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Flux créateurs et étranges créatures, selon David Altmejd

Publié le 20 décembre 2014 par Jebeurrematartine @jbmtleblog

Flux créateurs et étranges créatures, selon David Altmejd


Sortie de l'exposition David Altmejd au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, j'ai ressenti comme une absolue nécessité d'écrire à son sujet. Le défi est de taille, et ceux et celles qui ont déjà vu cette exposition me comprendront.

David Altmejd est sculpteur. Introduit à l'entrée de l'exposition comme un " rêveur définitif (...) assemblant patiemment les sédiments mémoriels soudain réunis en une explosion jubilatoire et onirique" , les cartels de l'exposition restent plus objectifs et insistent davantage sur la très grande variété des matériaux en les listant. Simplement. C'est avant tout cette très grande recherche de nouveaux composants qui fait la richesse de cette œuvre. Tous sont porteurs d'un sens. Assemblés, ils se complètent ou se contrarient.


Non, non, cette exposition n'est pas conceptuelle, mais plutôt hyper-sensible. Fournie en références populaires ou liées à l'histoire de l'art plus ancienne, elle ne lasse pas de vous faire réfléchir.

L'exposition présente deux types d'œuvres : les humanoïdes et les architectures.

Les humanoïdes sont souvent traités à échelle humaine ou au-delà. Ils sont des corps ou des visages, résultats de mélanges étranges, où sont associés des éléments organiques putrescibles enduits de résine (ex : des bananes), des produits de synthèse mimétiques (ex : des cheveux synthétiques, des fruits artificiels), des matériaux plus nobles détournés (ex: miroir, quartz) et enfin, quelques éléments plus connus des arts plastiques tels que de la peinture acrylique ou de l'argile. Leurs combinaisons varient mais aboutissent toujours à un être quasi-humain, sujet traité dans la plus grande tradition de la sculpture, mais dont la chair et la peau ont subi l'arbitraire artistique.


Une plus large série présente quant à elle des êtres d'une facture d'apparence plus classique, d'un blanc de plâtre plus académique ou d'un noir de cire digne de bronzes. Ils sont distordus, incomplets, décharnés. En construction. Leur corps, leur socle et le mur dessinent les sillons creusés par des mains laissées sur place, figées à jamais dans l'acte de création, d'un même blanc plâtré. Comme des sculptures auto-élaborées.

Les mains en action sont un élément récurrent de l'œuvre de l'artiste, y compris dans ses boîtes architecturées. Elles interviennent aussi bien dans ses maquettes de miroirs, dont sont prisonniers de grands corps velus, que dans ses grandes structures de plexiglas.


Ces dernières sont certainement les éléments les plus énigmatiques de cette exposition. D'extérieur, de grands parallélépipèdes. A l'intérieur, des têtes modelées, des bras répétés comme des actes décomposés, des simili-fourmis, des similis-fruits, de la terre, etc... bref ! Un grand chaos, esthétisé par de grands circuits de fils de cuivre, d'or ou colorés, qui organisent le tout autour d'un mouvement fluide ou de formes paradoxalement harmonieuses et légères.

Têtes décharnées et flottantes, ananas souriants et papillons-oreilles semblent alors prendre part à une mécanique bien huilée, organisée et méthodique à une vraie petite industrie. La confusion entre l'entrée et la sortie, la matière première et le produit manufacturé, est grande. Dans ces petits laboratoires sans fin et auto-élaborés, on fabrique des sculptures à partir de tout, tant qu'elles parlent de l'homme.


Entouré de miroirs brisés, sans cesse renvoyé à son corps que le sculpteur peut altérer selon ses envies, regardant parfois des achitectures dont les visions sont troublées par son propre reflet, ou la vue, de l'autre côté du cube transparent, d'un autre être humain : dans cette rétrospective, le spectateur est sans cesse confronté à lui-même comme à un étranger.

En tant que sculpteur, Altmejd semble avoir renoncé à donner une image rationnelle et logique de l'homme. Si vous souhaitez vous reconnaitre dans l'art, regardez le reflet dans le miroir ou ouvrez un livre d'anatomie. Sculpter, c'est pouvoir poétiser la création humaine et fantasmer la part incompréhensible de notre être, puis signer cette vision d'une main d'artiste.

David Altmejd, " Flux " au Musée d'art moderne de la ville de Paris
Jusqu'au 1er février 2015
Mardi au dimanche de 10h à 18h, nocturne le jeudi de 18h à 22h.


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