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Les grands romanciers anglo saxons sur le grill de nos chroniques

Par Filou49 @blog_bazart
29 décembre 2014

 Après le génial "complexe d'Eden Bellwether "dont j'ai parlé en début de semaine dernière, on commence  la semaine ( et probablement cette année 2014, concernant ce secteur là) avec les romans étrangers qui nous ont marqué, Michel et moi,  pendant cette rentrée littéraire avec 4 romans écrits par des valeurs sures de la littérature anglo saxonne, à savoir John Burnside, Charles Frazier, Wally Lamb, Craig Davidson, et un petit moins connu mais tout autant talentueux :

 1.L'été des noyés, John Burnisde (ed Metailié):  un thriller nordique envoutant

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"C’était il y a dix étés. Celui de mes dix-huit ans ; l’été où mon père mort apparut puis disparut dans le silence d’où il était sorti ; l’été des esprits et des secrets ; le dernier été où je me considérai comme un des espions de Dieu. Un été long, blanc, d’histoires que l’on accepta tous, tout en sachant que d’un bout à l’autre elles n’étaient que mensonges. L’été où la Huldra sortit de sa cache et noya trois hommes, l’un après l’autre, dans les eaux froides et lisses du détroit de Malangen".

 Dans une île du nord de la Norvège, un endroit désert, magnifique et spectral où l’été est miraculeusement doux et radieux, Liv vit avec sa mère, un peintre qui s’est retiré là en pleine gloire pour mieux travailler. Son seul ami est un vieil homme qui lui raconte des histoires de trolls, de sirènes et de la huldra, une créature surnaturelle qui apparaît sous les traits d’une femme à l’irrésistible beauté, pour séduire les jeunes gens et les conduire à affronter les dangers et la mort. Noyades inexplicables et disparitions énigmatiques se succèdent au cours des nuits blanches de cet été arctique qui donne aux choses un contour irréel, fantasmagorique. Incapable de sortir de l’adolescence et de vivre dans le monde réel, Liv erre dans ce paysage halluciné et se laisse dangereusement absorber dans la contemplation des mystères qu’il recèle.

En lisant "l'été des Noyés",  le nouveau roman de l'auteur écossais John Burnside paru lors de cette rentrée littéraire de septembre, je n'ai pu m'empêcher de penser à un autre roman étranger paru en cette rentrée littéraire, il s'agit de "L'homme des montagnes de Joyce Maynard (voir ma chronique ici même) qui suit une trame assez proche, celle d'avoir pour toile de fond des disparitions mystérieuses pendant un été,  et qui sont vues par une jeune adolescente, le livre, comme celui de Maynard utilisant cette intrigue criminelle pour faire un portrait psychologique d'une adolescence.

Sauf qu'ici nous ne sommes pas dans l'Amérique profonde, mais dans une ile norvégienne, île peuplée d'êtres solitaires, et entourée par les légendes celtiques nordiques, conférant à l'ensemble un ton fantastique qui lorgne assez ouvertement sur l'univers de David Lynch.

Si l'écriture est très belle, singulière et parfois envoutante, le roman, contrairement à celui de Maynard, pèche un peu par une lenteur trop calculée  et qui a tendance à tomber dans la léthérgie, et des personnages finalement assez peu attachants

Du coup, même si on aime  au départ, les récits troubles, plein de zones d'ombres et de non-dits,  il est possible que l'on soit un peu géné aux entournures par le manque de rythme et la trop grande torpeur dans lequel baigne cet été des Noyés qui  empêche la mayonnaise de vraiment prendre...dommage !!
 2. A l’orée de la nuit; Charles Frazier  (Grasset ) : un bon western pré baba cool

 

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« Bud savait que la violence ne constituait pas sa principale vocation de criminel. Il était plutôt spécialisé dans la rapine en tout genre et les  violations du code des substances prohibées. Ce fut donc une surprise lorsque Bud épousa Lily et, très vite, la tua. »

 La montagne apaisante, Luce une jeune femme seule dans une maison isolée au bord d’un lac a accueilli Dolores et Franck deux enfants en colère qui ont vu et entendu des choses qu’ils n’auraient pas dû voir ni entendre. Stubblefield, un homme capable de rendre heureuse une femme seule et blessée. Lit, le flic de la région expert en arts martiaux  et en amphétamines et puis la violence sourde qui rode et qui s’approche inexorable, Bud tout en haine et en muscle est persuadé que les enfants savent où est le magot.

 Nous sommes dans les années soixante, mais ce pourrait être un western. La nature hostile et bienveillante à la foi sert d’écrin à un drame intimiste où une famille décomposée tente de se recrée. Du white trash aride et intimiste mais avec une lueur d’espoir.

 L’écriture étonnante de Charles Frazier nous emporte, capable de  digression sur la beauté sauvage de la nature, des phrases longues et souples, puis des raccourcis rapides dans l’action. Le lecteur sans cesse surpris reste donc toujours en alerte.  Maitrisé, efficace et féministe, Charles Frazier a écrit un roman de la décroissance. A lire.  Michel D

 3. Nous sommes l'eau; Wally Lamb: une saga familiale qui coule tout seul

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"Le liquide dégouline sur le bas. Vin rouge sur soie verte, on croirait que Gaïa, la terre nourricière primitive, a ses règles. Je sais que je devrais me sentir coupable. Contrite. Je devrais vite aller chercher une bouteille d’eau gazeuse dans la cuisine avant que la tache marque, ou courir au pressing avec la robe de Viveca. Mais je n’éprouve aucun remords. J’ai un peu le vertige, en fait."

Après le complexe d'Eden Bellwerther, j'ai continué avec les pavés anglo saxons avec ce roman de près de 700 pages d'un auteur, Wally Lamb, que certains nomment le Dostoïevski pour l’ampleur de son œuvre, et dont  "Chant de Dolorès" ou le "Chagrin et la grâce" avaient marqué tous ceux qui l'ont lu.
« Nous sommes l'eau » , c'est avant tout l'histoire d'Annie Oh (on notera le jeu de mot à plusieurs entrées du titre), artiste américaine dont le passé d'enfant orpheline qui garde en elle un terrible secret à l'origine d'une colère sourde qui sera moteur de son art, à savoir des installations trash et urbaines, modernes et temporelles).

Autour d'elle gravite une foule de personnages qui s'imbriquent dans ce roman choral : ses deux filles, son fils, son ex-mari, et une multitude d'autres, dont les fils se tissent et se rejoignent comme autant de voix dans ce livre foisonnant.

Voilà un vrai bon roman américain dans toute sa splendeur, qui brasse une multitude de thèmes sociétaux et familiaux essentiels à toute bonne saga: les secrets de famille, les relations sentimentales, la religion, mais aussi l'homosexualité, la création artistique, le racisme, le viol, la pédophilie, la maltraitance...

Certains de ces grands sujets sont traités plus subtilement que d'autres, ceux sur l'inspiration créatrice et le pouvoir subservif de l'art m'ayant semblé les plus passionnantes et les mieux traitées, même si tout ce qu'il dit sur l'homosexualité et le mariage pour tous .

Si le  livre a parfois un côté un peu fourre tout qui peut faire froler l'indigestion par moments, et que le romancier n'évite pas toujours les archétypes et les rebondissements un peu prévisibles, on se laisse prendre avec un plaisir coupable à ce beau portrait de famille et cette belle peinture des USA sur les 50 dernières années et qu'on quitte avec une certaine tristesse tous ces personnages qu'on avait appris à aimer, avec leurs défauts et leurs lachetés, comme dans tout bon roman de ce genre. 

Bref, un  pavé de presque 700 pages  addictif et prenant, que demander de plus?

 4.. Cataract City;Carig Davidson ( Albin Michel)

Cataract City de Craig Davidson

 « Je connais deux garçons qui suivent un sentier secret pour aller pêcher des perches dans le bassin du Niagara, leurs cannes à l’épaule comme des carabines. Je connais le flot sans fin des chutes qui rugit dans mes veines. Je connais des forêts infestées la nuit de loups gris. »

 Avec la puissance et la sensibilité révélées par Un goût de rouille et d’os, adapté au cinéma par Jacques Audiard, Craig Davidson explore dans ce roman vertigineux le conflit intérieur de deux hommes liés par un secret d’enfance.

Duncan Diggs et Owen Stuckey ont grandi à Niagara Falls, surnommée par ses habitants Cataract City, petite ville ouvrière à la frontière du Canada et des États-Unis. Ils se sont promis de quitter ce lieu sans avenir où l’on n’a d’autre choix que de travailler à l’usine ou de vivoter de trafics et de paris.

Mais Owen et Duncan ne sont pas égaux devant le destin. Tandis que le premier, obligé de renoncer à une brillante carrière de basketteur, s’engage dans la police, le second collectionne les mauvaises fréquentations. Un temps inséparables, sont-ils prêts à sacrifier le lien qui les a unis, pour le meilleur et pour le pire ?

Avec ses deux personnages principaux il nous fait entrer dans le monde du catch, des courses de lévriers,  des combats de chiens où la pitié est absente,  des matchs de boxe où tous les coups sont permis, l'univers de De Rouille et D'os n'est pas loin, même si le décor et les personnages principaux y différe pas mal.  La violence est extrême, mais  cette effroyable dureté est tempérée par la tendresse qu'il y a au fond de ces deux hommes Ducan et Owen, que,  les conditions de vie imposées  par une ville aussi rude que Cataract City n'ont pu éteindre.  

C'est un livre  sort et intense, captivant et puissant  qui reste dans les mémoires longtemps après l'avoir fermé.

5. Retour à Little Wing ; Nickolas Butler (ed Autrement)

Les grands romanciers anglo saxons sur le grill de nos chroniques

«  Cette ville exerce une espèce de gravité insensée. Je sais que c’est un mot savant, mais j’y ai réfléchi. Elle doit avoir une sacrée, force sinon Lee serait jamais revenu. Kip et Félicia aussi. Sans parler de tous ceux qui ne sont jamais partis, comme Hank, Beth, Eddy et les Jumeaux Giroux. Merde alors, ils ne sont jamais allés plus loin que moi quand je fais du rodéo. Et je vais vous dire c’est dingue, mais c’est les matins où j’essayais de partir de fuguer, que je la sentais le plus. Cette attraction. »

Il y a Hank le fermier droit et sensible, Kip le fort en thème bosseur et ambitieux, Ronny champion régional de rodéo et Lee le musicien rêveur, ces quatre gars ont grandis ensemble à Little Wind toute petite ville au cœur du Wisconsin et il y a aussi la belle et tendre Beth qui en  fait battre des cœurs. « Retour à little wind » cueille ces cinq amis au seuil de leur vie d’adulte, à l’âge des possibles, à l’âge ou tout choix personnel est un renoncement important. Sur une dizaine d’années Nickolas Butler suit ses personnages, leur fait subir des épreuves et observe leur réactions et leurs questionnements : faut-il accepter de laisser des personne au bord de la route pour vivre sa vie ? Faut-il accepter d’être laissé au bord de la route ? Que se passe-t-il lorsque Lee devient un chanteur célèbre et qu’il épouse une actrice Hollywoodienne belle à tomber ?

Attention mélo, mais au bon sens du terme, Butler prend le temps de rendre attachants ses personnages, il ne les juge jamais et les obverse avec bienveillance se débrouiller avec leurs contradictions, ils deviennent nos amis et le destin de cette petite communauté nous touche et nous émeut. On pense à « Georgia » le formidable film d’Arthur Penn. Du monde rural de l’Amérique profonde à la Jet-Set New-Yorkaise Butler nous raconte son Amérique en ce début de siècle.


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