qui assume ses décisions, en pensant toujours un peu plus loin que le bout de son joli nez. C'est aussi un bel hommage à ses grands-parents qui débarquèrent à Ellis Island en 1923, arrivant de Russie. Et lui, c'est sûr, il le dit et le répète, il a bien aimé sa petite Marion, qui a appris le polonais pour la circonstance.

La critique est partagée,  entre les fans absolus : "James Gray déploie un mélodrame minéral, d’une simplicité absolue, tant dans sa mise en scène au classicisme racé, saisie dans l’envoûtante photographie mordorée du chef opérateur Darius Khondji, que dans sa direction d’acteurs ou la conduite de ses émotions." (Les Inrocks) ; "Un film qui se déploie presque sournoisement, sans la moindre explosion, mais qui se gorge à chaque plan d’une morbidité tragique, poisseuse tout en donnant aux personnages une majesté indéniable. Belle source d’envoûtement qui a toujours irrigué l’œuvre de James Gray et qui trouve ici une forme d’aboutissement." (TéléCinéObs) ; "James Gray filme Marion Cotillard comme une héroïne de tragédie, accueillant soudain en elle une grâce qu'elle n'espère plus. Comme une star du cinéma muet, aussi : on dirait Lillian Gish dans certains mélos de Griffith. La beauté à l'état pur..." (Télérama) et quelques uns qui détestent : "The Immigrant" de james Gray, avec la plaie Cotillard, cinquième film qui confirme le lent déclin du réalisateur de "The Yards" (Charlie Hebdo) ; "Très classique, élégant mais froid comme la mort." (TF1 News) ; "Comment le réalisateur qui a réinventé le thriller familial, avec "Little Odessa", "The Yards" et "La Nuit nous appartient", puis le film sentimental avec "Two Lovers", peut-il assumer un mélodrame dont le scénario remonte à un autre âge, comme l’on en réalisait dans les années 20, voire moins inventif ?" (Culture Box France Télévision). Mais dans l'ensemble, le film est très bien noté.

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Moins bon score côté spectateurs semble-t-il. Mais les arguments sont très subjectifs : il y a ceux qui n'ont en tête que la "mort" de Cotillard dans Batman (rappelons néanmoins que c'est le réalisateur, Christopher Nolan, pourtant adulé par le monde entier, qui l'a mise en boîte et que donc elle lui plaisait) et sont incapables de prendre le moindre recul ; il y a ceux qui trouvent l'histoire banale, probablement les mêmes qui ne s'émeuvent pas du sort des migrants actuels ; et ceux qui n'y trouvent aucune émotion. Ben je ne sais pas ce qu'il leur faut. Du combat à la hache peut-être.

Enfin bref, moi j'ai aimé !

Si vous aimez ce sujet, je vous conseille l'excellent Golden Gate de Criaelese.


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