La Complainte des landes perdues (Cycle 2, T4) Sill Valt

Chronique « La Complainte des landes perdues (T4) » : Doux comme l’amour, amer comme la mort…

Scénario de Jean Dufaux, dessin de Philippe Delaby et Jérémy, Couleurs de Bérangère Marquebreucq & Gérard Sébastien,

Public conseillé : Adultes / grands adolescents,

Style : Médiéval Fantastique,
Paru chez Dargaud, le 21 novembre 2014, 56 pages couleurs, 13.99 euros.
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L’histoire

Le Guinea Lord, bras armé de la Mater Obscura, va à la rencontre de sa maîtresse pour lui offrir la tête de la féé Sanctus. dans le doute, Saavarda lance la tête tranchée dans le feu.
Furieuse de cet échec, la reine des Moriganes ordonne à son âme damnée de retirer son armure et à sa servante de se débarrasser de lui. Mais le Guinea Lord, qui ne l’entend pas de la sorte, tue les Moriganes !
Blessé, il part se soigner au château de sa mère, la dame à l’hermine.
En face du château, Sill Valt, le chevalier du pardon, attend son heure. Malgré les avertissements des malheureux qui ont succombé au charme mortel de la châtelaine, il prend le bac.
De son coté, Seamus est attaqué par un groupe de renégats. Il met hors d’état de nuire deux de ses assaillants, mais tombe sous les coups du troisième. Avant de l’achever, l’homme est attiré par les cris d’un enfant qui pleure dans la pièce d’à côté….

Fin de cycle dramatique

Ce quatrième et dernier tome de “La Complainte des landes perdues” (Cycle des Chevaliers du Pardon) est un album particulier. Suite (inattendue) de la série créé par Jean Dufaux et Piotr Rosiński (de 93 à 98), ce nouveau cycle dessiné par Philippe Delaby (à partir de 2004), n’a pas connu un démarrage en trombe.
Pourtant, ce duo d’auteur connaissait un succès mérité avec la série “Murena”. Décalage graphique avec le premier cycle ? Fantastique assumé loin des envies de réalisme de “Murena” ? ou relative “simplicité” de l’histoire ? Ce nouveau cycle a mis du temps à s’installer.
Alternant les épisodes de “Murena” et de “La “Complainte”, Jean Dufaux et Philippe Delaby ont continué l’aventure en travaillant sur les poins forts : dramaturgie et visuels grandioses, au service d’une série qui navigue entre “Héroic Fantastique” et “Conte pour adultes”.
Alors qu’il finissait la planche 34 de l’album, ce quatrième tome a était endeuillé par la mort subite de son dessinateur (Philippe Delaby). Rapidement, la volonté de finir l’album et le cycle s’est imposé, avec l’aval de Mme Delaby.
Après une période de flottement, Jérémy (le dessinateur de “Barracuda”, coloriste sur “Murena” et apprenti de Delaby), s’est attelé à la tache pour finir dans les pas de son maître.
Loin des considérations financières, je trouve que cette “succession” est le plus bel hommage que Jérémy pouvait rendre à celui qui fut son maître.

Ce que j’en pense

Voila donc le temps de clôturer définitivement le “Cycle des Chevaliers du pardon”.
Tandis que Seamus cherche la fée Sanctus aux îles Keruan (ce n’est pas vraiment l’intrigue centrale), Sill Valt, le vieux maître s’en va vers son destin. Pour combattre son ennemis, réputé invincible (le Guinea Lord), il se jette dans le piège annoncé : le château de la Dame à l’hermine, pour devenir tour à tour invité, prisonnier et amant de cette femme à la beauté fatale.
Jean Dufaux en profite pour nous révéler le passé de ce personnage et ses liens avec le Guinea Lord.
Même si la tension est palpable, ce ne sont pas les combats qui s’enchaînent, mais plutôt des corps à corps, très charnels et très peu “amour courtois”. Revenant sur son thème de prédilection (“La mort est au coeur de l’amour”), Jean Dufaux s’arrête sur ce couple qui hésite entre amour et mort…jusqu’au dénouement final.
Grâce à l’intervention des personnages secondaires qu’il a placé au fil du récit, il amène quelques rebondissements qui tombent à pic, sans quitter le cap’ : la dramaturgie. On le savait dès le début : Amour et mort sont au rendez-vous !
Dans “La complainte de landes perdues”, et plus encore dans le “Cycle des chevaliers du pardon”, Jean Dufaux brode sur des thèmes connus : la figure du vieux maître qui doit mourir pour passer le flambeau, la vengeance comme moteur, les enfants qui souhaitent la mort de leurs parents, la lutte éternelle entre bien et mal… autant d’archétypes utilisés dans les contes et les récits épiques…

Le dessin

Avec “Sill Valt”, Philippe Delaby et Jérémy ont mis la barre très haut. Dans de grandes cases aérées, ils nous offrent un dessin classique et grandiose. Même si les visages ne sont pas extrêmement expressifs, la maîtrise de la composition, de l’anatomie et la “maniaquerie” des détails sont au rendez-vous pour un résultat impressionnant.
Beaux personnages et affreux monstres sont représentés avec une volonté de réalisme saisissant, digne d’une super-production.
Avec un sens du découpage hérité de l’écriture cinématographique, Philippe Delaby et Jérémry nous offrent un album somptueux !
Coté couleurs, rien à redire ! Bérangère Marquebreucq & Gérard Sébastien se sont mis au diapason du dessin exigeant de Delaby et Jérémy.

Pour résumer

Dernier tome du cycle, Sill Valt est un chant d’adieu.
Sombre, dramatique et charnel, Jean Dufaux nous offre un final grandiose, un combat éternel entre le bien et le mal, mis en image par Philippe Delaby et Jérémy, plus inspirés que jamais par cette histoire fantastique.

L’Edition spéciale

Cet album bénéficie d’une édition spéciale, limitée à 9.000 exemplaires, en hommage à Philippe Delaby. Couverture inédite (dessinée par Jérémy), cahier graphique de 16 pages (storyboard, croquis) et un texte écrit par Mme Delaby permettent de prolonger l’immersion.