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Zoom sur le Cancer du sein de la princesse rebelle

Publié le 21 novembre 2014 par Johanne Labbé @JRozonLabbe

IMG_6051   Le site français Paperblog a soumis à certains de ses auteurs un questionnaire, auquel j’ai accepté de répondre. En voici la transcription…

1. Bonjour Johanne. Peut-on commencer par vous demander de vous présenter en quelques mots ?

Je suis une survivante d’un cancer du sein, diagnostiqué en 2007. Au moment du diagnostic, ma grande fille était autonome, j’avais un nouvel amoureux depuis peu, et une vie sociale riche de vieilles et de plus récentes amitiés. Et je m’estimais comblée par ma vie professionnelle.

Partie jeune de la maison, j’avais complété mes études tout en travaillant pour gagner ma vie. Lorsque j’ai rencontré mon conjoint à vingt-et-un ans, il avait déjà deux fils. Puis, nous avons eu une fille. C’est donc avec une maison et un agenda bien remplis que j’ai complété mon premier cycle universitaire en littérature, ma passion première. Je me dirigeais d’abord vers la maîtrise en sociologie, mais j’ai décidé de postuler à la maîtrise en administration des affaires (M.B.A.). Ayant complété ce diplôme, j’ai alors acquis une marge de manœuvre professionnelle et des mandats passionnants, de même qu’une amélioration de ma situation financière. Le tout s’avérait très bienvenu, après des années de galère, de course aux prêts et bourses et de soucis matériels. Le diagnostic d’un cancer a frappé cette période d’accalmie comme une secousse sismique !

2. Votre blog parle de votre expérience de patiente tout au long du traitement de votre cancer du sein. Ce projet vous est-il venu naturellement ou avez-vous hésité à vous lancer dans cette expérience ?

J’écrivais déjà des missives, intitulées « Chroniques d’une princesse rebelle », depuis 1999, transmises à mes amis et à ma famille par courriel. Le jour du diagnostic, j’ai entamé un congé de maladie d’une durée initiale de neuf mois. J’ai décidé d’acheter un ordinateur portable pour écrire mes chroniques dehors, sur ma terrasse, où je m’apprêtais à passer l’été 2007. J’éprouvais le besoin de raconter ce qui se déroulait dans ma vie, subitement confinée, pour l’essentiel, à l’hôpital et à la maison.

Par ailleurs, je souhaitais en apprendre le plus possible sur le cancer du sein et je lisais tous les sites médicaux crédibles auxquels j’avais accès. Mon travail m’exposait quotidiennement à des formations et contenus médicaux, ainsi qu’au vocabulaire s’y rattachant, puisque j’étais conseillère experte en santé et sécurité au travail. Du contenu médico-légal, je suis passée au contenu médical, sans trop de heurts. Même si les détails trop scientifiques m’échappaient, j’en retirais beaucoup d’information. Or, m’informer me rassurait.

Sur le web, j’ai constaté que des plateformes appelées « blogues » permettaient la diffusion de chroniques telles que la mienne. J’ai ouvert mon blogue en juin 2007, visant toujours mes parents et amis, mais dans un format plus agréable pour eux et plus amusant pour moi. La possibilité de publier des photos et des tableaux pour illustrer mes textes m’enthousiasmait. J’ai eu la surprise de joindre un lectorat inespéré, de parfaits inconnus, des patients intéressés par mes textes, avec qui je partageais le vécu de la maladie. Cela m’a donné des ailes et rappelé le bonheur d’écrire.

Le seul point sur lequel j’ai d’abord hésité est le maintien de l’anonymat face à mes lecteurs inconnus. J’aurais pu demeurer cachée derrière un pseudonyme et ne pas publier de photo de moi. Puis, mes hésitations m’ont paru bien puériles comparativement aux véritables enjeux immédiats, soit la menace du cancer sur le temps qui me restait pour aimer les miens. J’ai rapidement remplacé la première photo, qui me dissimulait derrière un géranium, par une photo de ma fille et moi.

photo profil du blog
C’est elle qui me rassurait à ce sujet, car sa génération n’éprouve pas ce genre de crainte du web, et j’ai décidé de m’ouvrir à sa vision des choses.

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3. En lisant votre blog, on est très vite frappé non seulement par la beauté de votre écriture mais par le ton avec lequel vous choisissez de traiter le sujet. On se retrouve même souvent en train de sourire en vous lisant. Là encore, éviter le pathos, est-ce un choix ou est-ce lié à votre expérience ?

Ni l’un ni l’autre, je crois : il s’agit plutôt d’un réflexe. Dans ma famille, mes sœurs et moi, nous vivons plutôt à « l’italienne »: sur le coup, quand nous pleurons, nous pleurons des fleuves, quand nous souffrons, nous souffrons pro-fon-dé-ment ! Mais rapidement, tout, absolument tout, nous fait rire. Dès que nous prenons cinq centimètres de distance, ou vingt-quatre heures de recul, nous nous trouvons tellement ridicules que nous en mourons de rire. Nous pratiquons l’autodérision de façon spontanée. Un peu comme si, le lendemain, notre mélodrame se transformait en bande dessinée ou en caricature. Déni ? Propension génétique à ricaner ? On s’en fout!

Cependant, je ne prends pas la réalité du cancer avec frivolité. Je suis une survivante, à ce jour. Je précise « à ce jour » non pas par pessimisme, mais par réalisme. Survivance ne signifie pas guérison, du moins dans le cas du cancer du sein. Ma vigilance m’amène à vivre au présent. Cela n’évacue pas les projets, mais cette vigilance me pousse à me mettre en action sans délai pour les réaliser. L’avenir ne m’est pas acquis et je m’émerveille de chaque année de rémission cumulée. Pour moi, il s’agit d’un pragmatisme optimiste.

Cœur latin et pragmatisme anglo-saxon, voilà qui résume bien ma « bipolarité » !

4. Question un peu bête mais qui nous taraude : comment allez-vous aujourd’hui ?

Mieux que jamais, mais plus lentement. J’ai célébré mes six années de rémission au printemps 2014. Force est d’avouer que je n’ai pas retrouvé toute l’énergie dont je disposais avant les traitements. Même si je n’ai jamais disposé d’une grande santé, cela ne m’a pas empêchée de combiner métro-boulot-études-famille-vie-sociale-dodo pendant des décennies. Disons que, depuis le cancer, j’ai joint le rythme du mouvement « slow », mais malgré moi!

5. Comment avez-vous découvert Paperblog ? A votre avis, quels peuvent être les avantages d’une telle plateforme pour des blogs qui cherchent à se faire connaître ?

Je crois en avoir vu le logo dans le blogue d’Isabelle de Lyon, La Gniaque, autour de 2009 : http://isabelledelyon.canalblog.com/.

Isabelle m’a toujours impressionnée pour toutes sortes de raisons. C’est elle qui m’a conseillé de passer à WordPress. Elle-même n’avait ni le temps, ni l’énergie de le faire, mais elle s’y connaissait nettement plus que moi, étant ingénieure en informatique. J’ai suivi son conseil et l’en remercie. Je tente de maîtriser les aspects techniques le mieux possible, malgré le temps que je dois y investir, compte tenu de mon manque de compétence dans le domaine.

Les avantages d’une telle plateforme ? Elles m’ont « sauté au visage » dès la parution de mon premier article sur le site : primo, un lectorat multiplié de manière quasi exponentielle; secundo, une validation de la qualité par d’autres que papa-maman-frères-sœurs-amis; tertio, une reconnaissance de la pertinence de notre travail ! Bref, pour moi, Paperblog est une référence et outrepasse les frontières géopolitiques, permettant aux francophones de partout de se mesurer, de s’améliorer, d’apprendre de leurs pairs, de stimuler leur créativité.

6. Des projets d’écriture pour l’avenir ?

Oui. Je souhaite avant tout terminer le récit du Cancer du sein de la princesse rebelle. La narration de ce récit s’est arrêtée au stade de la radiothérapie. Ce fut une des périodes les plus difficiles de mon année de traitements, pour toutes sortes de raisons.

Maintenant que je vais bien, que ma vie correspond à mes souhaits et capacités, que j’ai rencontré le nouvel homme de ma vie dont je suis follement amoureuse depuis six ans, que j’ai un petit-fils et que j’attends une petite-fille pour le printemps 2015, je veux terminer ce récit. J’ai dégagé du temps pour cet objectif et j’y travaille.

Ensuite, la pratique de l’écriture me conduira certainement ailleurs, à explorer de nouvelles voies.

7. Merci encore d’avoir accepté cet entretien.

Ce fut un plaisir !


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