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Chronique des idées et des livres, par Frédéric Gagnon…

Publié le 10 décembre 2014 par Chatquilouche @chatquilouche

   L’écrivain Éric Zemmour lançait dernièrement un pavé dans la mare chat qui louche maykan alain gagnon francophoniemédiatico-politique, un livre de plus de 500 pages intitulé Le suicide français. Dans cet ouvrage, l’auteur nous montre comment, en quarante ans, une grande nation se désintègre. Année après année, Zemmour analyse les changements sociaux qui ont défait la France.

   La décomposition de l’identité française aurait eu pour événement fondateur Mai 68, avec son « individualisme arrogant et nihiliste » (p. 325). Que fut Mai 68 ? La négation des principaux repères de la vie française : la famille traditionnelle, la nation, l’État… Or, ce qu’il faut comprendre, c’est que la gauche libertaire, qui s’agita en 68, et le grand capital, s’ils ont des conflits de surface, ont surtout des objectifs convergents, ce qui devient particulièrement clair quand on regarde ce qu’il advint de la famille et quand on se penche sur l’évolution des politiques d’immigration.

   D’abord, en ce qui concerne la famille, Zemmour, s’appuyant sur l’intellectuel Christopher Lash (auteur de Un refuge dans ce monde impitoyable. La famille assiégée), nous apprend la « volonté, dès la fin du XIXe siècle, des grands capitaines d’industrie d’arracher à leurs ouvriers leur autonomie, dans le cadre des usines taylorisées, mais aussi dans celui de la famille, afin de les rendre plus productifs et plus dociles. » Et Zemmour d’ajouter dans la même page 31 : « Le contrat d’association remplacerait l’imperium paternel. On arracherait les ultimes reliquats de la mentalité précapitaliste pour faire entrer dans la famille la rationalité du calcul économique. » Or, la gauche libertaire a également dans sa mire la famille qu’en réalité elle conspue. Pour elle, ce que l’on doit abattre, c’est un monde cohérent de familles traditionnelles dans lesquelles les rôles sexuels sont différenciés (la haine du mâle hétérosexuel blanc est sans doute l’élément central de cette haine gauchiste de la famille). Dans son combat, la gauche put compter sur un certain nombre de hérauts, dont le très célèbre Michel Foucault qui, en 1976, « expliquait que la sexualité est une construction culturelle et historique, imposée par le pouvoir normatif de l’État » (p. 122). Ce qui est certain, c’est que les troupes de choc du féminisme radical et le militantisme gay furent, dans cette entreprise de la déconstruction de la famille, des alliés objectifs. Résultat : les femmes avortent de plus en plus et aujourd’hui les gays se marient. On compte en moyenne, en France, « 200 000 avortements par an » (p. 138). Voilà où mena ce slogan que rappelle Zemmour : « Mon corps m’appartient », ce qui revient à dire : « on a le droit de vie ou mort sur eux [nos enfants] ! » (p. 138). Le ressentiment envers la famille normale est d’une ampleur dont, aveuglés par un endoctrinement délétère, nous ne sommes même plus conscients. Mais ce qu’il faut comprendre, c’est que cette œuvre de destruction a été planifiée. Ainsi, le militant gay Éric Fassin (cité par Zemmour, p. 270) écrivait dans Homme, femme, quelle différence ? : « Ce qui est en cause, c’est l’hétérosexualité en tant que norme. Il nous faut essayer de penser un monde où l’hétérosexualité ne serait pas normale. » L’ultime normalisation de l’homosexualité fut évidemment le mariage gay (alors que le mariage hétérosexuel devient marginal). Mais, comme le rappelle si bien Zemmour (p. 267) : « Un mariage homosexuel ne peut être qu’une simulation parodique, puisqu’il faut quand même un homme et une femme pour fabriquer un enfant et fonder cette famille, principal objectif du mariage. »

   En ce qui concerne l’immigration, on assiste, encore là, à une véritable convergence des objectifs de la gauche libertaire et du grand capital. Il faut comprendre que d’après Zemmour la xénophilie de la gauche n’est que l’envers d’une véritable haine de soi, c’est-à-dire d’une haine de tout ce qui est français. Or, depuis le XIXe siècle, le grand patronat favorise l’immigration de la main-d’œuvre étrangère afin de « contenir le niveau des salaires » (voir Zemmour, p. 412). Mais enfin, si au cours de son histoire la France reçut de nombreuses vagues migratoires, jusqu’aux années 70, sa population demeurait essentiellement « de confession chrétienne […], de même culture gréco-latine et de race blanche, pour paraphraser la célèbre apostrophe du général de Gaulle » (p.95). Depuis quarante ans, par contre, on assiste à une immigration de peuplement de la part de populations arabo-africaines, ce qui satisfait le rêve multiculturaliste de la gauche et comble d’aise le grand patronat, toujours à la recherche d’une main-d’œuvre bon marché dont la seule présence exerce une pression à la baisse sur les salaires. En somme, ce à quoi on assiste, en France, c’est au remplacement d’une population (et d’une vieille civilisation) par une autre. Déjà, en 1974, le président algérien Boumediene (cité par Zemmour, p. 146) déclarait : « Un jour, des millions d’hommes quitteront l’hémisphère Sud pour aller dans l’hémisphère Nord. Et ils n’iront pas là-bas en tant qu’amis. Parce qu’ils iront là-bas pour le conquérir. Et ils le conquerront avec leurs fils. Le ventre de nos femmes nous donnera la victoire. » On peut dire que la victoire est presque déjà acquise. Les banlieues pour l’essentiel sont habitées par des étrangers où à la loi de l’imam se mêle celle du trafiquant de drogues (d’ailleurs on sait à quels troubles, à quelles émeutes mena cette présence des étrangers arabo-africains. À ce sujet, voir les pages 495 et suivantes.) Aux enthousiastes du multiculturalisme, Zemmour rappelle (p. 96) ce qu’en dit le sociologue et politologue Robert Putnam. Celui-ci « constate que, dans les communautés les plus diversifiées, la confiance entre individus diminue fortement ; il conclut en expliquant que la diversité multiculturelle conduit à l’isolement et à l’anomie sociale. » Avec le multiculturalisme que connaît la France, c’est la pensée de De Gaulle qui est trahie. En effet, « en 1945, au sortir de la guerre, de Gaulle avait tenté en vain d’imposer une immigration venue du nord de l’Europe —, il n’avait fait que retarder de cinquante ans l’invasion qu’il craignait » (p. 27). D’ailleurs ce même de Gaulle a déjà dit : « les Français sont des Français, les Arabes sont des Arabes. Ceux qui croient à l’intégration ont des cervelles de colibri, même les plus brillants » (voir Zemmour, p. 140). Ce que voudraient en fin de compte occulter les multiculturalistes, c’est que la « France n’a pas reçu l’héritage de La Mecque et de Saladin, mais celui de Descartes et de Pascal » (p. 482).

   Maintenant, à la désintégration de la famille traditionnelle et à l’immigration, il est un troisième terme sur lequel il faut se pencher si l’on veut comprendre le suicide français, soit l’européanisation et la mondialisation de la France. Les technocrates de Bruxelles et les financiers forment une nouvelle aristocratie aux émoluments fort avantageux tandis que le peuple français subit un chômage endémique. L’Union européenne eut pour conséquences non négligeables la perte de contrôle de sa monnaie et de ses frontières par l’État français ; la mondialisation entraîna des délocalisations massives et fit en sorte que l’économie française l’est de moins en moins, française.

  

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En somme, ce qu’on peut conclure, après avoir lu Éric Zemmour, c’est que le peuple français fut trahi par ses élites. Comme il le dit lui-même à la page 522 : « La droite trahit la France au nom de la mondialisation ; la gauche trahit la France au nom de la République. La droite a abandonné l’État au nom du libéralisme ; la gauche a abandonné la nation au nom de l’universalisme. La droite a trahi le peuple au nom du CAC 40 ; la gauche a trahi le peuple au nom des minorités. La droite a trahi le peuple au nom de la liberté ; cette liberté mal comprise qui opprime le faible et renforce le fort ; cette liberté dévoyée qui contraint la laïcité à se parer de l’épithète « positive » pour se rendre acceptable aux yeux de tous les lobbies communautaires. La gauche a trahi le peuple au nom de l’égalité. L’égalité entre les parents et les enfants qui tue l’éducation ; entre les professeurs et les élèves qui tue l’école ; l’égalité entre Français et étrangers qui tue la nation. » En fin de compte, la devise de la République ne sert plus qu’à masquer la turpitude des uns et des autres ; et tout cela aux noms d’idéaux frelatés qui en réalité ne cachent rien d’autre que la haine de soi et l’appétit du lucre.

Frédéric Gagnon

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Toutes les citations sont tirées de l’ouvrage suivant : Zemmour, Éric, Le suicide français, Paris, Albin Michel, 2014.

Notice biographique

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Frédéric Gagnon a vécu dans plusieurs villes canadiennes, dont Montréal, Kingston et Chicoutimi.  Il habite aujourd’hui Québec.  Il a étudié, entre autres, la philosophie et la littérature.  À ce jour, il a publié trois ouvrages, dont Nirvana Blues, paru, à l’automne 2009, aux Éditions de la Grenouille Bleue.  Lire et écrire sont ses activités préférées, mais il apprécie également la bonne compagnie et la bonne musique.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche : https ://maykan2.wordpress.com/)


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