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Du rock, de la chair et un fauteuil

Publié le 08 décembre 2014 par Oz

La diversité est au menu de l’émission animée par Bruno de Stabenrath sur Numéro 23

Par Olivier Zilbertin

Cela parle des autres, mais les mots pourraient avoir été écrits pour lui. « Autour d’un repas préparé par un grand chef, mon invité va se livrer sans détour et nous raconter l’aventure d’une vie où se côtoient les défis, les failles, mais aussi la chance et le dépassement de soi. »

Dans le petit appartement parisien perché au sixième étage, où se tourne l’émission « Rocking Chair », le silence a parfois du mal à se faire. Mais la voix du présentateur Bruno de Stabenrath vibre, et les paroles rebondissent sur les murs du salon. L’aventure d’une vie, les défis, les failles, le dépassement de soi… Comme un raccourci de sa propre existence, en somme, et l’on suppose que les énoncés trouvent en son for intérieur une autre caisse de résonance, une autre corde sensible.

L’animateur sait en tout cas ce que les anfractuosités de la vie peuvent réserver. L’ancien jeune premier du cinéma français – on a pu le voir dans L’Argent de poche, de Truffaut, L’Hôtel de la plage ou encore Mesrine -, l’ancien rockeur, chanteur et jet-setteur est devenu tétraplégique en 1996 à la suite d’un accident de voiture. Il avait 36 ans.

Dans Cavalcade, roman autobiographique paru en 2001 (Robert Laffont), le jeune homme racontait son histoire, son destin brisé, les épreuves, les années de souffrance pour se reconstruire, pour croire en un autre chemin. Les absences, les oublis, les rebonds et la vie qui triomphe malgré tout. D’autres livres suivront : Le Châtiment de Narcisse (Pocket, 2005), Je n’ai pas de rôle pour vous (Robert Laffont, 2011) ou encore le Dictionnaire des destins brisés du rock (Scali, 2004). Du rock, de la chair et un fauteuil : Bruno de Stabenrath aurait fait un très bon invité pour « Rocking Chair ».

Confessions autour d’une table

Oui, mais voilà : c’est lui qui anime, et ce sont les autres qui parlent. Vingt-six minutes de confessions autour d’une table et d’un repas – préparé par Julien Burbaud, candidat en 2012 à « Top Chef » et au piano du restaurant 1K – diffusées le dimanche à 12 h 30, sur Numéro 23, la chaîne « de toutes les diversités », une des six chaînes de la TNT HD apparues il y a deux ans. Le musicien Ibrahim Maalouf, les chanteurs Marc Lavoine et Princesse Erika, l’économiste franco-béninois Lionel Zinsou (diffusion le 16 novembre), l’acteur Noom Diawara (le 23), Passi (le 30) ou encore Frédéric Zeitoun (le 3 décembre, à l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées) ont déjà gravi les six étages de l’immeuble parisien pour sonner à sa porte.

Toutes les deux semaines, l’équipe de tournage d’Eric Morillot Productions s’empare ainsi des lieux devenus, du coup, exigus. Rails, appareils photo, câbles, mouvements en cuisine et dans la chambre n’empêchent cependant pas les invités de se confier. Et chacun de parler de son rapport à la diversité. Marc Lavoine de son engagement auprès des enfants autistes à travers l’association et le journal Le Papotin. Ou Frédéric Zeitoun de la reprise au Théâtre Hébertot de L’Histoire enchantée du petit juif à roulettes, de « la différence et du regard des autres sur la différence ».

Une première en France

Bruno de Stabenrath écoute, relance d’un mot ou d’un signe de tête, d’un sourire ou d’une interrogation. Dans la vie, il lui faut souvent de l’aide pour avancer. A table, il faut lui couper sa viande. Mais dans « Rocking Chair », c’est lui qui assiste l’autre dans cette singulière marche vers la confidence, c’est lui, en quelque sorte, qui pousse le fauteuil.

« Il a beaucoup d’empathie, de générosité, témoigne Nathalie Drouaire, directrice des programmes de Numéro 23. Il s’intéresse vraiment à l’autre et a énormément de présence à l’écran. »

« Il est rassurant et arrive à instaurer un climat de confiance propice à la confidence », précise Eric Morillot, le producteur de l’émission.

Les deux hommes s’étaient rencontrés en 2008 sur le tournage de « Ensemble pour la diversité » pour TF1, programmes courts contre la discrimination diffusés à l’occasion de l’Euro de football. « Le handicap est une diversité qu’on ne montre pas à la télévision », regrette Bruno de Stabenrath. « Lui n’a pas de réticence à parler de son état. Au contraire, il le fait toujours avec beaucoup d’humour et de distance, note le producteur. Je suis très heureux d’être l’un des tout premiers à avoir confié l’animation complète d’une émission à un présentateur en fauteuil roulant. » Une première en France et sans doute en Europe. Avant tout, une histoire de dépassement de soi. (article publié dans Le Monde daté du 17 novembre 2014)


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