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Des frères séparés

Publié le 24 mai 2008 par Frontere

Drieu La Rochelle, 1934Dans le cadre du séminaire vingtiémiste : « Les écrivains français entre deux guerres » de monsieur le professeur Jean-François Durand, je présentais le lundi 5 mai à l’université un exposé consacré au livre de Maurizio Serra “Les frères séparés (sous-titre) ou Drieu La Rochelle, Aragon, Malraux face à l’Histoire”, paru au mois de février dernier aux éditions de « La Table Ronde ».

Dont acte.

Dans le titre du livre de Maurizio Serra “Les frères séparés le mot frère a un sens polysémique, il doit s’entendre d’abord au sens de frères au sein d’une même génération mais ne saurait exclure toutefois le sens qui renvoie à la notion de famille, tellement le lien semble fort entre Pierre Drieu La Rochelle (1893-1945), Louis Aragon (1897-1982) et André Malraux (1901-1976).

On pourrait aussi parler, comme Pierre Assouline le fait dans la préface du livre, d’une fratrie d’écrivains.

Traduit de l’italien, ce livre avait paru initialement avec un bandeau qui portait l’inscription : Le fasciste. Le communiste. L’aventurier. Titre peu satisfaisant car par trop réducteur. Il s’agit d’un essai qui retrace le parcours de ces trois écrivains pendant l’entre-deux-guerres, objet du séminaire de monsieur Durand, et jusqu’à leur mort. La dimension psychologique qui atteint jusqu’à la catégorie de la psychanalyse me paraît avoir la même importance pour l’auteur que la dimension politique immédiatement présente. L’Histoire - mais n’est-elle pas la politique archivée ? - notamment dans sa composante géo-politique, la critique littéraire, les Arts, complètent la réflexion du diplomate de carrière qu’est Serra.

Quatre chapitres composent cet ouvrage : I. Les prémices ; II. L’Ere des choix ; III. Guerres ; IV. Fins de partis

Nous allons évoquer successivement les trois frères séparés en mettant l’accent sur ce qui fait la singularité de chacun.

Pierre Drieu La Rochelle

Il serait dommage de réduire la figure de Drieu La Rochelle à celle d’un écrivain fasciste qu’il ne me paraît pas être, il est écrivain et il adhère au fascisme ; Robert Brasillach qui dénonçait dans Je suis partout, journal de la Collaboration, tous ceux que le régime de Vichy avait désigné comme adversaires : juifs, communistes, francs-maçons, catholiques progressistes, gaullistes, intellectuels, etc., lui, peut être qualifié d’écrivain fasciste, de même que Louis-Ferdinand Céline qui s’embarqua pour Sigmaringen avec les reliques de Vichy ou encore Rebatet, lui aussi de la fuite à Sigmaringen, connu pour être l’auteur du pamphlet antisémite Les décombres au tirage record de 200 000 exemplaires, ce qui en dit long sur le climat de la France des années 1942-1943.

Cette entrée en matière pour situer Drieu dans le paysage de l’extrême droite politique et littéraire.

Pour Serra du reste, c’est à l’occasion des manifestations d’extrême droite qui firent 15 morts le 6 février 1934 que Drieu naquit au fascisme. En 1934 il écrira une sorte de manifeste Socialisme fasciste, un titre qui fleure bon l’oxymore : le socialisme a pour but de libérer l’homme, le fascisme est un totalitarisme. En 1936, il adhèrera dans cette logique à un parti d’extrême droite, le P.P.F., Parti Populaire Français, dirigé par un ancien communiste Jacques Doriot, qui prône la collaboration avec l’ennemi. Il quittera cependant le P.P.F. dès octobre 1938 avant d’y adhérer à nouveau à la mi-1942.

Son parcours jusque là avait été décevant. Après des études à Sciences Po, il fréquente l’école des langues orientales. Il rêve d’une carrière diplomatique mais échoue au concours qui lui aurait permis d’y accéder et il renonce à se présenter à la session de rattrapage. On lui propose un poste d’attaché culturel à Tokyo aux côtés de Paul Claudel, ambassadeur en poste, il le refuse.

L’un des traits de la personnalité de Drieu La Rochelle c’est d’être un velléitaire, c’est d’être aussi quelqu’un qui ne s’aime pas. Pourtant, il s’est décrit dans l’un de ses romans comme L’homme couvert de femmes. Car il multiplie les mariages, donc les divorces et il ne compte plus ses maîtresses (voyez-y une relation de cause à effet), lui qui intitule un autre de ses livres Journal d’un délicat ; un délicat qui ne dédaigne pas à l’occasion la fréquentation des bordels ce qui ne va pas sans le cortège habituel de ce type d’établissement : syphillis et autres maladies vénériennes. Dès l’après-guerre Marthe Richard y mettra fin. 

A suivre


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