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Chronique ontarienne, par Jean-François Tremblay…

Publié le 30 novembre 2014 par Chatquilouche @chatquilouche

J’ai découvert le travail de réalisation de Michael Powell il y a quelques années enchat qui louche maykan alain gagnon francophonie regardant le film de 1948 The Red Shoes. Inspiré du conte de Hans Christian Andersen, le long-métrage se classe parmi les œuvres les plus marquantes portant sur le monde de la danse. Sa forme est sujette aux restrictions techniques de l’époque, mais le propos demeure très moderne, même terriblement sombre, et on prend énormément de plaisir à le visionner encore aujourd’hui, plus de soixante ans après sa sortie. Le film contient une scène d’anthologie, constituée d’un ballet enchanteur de 17 minutes, dansé par la phénoménale Moira Shearer.

D’ailleurs – et je fais ici un peu d’autopromotion –, j’ai écrit un texte portant sur le film ainsi que d’autres œuvres cinématographiques ayant comme thème la danse, dans un numéro de la revue Ciné-Bulles publié à l’été 2011. Cliquez ici pour le consulter gratuitement.

À l’époque de The Red Shoes, Powell, d’origine britannique et ayant déjà près de 20 ans de métier derrière lui, formait depuis quelques années un duo avec Emeric Pressburger, un juif d’origine hongroise. Ensemble, ils s’appelaient The Archers, et ont réalisé 19 films, plusieurs d’entre eux se retrouvant constamment sur les listes des meilleurs films du 20e siècle (Black Narcissus, The Life and Death of Colonel Blimp, The Tales of Hoffmann, etc.).

Suite à l’aventure de The Archers, Michael Powell a réalisé de son côté en 1960 le film Peeping Tom (Le Voyeur). C’est ce titre que j’ai vu récemment et qui m’a donné envie de me pencher davantage sur l’œuvre des deux hommes, ensemble et en solo. Car après The Red Shoes et Peeping Tom, je suis vachement impressionné par leurs talents de réalisateurs, du moins ceux de Powell.

Peeping Tom met en vedette Karlheinz Böhm – vous le connaissez sûrement pour son rôle de François-Joseph d’Autriche dans la trilogie de films sur l’impératrice Sissi sortie dans les années 50. Il est tout à fait méconnaissable ici, de par son attitude et son langage corporel.

On y retrouve également Anna Massey (qu’on retrouvera dans Frenzy d’Alfred Hitchcock 12 ans plus tard) et Moira Shearer, muse de Powell dans The Red Shoes qui joue ici un petit, mais important rôle dans une scène savoureuse.

Le scénario raconte l’histoire de Mark (Böhm), un homme taciturne et étrange, qui aime filmer des femmes secrètement, qui va même jusqu’à tuer certaines d’entre elles, et filmer leur agonie. Mark attire le regard d’Helen, sa jeune voisine du dessous, qui ne voit en lui qu’un homme timide, inoffensif. Par contre, la mère d’Helen, jouée par Maxine Audley, perçoit clairement le jeu de Mark, ce qui est plutôt ironique puisque la femme est aveugle.

Mark est, tout au long du film, tiraillé entre son voyeurisme malsain et ses sentiments pour Helen qui évoluent peu à peu. Les sources de son obsession sont lentement dévoilées au cours du récit. Le combat intérieur de Mark pour protéger Helen de lui-même constitue la majeure partie du drame, et c’est tout à fait fascinant.

J’adore la réalisation, très moderne pour l’époque. Le thème est peu banal – le film, d’ailleurs, a beaucoup offusqué les gens à sa sortie et cela a empêché Powell de trouver du travail pendant longtemps par la suite. Les éclairages sont travaillés avec grand soin, le jeu de caméra, qui parfois nous place dans l’œil de la caméra de Mark, est d’une belle inventivité (on pourrait même avancer qu’il est précurseur, en quelque sorte, de la mode actuelle du « found footage »), et le jeu des acteurs est impeccable.

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Le film est plein d’allusions, tantôt subtiles tantôt amusantes, au thème du voyeurisme. Dans une scène, où Mark filme des ambulanciers qui sortent d’un appartement le cadavre de l’une de ses victimes, il se fait aborder par un passant attiré par sa caméra. Le passant lui demande : « Pour quel média travaillez-vous ? » Et Mark de répondre : « The Observer. »

Le film ne tombe jamais dans la gratuité et nous donne des scènes qui nous hantent longtemps après son visionnement. Son propos est glauque, loin des habituels sujets niais abordés dans le cinéma populaire de l’époque. Peeping Tom, c’est du cinéma pour adultes comme il s’en fait trop peu. Du cinéma intelligent et terriblement dérangeant.

Notice biographique
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Jean-François Tremblay est un passionné de musique et de cinéma. Il a fait ses études collégiales en Lettres, pour se diriger par la suite vers les Arts à l’université, premièrement en théâtre (en tant que comédien), et plus tard en cinéma.  Au cours de son Bac. en cinéma, Il découvre la photographie de plateau et le montage, deux occupations qui le passionnent.  Blogueur à ses heures, il devient en 2010 critique pour Sorstu.ca, un jeune et dynamique site web consacré à l’actualité musicale montréalaise.  Jean-François habite maintenant Peterborough.   Il tient une chronique bimensuelle au Chat Qui Louche.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)


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