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Le témoin de Martin Luther

Publié le 25 mai 2008 par Marc Lenot

venus-1532.1211719030.jpgAprès la petite exposition au Courtauld il y a 6 mois, c’est la Royal Academy à Londres qui présente un panorama assez complet des tableaux de Lucas Cranach, jusqu’au 8 Juin.

On y va avec dans la tête le souvenir de ces corps filiformes, aux seins menus, aux hanches étroites, à l’innocence érotique presque androgyne. Une d’elles, ornant l’affiche de l’exposition, a été brièvement interdite dans le métro londonien : “No sex, please, we are British”, censure imbécile. Je ne nierais pas une seconde le plaisir qu’on y prend. Ci-contre une Vénus de 1532, conservée à Francfort au Städel.

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Mais pour le simple amateur pas trop érudit, la surprise vient de l’importance de la religion chez Cranach. Je connaissais bien sûr plusieurs de ses tableaux religieux, dont le magnifique Triptyque de 1509 (voir l’animation interactive ici), je le savais fervent partisan de la Réforme, mais j’ignorais qu’il fut le témoin de mariage de Martin Luther. Ci-contre le portrait quasi amical et tendre de Katharina von Bora, l’épouse de Luther (1526, Warburg, Eisenach). L’ambivalence du peintre entre morale et érotisme est tout à fait fascinante : faire naître le désir pour mieux le fustiger ? Est-ce hypocrisie ou critique dissimulée ?

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Ce Martyre de Sainte Catherine (1505, conservé dans la collection Raday de l’Eglise Réformée de Hongrie à Budapest) est tumultueux à souhait. Du ciel noir tombe la foudre, qui brise les roues du supplice. Les rayons de lumière divine sont comme des flèches acérées. A l’arrière-plan, tout se bouscule, hommes, chevaux, guerriers dans une confusion incompréhensible. Le bourreau au regard mauvais et à la coquille proéminente positionne soigneusement la tête de la sainte en prière avant de la trancher : ces deux-là sont des géants par rapport aux autres personnages. Ils semblent sortir de la toile, s’en détacher, flotter comme devant un décor. Les épaules et la gorge découverte de la sainte sont d’une douceur, d’une tendresse plus appropriées à une scène amoureuse qu’à un martyre, même mystique. Le bourreau est en blanc avec des traits de couleur exubérants, la sainte en noir, mais un jupon blanc froufroutant s’échappe de sa robe noir, comme un écho des nuages sur lesquels elle va désormais flotter, comme une promesse d’extase, de virginité éternelle. 

Voilà une exposition qui permet de découvrir les diverses facettes du travail de Cranach, et en particulier de lui donner sa juste valeur face à Dürer.


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