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Architecture hausmannienne

Publié le 13 janvier 2015 par Aelezig

Les transformations de Paris sous le Second Empire ou travaux haussmanniens constituent une modernisation d'ensemble de la capitale française menée à bien de 1852 à 1870 par Napoléon III et le préfet Haussmann. Le projet a couvert tous les domaines de l'urbanisme, aussi bien au cœur de Paris que dans ses quartiers extérieurs : rues et boulevards, réglementation des façades, espaces verts, mobilier urbain, égouts et réseaux d'adduction d'eau, équipements et monuments publics.

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Boulevard Haussmann

Violemment critiquée par certains de ses contemporains pour son coût faramineux et pour avoir réduit la mixité sociale, oubliée pendant une partie du XXe siècle puis réhabilitée par le discrédit de l'urbanisme d'après-guerre, cette œuvre conditionne toujours l'usage quotidien de la ville par ses habitants. Elle a posé le fondement de la représentation populaire de la capitale française à travers le monde en superposant au vieux Paris et à ses ruelles pittoresques un Paris moderne fait de grands boulevards et de places dégagées. Le style est typique de Paris, mais a gagné plusieurs autres villes de France.

Un empereur moderniste face à une capitale médiévale

Paris s’est toujours reconstruit sur lui-même, mais la croissance démographique de la capitale, au XVIIIe siècle et dans les premières décennies du XIXe siècle, provoque une densification considérable des quartiers du centre, c’est-à-dire les quartiers situés à l’intérieur de l’ancienne enceinte de Charles V rectifiée sous Louis XIII. Un lacis de rues étroites gêne la circulation et les maisons accueillent une population pauvre de plus en plus nombreuse, à l’origine d’une insalubrité dénoncée par les hygiénistes. Selon les idées de l’époque, l’étroitesse des rues et la hauteur des maisons empêchent la circulation de l’air et la dispersion des « miasmes » porteurs de maladies et de mort. Les classes riches tendent de plus en plus à quitter ces quartiers pour s’installer au large dans les faubourgs du nord et de l’ouest. C'est à ce processus de paupérisation du centre, avec la dangerosité politique qui l’accompagne, que, fondamentalement, les grands travaux du XIXe siècle vont s’attaquer.

Président de la République depuis 1848, le neveu de Napoléon Ier devient empereur le 2 décembre 1852 après le coup d'État de l'année précédente. Napoléon III a la volonté de moderniser Paris. Ayant vécu à Londres de 1846 à 1848, il y a vu une grande capitale pourvue de grands parcs et de réseaux d'assainissements et un pays transformé par la Révolution industrielle. Sensible aux questions sociales, il veut améliorer les conditions de logement des classes pauvres. Louis-Napoléon est à l'origine de la construction des 86 premiers logements sociaux de Paris à la cité Rochechouart en 1851. Il s'agit aussi pour l'autorité publique de mieux contrôler une capitale dont les soulèvements populaires ont renversé plusieurs régimes depuis 1789.

Pour mettre en œuvre ses ambitions, le nouvel empereur dispose d'un pouvoir fort, capable de passer outre toutes les résistances, ce qui manquait à ses prédécesseurs. Il reste à Napoléon III à trouver un homme capable de diriger des opérations de grande ampleur. C'est le rôle que va remplir Georges Eugène Haussmann, homme d'action rigoureux et organisé, qu'il nomme préfet de la Seine en juin 1853 avec pour mission « d'aérer, unifier et embellir la ville ». Les deux hommes formeront un tandem efficace. L'empereur soutient le préfet contre ses adversaires jusqu'en 1870. Haussmann, quant à lui, se montre fidèle en toute circonstance, tout en sachant faire avancer ses propres idées.

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Place Saint-Georges

Dans un premier temps, l'État exproprie les propriétaires des terrains concernés par les plans de rénovation. Puis il détruit les immeubles et construit de nouveaux axes avec tous leurs équipements (eau, gaz, égouts).

Les pouvoirs publics interviennent à la fois sur le gabarit des immeubles par la voie réglementaire, et sur l’aspect esthétique même des façades :

  • le règlement de 1859 permet de faire monter les façades jusqu’à 20 mètres de hauteur dans les rues de 20 mètres de largeur qu’Haussmann est en train de percer, alors que la hauteur maximale était de 17,55 mètres auparavant. Les toits doivent toujours s’inscrire sous une diagonale à 45 degrés.
  • la construction d’immeubles le long des nouvelles voies est soumise à des conditions particulières sur l’aspect des façades. Les maisons mitoyennes doivent avoir « les mêmes hauteurs d’étage et les mêmes lignes principales de façade ». L’utilisation de la pierre de taille est obligatoire sur les nouveaux boulevards.

On détruit 20 000 maisons pour en construire plus de 40 000 entre 1852 et 1870. Certaines de ces opérations d’urbanisme se poursuivront sous la Troisième République, après le départ d’Haussmann et de Napoléon III. Paris absorbe en 1860 ses faubourgs. Les douze anciens arrondissements laissent la place à vingt nouveaux arrondissements.

Le réseau des artères haussmanniennes et post-haussmanniennes constitue, aujourd’hui encore, l’ossature du tissu urbain parisien.

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Mairie du XIIIe

Déroulement

La construction de l’axe nord-sud, du boulevard de Sébastopol au boulevard Saint-Michel, fait disparaître de la carte de nombreuses ruelles et impasses. Il forme une grande croisée au niveau du Châtelet avec la rue de Rivoli : cette dernière rue, tracée initialement par Napoléon Ier le long des Tuileries, est prolongée sous le Second Empire jusqu’à la rue Saint-Antoine.

Pendant ce temps, Victor Baltard et Félix-Emmanuel Callet aménagent les Halles, tandis que l’Île de la Cité est en grande partie rasée et réaménagée. Ses ponts sont reconstruits ou font l’objet de travaux importants. La rue des Halles est réalisée en 1854 afin de relier les Halles de Paris à la place du Châtelet.

Les premiers travaux sur la rive gauche commencent dès 1854. Le percement de la rue des Écoles jusqu'à la rue des Fossés-Saint-Bernard, déjà projeté avant l'entrée en fonction du préfet Haussmann, permet à son achèvement une meilleure desserte du quartier latin et de ses collèges.

Haussmann complète cette grande croisée par des axes qui relient la première couronne de boulevards au centre, tels que l’avenue de l'Opéra sur la rive droite ou la rue de Rennes sur la rive gauche. Il est à signaler que les travaux de l'avenue de l'Opéra ne seront entrepris pour leur majorité qu'à partir de 1876 et ne seront totalement terminés qu'en 1879. Quant à la rue de Rennes, qui devait rejoindre la Seine, elle ne sera jamais achevée.

Les quartiers ouest bénéficient d’une opération de prestige : douze avenues, pour la plupart construites sous le Second Empire, se rejoignent à la place de l'Étoile. Parmi elles, l'avenue Foch, bordée de jardins, se distingue par sa largeur exceptionnelle de 120 mètres. À l'opposé de cette dernière l'avenue de Friedland est la première partie d'un axe qui, après l'achèvement du boulevard Haussmann, joindra la place de l'Étoile au quartier de l'Opéra.

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Le boulevard Voltaire facilite le contournement du centre à partir de la place de la Nation et l'avenue Daumesnil dégage les quartiers riverains de la gare de Lyon, tout en assurant un accès au bois de Vincennes.

Dans les dernières années de son mandat, Haussmann commence à aménager les arrondissements créés sur l’emplacement des communes annexées en 1860.

L’interconnexion entre les grands boulevards impose la création de places à leur mesure. Le Châtelet, aménagé par Davioud, est le carrefour entre les deux grands axes traversant Paris du nord au sud et de l’est à l’ouest. Les travaux d’Haussmann réaménagent d’autres grandes places déjà existantes à travers tout Paris : place de l'Étoile, place du Château-d'Eau (place de la République aujourd'hui) ou place de l'Hôtel-de-Ville. D'autres sont créées de toutes pièces comme les places Malesherbes, de l'Alma, de Courcelles (aujourd'hui place du Maréchal-Juin), de Puebla (aujourd'hui place Gambetta), du Prince-Eugène (aujourd'hui place Léon-Blum) ou bien encore la place de l'Opéra.

Haussmann fait construire la gare de Lyon en 1855 par François-Alexis Cendrier et la gare du Nord en 1865 par Jacques Hittorff. Il rêve d’interconnecter les gares parisiennes par des voies ferrées mais devra se contenter de faciliter leur accès en les reliant par des axes importants.

Napoléon III et Haussmann ponctuent la ville de réalisations de prestige. Charles Garnier construit l’Opéra dans un style éclectique et Gabriel Davioud conçoit deux théâtres symétriques sur la place du Châtelet. L’Hôtel-Dieu, la caserne de la Cité (future préfecture de police) et le tribunal de commerce remplacent les quartiers médiévaux de l’Île de la Cité. Chacun des vingt nouveaux arrondissements reçoit sa mairie.

Ils prennent soin d’inscrire ces monuments dans la ville en ménageant de vastes perspectives. Ainsi l’avenue de l'Opéra est pensée pour offrir un cadre grandiose à l’édifice de Garnier, tandis que les maisons qui empêchaient de contempler, selon eux, Notre-Dame laissent la place à un grand parvis.

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Dans le domaine religieux, le second empire voit l'avènement de l'église Saint-Eugène (aujourd'hui église Saint-Eugène-Sainte-Cécile), de l'église de la Sainte-Trinité, de l'église Saint-Ambroise et de l'église Saint-Augustin. Cette dernière est remarquable par sa voûte très haute sans contreforts, rendue possible par l'utilisation d'une charpente métallique, et sa situation emblématique au croisement de plusieurs grands boulevards.

La rénovation de Paris se veut globale. L’assainissement des logements implique une meilleure circulation de l’air mais aussi un meilleur approvisionnement en eau et une meilleure évacuation des déchets.

Haussmann confie à l’ingénieur Belgrand la réalisation d’un nouveau système d’alimentation en eau de la capitale, qui aboutira à la construction de 600 kilomètres d’aqueduc entre 1865 et 1900Un second réseau, consacré à l’eau non potable, continue à puiser l’eau de l’Ourcq et de la Seine, utilisée pour le nettoyage de la voirie et l’arrosage des espaces verts.

L’évacuation des eaux usées et des déchets va de pair avec l’adduction d’eau potable. La loi de 1852 impose le raccordement des immeubles à l’égout lorsque la rue en comporte un. Les rues qui n’en ont pas vont bénéficier de l’installation d’un réseau d’égout : plus de 340 kilomètres d’égouts sont construits sous la direction de Belgrand entre 1854 et 1870.

Napoléon III réorganise aussi la distribution du gaz dans Paris.

Dans le même temps, Haussmann confie à Davioud la mise au point d’un mobilier urbain encore largement présent de nos jours sur les trottoirs et dans les jardins de la capitale.

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Séduit par les vastes parcs londoniens, Napoléon III confie à l’ingénieur Jean-Charles Alphand la création de plusieurs parcs et bois. Le bois de Boulogne et le bois de Vincennes bordent la ville à l’ouest et à l’est. À l’intérieur de l'enceinte de Thiers, le parc des Buttes-Chaumont et le parc Montsouris offrent des promenades aux habitants des quartiers trop éloignés des grands bois extérieurs. Le parc Monceau, ancienne propriété de la famille d'Orléans, est en partie loti et construit. Chaque quartier reçoit aussi des petits squares (environ 80 squares pour les 80 quartiers de Paris, la volonté étant que n'importe quel habitant de Paris puisse trouver un square à moins de dix minutes de marche de son domicile), tandis que des rangées d’arbres bordent certaines avenues.

Critiques

Des artistes et des architectes dénoncent la monotonie étouffante de cette architecture monumentale. Des hommes politiques et des écrivains mettent en cause l’étendue des spéculations et de la corruption (La Curée de Zola) et certains accusent à tort Haussmann d’enrichissement personnel.

Malgré les idéaux sociaux qui sont en partie à l’origine des transformations de Paris dans l’esprit de Napoléon III, de nombreux observateurs contemporains dénoncent les effets démographiques et sociaux des opérations d’urbanisme menées par Haussmann.

Les critiques dénoncent, dès les années 1850, les effets des rénovations sur la composition sociale de Paris. D’une manière un peu schématique, on trace un portrait de l’immeuble parisien pré-haussmannien comme synthèse de la hiérarchie sociale parisienne : bourgeois au deuxième étage, fonctionnaires et employés aux troisième et quatrième, petits employés au cinquième, gens de maison, étudiants et pauvres sous les combles. Toutes les classes sociales se côtoyaient ainsi dans le même immeuble. Cette cohabitation, qui doit bien entendu être nuancée selon les quartiers, a disparu en grande partie après les travaux d’Haussmann. Ceux-ci ont eu deux effets sur le plan de la répartition de l’habitat dans Paris :

  • les rénovations du centre-ville ont entraîné une hausse des loyers qui a contraint les familles pauvres à partir vers les arrondissements périphériques. On le constate sur les données de population :
  • certains choix d'urbanisme ont contribué à déséquilibrer la composition sociale de Paris entre l’ouest, riche, et l’est, défavorisé. Ainsi aucun quartier de l’est parisien n’a bénéficié de réalisations comparables aux larges avenues entourant la place de l'Étoile. Les pauvres se concentrent alors dans les quartiers laissés de côté par les rénovations.

Ainsi s’est mise en place une forme de zonage qui domine toujours la distribution de l’habitat et des activités dans Paris et sa proche banlieue : au centre et à l’ouest les bureaux et les quartiers bourgeois, à l’est et à la périphérie les habitats les plus pauvres et les activités industrielles.

À la fin des années 1860, le système de financement connait des dysfonctionnements. Les budgets prévus au départ sont largement insuffisants. D’autre part, l’assouplissement du régime rend plus difficiles les expropriations, la jurisprudence du Conseil d’État et de la Cour de cassation intervenant en faveur des propriétaires.

D’autre part les Parisiens supportent mal les travaux qui paralysent la ville depuis près de vingt ans.

Jules Ferry se fait un nom à travers une série d’articles de presse regroupés sous le titre Les Comptes fantastiques d’Haussmann. Il dénonce l’ambition exagérée des derniers projets et leur financement incertain.

Haussmann est finalement renvoyé au début de 1870, quelques mois avant la fin du Second Empire qu’il a accompagné pendant toute sa durée. Les dettes contractées seront finalement résorbées assez rapidement sous la Troisième République.

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L'esthétique hausmannienne

La réglementation et les servitudes imposées par les pouvoirs publics favorisent la mise en place d’une typologie qui mène à son terme l’évolution classique de l’immeuble parisien vers la façade caractéristique du Paris haussmannien :

  • rez-de-chaussée et entresol avec mur à bossage ;
  • deuxième étage « noble » avec un ou deux balcons ; troisième et quatrième étage dans le même style mais avec des encadrements de fenêtre moins riches ;
  • cinquième étage avec balcon filant, sans décorations ;
  • combles à 45 degrés.

La façade s’organise autour de lignes horizontales fortes qui se poursuivent souvent d’un immeuble à l’autre : balcons, corniches, alignement parfait des façades sans retraits ni saillies importantes. Le modèle de la rue de Rivoli s’étend à l’ensemble des nouvelles voies parisiennes, au risque d’une uniformisation de certains quartiers. Les rues produisent un effet monumental qui dispense les immeubles de recourir à la décoration : les sculptures ou moulages ne se multiplieront que vers la fin du siècle.

Postérité

Les transformations haussmanniennes ont amélioré la qualité de vie dans la capitale. De grandes épidémies, notamment celles de choléra, disparaissent, la circulation est améliorée, les nouveaux immeubles sont mieux construits et plus fonctionnels que les anciens. Mais n’étant intervenu que ponctuellement sur les quartiers anciens, des zones d’insalubrité demeurent, ce qui explique la résurgence des idées hygiénistes au siècle suivant, puis la radicalité de certains des urbanistes du vingtième siècle.

On peut dater la fin du haussmannisme « pur » aux règlements de 1882 et 1884, qui rompent avec l’uniformité de la rue classique en permettant les saillies et les premières fantaisies au niveau du toit, qui se développeront considérablement après le règlement de 1902. Toutefois il ne s’agit encore que d’un « post-haussmannisme », qui ne rejette que l’austérité du modèle napoléonien sans remettre en cause l’agencement général des rues et des îlots.

Après la Seconde Guerre mondiale, en revanche, les nouveaux besoins de logements et l’avènement, un siècle après Napoléon III, d’un nouveau pouvoir volontariste avec la Cinquième République gaulliste ouvrent une nouvelle ère de l’urbanisme parisien. Celle-là rejette presque complètement l’héritage haussmannien au profit des idées de Le Corbusier en abandonnant l’alignement sur rue, la limitation du gabarit et la rue elle-même, abandonnée à la voiture au profit d’espaces piétons sur dalles. Ce nouveau modèle est rapidement remis en cause dans les années 1970, qui marquent le début d’une redécouverte de l’héritage haussmannien : le retour à la rue multifonctionnelle s’accompagne d’un retour à la limitation du gabarit et, dans certains quartiers, d’une tentative de retrouver l’homogénéité architecturale des îlots du Second Empire.

Le grand public parisien a aujourd’hui une vision positive de l’héritage haussmannien, au point que certaines villes de banlieue, à l’exemple d’Issy-les-Moulineaux ou de Puteaux, construisent des quartiers qui revendiquent celui-ci. De nombreuses grandes villes ont également adopté partiellement ce style.

D'après Wikipédia


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