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L'unité pour quoi faire ?

Par Pseudo

marianne1.jpgL'unité — «l'unité nationale» —, mais pour quoi faire ? Et d'abord quelle unité ? L'unité telle que la conçoit M. Jean-Christophe Cambadélis, plaisant premier secrétaire du Parti socialiste ?

La situation ne serait pas suffisamment grave en France, en ces jours d'hiver du civisme, qu'il faille s'amuser à exciter des polémiques minables de cour de récréation électorale ? Pendant combien de temps encore, en France, faudra-t-il que la démocratie soit défendue par des cons ?

On peut ne guère aimer Mme Marine Le Pen. Ni son style foncièrement brutal — «dédiabolisation» ou pas, elle reste bien la fille de son père —, ni l'essentiel de son programme — sur les plans économique et géopolitique, entre autres, ce patchwork de contradictions mal tissées frise l'aberration —, ni son cynisme, qui la fait tapiner dans tous les lobbies «sociétaux» du jour pour faire «branché-conforme» — et finir de déboulonner, par la même occasion, la statue balourde du patriarche.

Seulement il y a les faits : les faits, on peut le déplorer ça n'y changera rien, c'est que Marine Le Pen et son Front national ne sont pas loin de représenter, électoralement, le deuxième parti de France. Peut-être même le premier ! Et plus précisément, malgré les intenables contradictions programmatiques et conceptuelles évoquées plus haut, le dernier parti ouvrier, ou tout simplement populaire, de France — le Parti communiste ayant fini de se dissoudre dans l'acide du camarade Mélenchon, le confortable prébendier qui n'a jamais eu de rouge que la cravate et les cordes vocales.

Alors que peut valoir cette «unité» nationale, lorsque s'ébranlera demain la marche prétendument «républicaine» en hommage aux assassinés de Charlie Hebdo, de Montrouge et de la porte de Vincennes, si l'on en a exclu de fait, et avec quel dédain, le parti devenu l'ultime réceptacle des aspirations et des colères prolétariennes ? Quelque ambiguë, ou même irrationnelle, que puisse être cette évolution sociologique et politique.

Quelle part du peuple, et même du «peuple de gauche», M. Cambadélis et son Parti «socialiste» croient-ils représenter ? Jusqu'où iront-ils pour achever de dessiner leur propre caricature : un clan de professionnels du système électoral, de notables et de bobos, club hétéroclite mais arc-bouté sur la conservation de ses derniers privilèges, ayant fait une croix définitive sur la défense et la représentation des classes populaires — ces minables «édentés», ces méprisables petits blancs, ces ruraux grossiers, ces employées «illettrées» (selon la délicate notation du petit banquier Macron) vouées au chômage ou à quelque délocalisation en Roumanie, ou n'importe où ailleurs où le serf ne coûte rien... Et tous ces jeunes sans formation, sans perspectives professionnelles, sans revenus pérennes, ces quinqua débarqués par les wagons de plans sociaux, ces «assistés» de tout poil faisant la clientèle cabossée des conseils généraux, des associations caritatives... ou du trottoir.

Ce peuple-là ne vote plus guère — bonne occasion donnée aux hypocrites des plateaux télé de se lamenter. Il s'est détourné définitivement des séminaristes de l'extrême gauche, fossilisés dans leur impuissance verbeuse, leurs chimères soixante-huitardes, leur incapacité à comprendre combien, en quatre décennies, la mutation du monde avait été féroce, et radicale la transformation de notre société. Qu'iraient faire les néo-prolétaires, et tous les déclassés — au cadre de vie bouleversé — chez ces portiers d'un siècle révolu ? Quand ils votent encore, c'est désormais vers le Front national qu'ils se tournent naturellement, avec la rage au ventre d'avoir été trahis par les officiels de la compassion politique, gauche caviar et droite sociale confondues.

Et c'est tout ce peuple-là que M. Cambadélis, premier des socialistes de France, raye de la liste citoyenne et écarte de toute manifestation d'unité civique alors que l'ensemble de la communauté nationale, voire européenne, s'apprête à démontrer sa fermeté face aux fanatiques d'un faux dieu sanguinaire. Un superbe dessin de Charlie Hebdo avait suscité, parmi d'autres, la vindicte des fanatiques : il représentait Mahomet, accablé, se lamentant d'être «aimé par des cons». Il faudrait pasticher ce dessin en représentant une Marianne, incarnation de notre démocratie, accablée et s'éplorant, à la manière du prophète : «C'est dur d'être défendue par des cons !»          


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