Paso Doble n°73 : Un séisme très politique

A las cincos de la tarde…

L’année du Rat

L’année du Rat a débuté le 7 Février 2008, et avec elle, semble-t-il une série d’ennuis pour le régime chinois. La planète s’est empourprée au passage de la flamme. La Nature a grondé : annus horribilis diront les commentateurs.

Un géomancien chinois vous dira qu’on a changé d’époque : l’année du cochon s’est achevée, et avec elle le cycle duodécimal chinois. Quant au amateurs de confucianisme, ils y verront peut-être un présage : le Parti Communiste aurait-il perdu « le mandat du ciel ? »

La Chine est un cas d’analyse compliqué et il n’est pas sûr que l’année du Rat lui soit, pour le moment, « si défavorable » : à Taïwan, la victoire du Kuomintang (24 mars 2008) augure un réchauffement des relations; et pour la première fois le Japon et la Chine sont arrivés à dialoguer à très haut niveau (7 mai 2008) sans se jeter au visage les souvenirs de la dernière guerre. Quant au séisme, il n’a pas que des désavantages.

Révolution copernicieuse ?

Quand on y réfléchit, la situation ne manque pas de piquant. Il y a exactement deux mois, l’Empire du Milieu était sur toutes les langues, cible de toutes les dénonciations et de toutes les manifestations d’indignation, à propos de son attitude au Tibet. La Chine était un oppresseur et la Collectivité-Monde allait se mobiliser pour l’isoler.

Complet renversement de situation en quelques jours, « grâce » à un séisme qui a fait plus de 80 000 morts mais qui a totalement modifié la perception de la Chine. De géant, le pays est devenu chêne abattu. D’oppresseur, le voici oppressé. Voilà que les barrages chinois menacent de craquer, mettant en danger plusieurs millions de Chinois. La planète accourt à son chevet.

My séisme is beautiful

Grâce à lui, ceux qui se creusaient encore la tête il y a quelques semaines pour savoir comment boycotter le pays, se bousculent désormais pour prêter main-forte aux chinois. ONG en tête. Et le plus fort, en termes de symbole, est que ce sont exactement les mêmes principes qui sont évoqués : les droits de l’Humanité, l’existence de principes supérieurs que même les Etats ne peuvent pas bafouer. Ce que les plus calés des juristes parmi vous appeleront jus cogens.

Ne croyons pas que cette révolution copernicienne se soit faite toute seule. Les Chinois ont bénéficié de l’excellent contre-exemple birman. A coté de la junte militaire tapie dans la jungle du Myanmar et insensible aux souffrances de son peuple, les autorités de Pékin se sont imposés comme les bons élèves : ouverts, transparents, réactifs. Ils ont su communiquer. En sus, ils ont pu bénéficié de l’extraordinaire versatilité occidentale : on encense ce qu’on brûlait la veille, sans plus de discernement d’un coté comme de l’autre. Nous qui nous nous targuons de garder le souvenir de crimes commis il y a cinquante ans, nous manquons singulièrement de mémoire sur les évènements des derniers mois.

D’aucuns, optimistes, ne retiendront que les preuves d’une évolution de la Chine, en se remémorant le séisme de 1976. D’autres, plus cyniques, analyseront l’épisode comme un magnifique exercice de communication chinoise, parfaitement maîtrisé. Or, le rat est un animal extrêmement intelligent, voyez-vous, et possède une excellente capacité d’adaptation…