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Voyage au bout de la nuit [Louis-Ferdinand Céline]

Publié le 20 novembre 2014 par Charlotte @ulostcontrol_
Bonjour,

Le livre que je vais vous présenter aujourd'hui est un classique de la littérature du vingtième siècle. J'avais déjà commencé à le lire il y a quelques années mais j'avais abandonné en sentant que je m'attelais à quelque chose de trop gros pour moi. J'ai finalement recommencé cette lecture il y a quelques temps et je vous propose aujourd'hui de découvrir mon avis sur Voyage au bout de la nuit de Céline !

Voyage au bout de la nuit [Louis-Ferdinand Céline]« - Oh ! Vous être donc tout à fait lâche, Ferdinand ! Vous êtes répugnant comme un rat…
- Oui, tout à fait lâche, Lola, je refuse la guerre et tout ce qu’il y a dedans… Je ne la déplore pas moi… Je ne me résigne pas moi… je ne pleurniche pas dessus moi… je la refuse tout net, avec tous les hommes qu’elle contient, je ne veux rien avoir à faire avec eux, avec elle. Seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout seul, c’est eux qui ont tort, Lola, et c’est moi qui ai raison, parce que je suis seul à savoir ce que je veux : je ne veux plus mourir. »

Publié en 1932, ce classique de la littérature française nous raconte l’histoire de Ferdinand Bardamu, un jeune homme qui s’engage dans l’armée à l’aube du premier conflit mondial. A travers son expérience de soldat, il découvrira l’absurdité de la guerre et la bassesse de l’être humain.

On suivra ainsi ce personnage tout au long de sa vie : en Afrique, en Amérique, à Paris, comme ouvrier ou comme médecin, et toutes ces aventures ne feront que lui donner une nouvelle preuve de la misère et de la méchanceté des hommes. La vie de Bardamu et le livre que nous propose Céline sont donc profondément marqués par l’expérience de la première guerre mondiale, dont le souvenir est présent tout au long du livre.

Lorsque je regarde les notes que j’ai prises pendant que je lisais, voilà ce que j’y trouve : « moisissure », « odeurs », « animaux » et « viande ». Ca ne donne pas envie, mais je trouve que ces mots représentent assez bien ce que j’ai ressenti pendant cette lecture, car la première chose qui m’a marquée dans ce roman, c’est son atmosphère et la teneur des images auxquelles il fait appel.

Tout au long du livre, on retrouve la métaphore filée de la guerre comme un « abattoir international en folie » (p.112). Les corps décrits par Céline (qu’ils soient morts ou vivants) sont assimilés à des animaux, à de la viande, à de la pourriture. Comme si l’homme évoquait pour l’auteur tout ce qu’il y a de plus bas et de plus sale au monde. Une scène du début du livre m’a par exemple beaucoup marquée et me semble bien représenter l’atmosphère et les thèmes récurrents du livre : c’est celle où Bardamu et Musyne cherchent un endroit où se réfugier lors d’une alerte et que la cave de la boucherie du quartier semble être l’endroit le plus sécurisé.


Voyage au bout de la nuit [Louis-Ferdinand Céline]
« Musyne pleurnichait devant ma résistance. D’autres locataires nous pressaient de les accompagner, je finis par me laisser convaincre. Il fut émis quant au choix de la cave une série de propositions différentes. La cave du boucher finit par emporter la majorité des adhésions, on prétendant qu’elle était située plus profondément que n’importe quelle autre de l’immeuble. Dès le seuil il vous parvenait des bouffées d’une odeur âcre et de moi bien connue, qui me fut à l’instant absolument insupportable.
« Tu vas descendre là-dedans Musyne, avec la viande pendante aux crochets ? lui demandai-je.
- Pourquoi pas ? me répondit-elle, bien étonnée
- Eh bien moi, dis-je, j’ai des souvenirs, et je préfère remonter là-haut…
- Tu t’en vas alors ?
- Tu viendras me retrouver, dès que ce sera fini !
- Mais ça peut durer longtemps…
- J’aime mieux t’attendre là-haut, que je dis. Je n’aime pas la viande, et ce sera bientôt terminé. »
Pendant l’alerte, protégés dans leurs réduits, les locataires échangeaient des politesses guillerettes. Certaines dames en peignoir, dernières venus, se pressaient avec élégance et mesure vers cette voûte odorante dont le boucher et la bouchère leur faisaient les honneurs, tout en s’excusant, à cause du froid artificiel indispensable à la bonne conservation de la marchandise. » p. 83-84
Dans cette scène, on prend conscience de la façon dont la guerre a marqué et hante Bardamu. En tant que soldat, son expérience est différente de celle des autres personnages et de Musyne, qui ne voient pas en quoi des porcs suspendus peuvent être traumatisants. Céline rabaisse ainsi la condition de l’homme à celle d’un animal et ne considère son corps que comme de la viande qui, avant d’atterrir à la boucherie, doit passer par un « abattoir international en folie » et dont on doit veiller à la bonne conservation pour ne pas qu’elle pourrisse.
Mais je crois que ce qui me déprime le plus dans cette scène, c'est le paragraphe qui suit :
« Musyne disparut avec les autres. Je l'ai attendue, chez nous, en haut, une nuit, tout un jour, un an... Elle n'est jamais revenue me trouver. » p.84
En ce qui concerne Bardamu, je trouve que c’est un héros qui provoque des sentiments assez contradictoires chez le lecteur. D’un côté, je l’ai trouvé assez antipathique et très agaçant. Son caractère nonchalant fait de lui un homme qui ne prend aucune décision et qui n’a aucun sentiment. S’il ne donne pas l’impression d’avoir un fond foncièrement méchant, on peut quand même s’interroger sur ses valeurs morales puisqu’il n’a pas l’air dérangé par le fait de participer à des combines très malhonnêtes, et même criminelles.
Mais d’un autre côté, c’est un personnage qui suscite aussi la compréhension et la compassion du lecteur. Certes, il a des défauts, mais j’étais parfois assez compréhensive avec lui du fait de son vécu. Il m’a parfois donné l’impression d’être un homme bon mais corrompu et brisé par la guerre, déçu de ses hommes et incompris.
Voyage au bout de la nuit [Louis-Ferdinand Céline]
→ MON AVIS

J’avais déjà commencé la lecture de ce livre en 2009, mais je l’avais interrompue parce que j’avais l’impression de passer à côté du sens de ce livre. Non seulement je ne le comprenais pas, mais en plus, il avait eu pour effet de me déprimer un peu. Rien de grave, mais je sentais que le livre avait un petit effet sur mon état d’esprit, comme ce qu’on ressent lorsqu’on lit un livre dont le sujet n’est pas folichon et qui présente une vision assez sombre et pessimiste de l’homme.

Bref, j’avais décidé de l’arrêter et de remettre cette lecture à plus tard.
Cinq ans plus tard, après avoir un peu mûri, j’avais toujours envie de découvrir cette œuvre, alors je me suis lancée avec l’objectif de ne pas traîner, parce que je savais que cette lecture aurait un petit effet sur mon moral. En quatre jours, c’était plié, et j’admets que j’ai un peu forcé.

Je suis satisfaite d’avoir enfin pu découvrir ce monument, mais ce livre me laisse une drôle d’impression. J’ai plutôt apprécié cette lecture, le sujet abordé est intéressant et surtout poignant. Les conséquences que peuvent avoir une guerre sur des soldats ne seront sûrement jamais aussi bien décrites que dans ce livre et on se rend vraiment compte à quel point une guerre peut modifier notre vision de l’homme.

Ce livre est vraiment un témoignage bouleversant sur la première guerre mondiale. Il n’y a pas ou quasiment pas de scène de combat et pourtant il rend compte comme aucun autre de la boucherie et de l’horreur de ce qu’a pu être cette guerre.

Au final, je n’ai pas boudé cette lecture mais je ne l’ai pas non plus particulièrement appréciée : je suis contente de l’avoir lu, mais ce n’est pas ma came.

J’adore les histoires qui ne sont pas toutes roses et qui ne se terminent pas par un banquet ou un mariage et je ne ressens pas du tout le besoin de finir sur une happy end, mais les romans qui véhiculent une image de l’homme aussi sombre, pessimiste et crasseuse comme Voyage au bout de la nuit ne sont pas ceux qui me font vibrer. Car ce que propose surtout ce roman selon moi, c’est une vision très particulière de l’homme ; je la comprends et je pense qu’elle contient une part de vérité, mais ce n’est pas ce que je m’attends à trouver dans un livre.

Je ne regrette absolument pas de l’avoir lu et je pense même qu’une seconde lecture sera nécessaire dans quelques années. Je le conseille donc aux fans de classiques, aux lecteurs curieux d’élargir leur vision de l’homme ou à ceux intéressés par les artistes d’après guerre, en revanche passez votre chemin si vous cherchez un roman léger ou divertissant.A vous maintenant de me dire si vous avez déjà lu cette œuvre si particulière ou si vous avez envie de la découvrir, je serais très curieuse de savoir ce que vous en pensez !J’en profite pour vous demander : y a-t-il une œuvre qui a eu un effet sur votre moral ou votre état d’esprit (qu’elle vous ait déprimé ou qu’elle vous ait redonné espoir) ?


*Ce livre fait partie du challenge "Lire des classiques"

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