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Une histoire de sorcière avec Lavilliers !

Publié le 19 janvier 2015 par Jacquesmercier @JacquesMercier

Il fut un temps, assez court, où j’étais tombé amoureux d’une sorcière. Une vraie sorcière qui avait divers dons de divination. Elle m’en avait plusieurs fois donné la preuve. Elle n’est plus de ce monde.

Un jour, je l’ai informée que j’allais rencontrer Bernard Lavilliers et qu’elle m’a dit alors : « Toi qui t’intéresses un peu à tout ça, interroge-le sur le Brésil, où il a passé quelques années, et sur la macumba en particulier… » Ce que j’ai fait.

Le rendez-vous est fixé à la place Meiser au restaurant. Je n’ai pas beaucoup de temps, car un car emmène en début d’après-midi quelques journalistes à Paris pour assister à la première de Julien Clerc et je suis du voyage. Pas de chance, Bernard Lavilliers et l’attachée de presse belge de sa maison de disques arrivent avec un important retard. Ils s’installent et je lui parle tout de suite de la macumba et du Brésil. Il me dit : « C’est étrange que tu me parles de ça, car j’avais vécu une aventure incroyable de macumba avec un de mes amis, dont je n’avais plus de nouvelles. Or, hier soir il me téléphone pour expliquer comment tout s’est terminé. Cela tombe donc très bien. Je vais te raconter l’histoire extraordinaire qui est arrivée à mon ami photographe de l’agence Gamma »

Je lui demande une seconde pour brancher mon gros enregistreur, en me disant que je remettrai cette histoire dans le corps de l’interview. Il commence donc à me raconter… Mais après quelques minutes, je l’arrête car l’aiguille du cadran de modulation de l’enregistreur ne bouge plus. Cela n’enregistre plus. Je regarde les prises, les fils… et je vois qu’un fil sur le côté s’est détaché, comme dessoudé. Je peux continuer si avec un doigt je colle le fil sur le plot, et je demande à l’attachée de presse de tendre elle-même pour m’aider le micro vers Bernard Lavilliers. Il poursuit son histoire…

Cependant, après quelques minutes, à nouveau, la modulation s’arrête… les deux fils sont dessoudés. Je n’ai pas le temps d’aller chercher un autre enregistreur. Bernard Lavilliers sourit en disant que cela ne l’étonne pas : « C’est la macumba qui s’installe entre nous. Cette histoire, on ne peut pas la raconter au public…. Mais si tu veux on essaiera. Prenons rendez-vous ? » Il était présentce jour-là pour faire la promotion d’un concert qu’il donnait au Paul-Emile Janson de l’ULB un mois plus tard. C’étaient ses débuts, il n’était pas encore très connu, mais déjà bien engagé politiquement.

Il m’écrit sur une carte un numéro de téléphone, en me disant : « C’est un téléphone très privé, c’est celui de la copine où je vis en ce moment à Saint-Malo. Appelle-moi quand tu reviens de Paris et on se trouvera un rendez-vous »

Je les quitte donc, je vais à l’Olympia, je reviens. On fait un arrêt dans un restoroute, puis on repart et je me rends compte qu’on a volé mon portefeuille… avec entre autres le fameux numéro de téléphone. Les choses devenaient vraiment très étranges.

Je téléphone en rentrant à l’attachée de presse, qui me dit qu’elle n’a pas ce numéro, qu’il est personnel comme il me l’a indiqué lors de notre rencontre. Elle me donne celui de son manager, en disant que peut-être il m’aidera. Le manager ne veut rien entendre et je laisse tomber.

Trois semaines plus tard, le matin du concert, je reçois au bureau un coup de fil de Lavilliers : « Alors que s’est-il passé ? » Je lui raconte le vol de sa carte et il continue à me dire que c’est la macumba. Il me fait une nouvelle proposition : « Tu viens assister à la répétition cet après-midi, on mange ensemble, tu m’enregistres, et puis tu assistes au concert ? » J’accepte.

Répétition. Repas, et je sors un autre enregistreur (le premier était toujours au laboratoire technique de la radio nationale à Reyers en réparation). J’ai emporté trois bobineaux. On commence l’interview. Questions normales sur le premier, l’histoire de la macumba sur le deuxième et conclusions normales sur le troisième. Merci beaucoup. Concert. Je rentre chez moi et je place l’interview sur mon enregistreur. Pas de souci pour le début, mais… il se passe une chose impossible avec la deuxième bobine et l’enregistreur que j’ai utilisé : car on ne peut qu’effacer ou enregistrer… l’un ou l’autre… mais là j’entends que l’histoire de la Macumba est en surimpression d’une interview de Renaud que j’avais faite la semaine précédente… Impossible à faire, demandez à tous les techniciens !

Je reprends contact avec Lavilliers à Paris et on décide de raconter l’histoire en direct à la radio, c’est la dernière possibilité d’y arriver.

J’avais donc des émissions de variétés le dimanche soir en radio, cela s’appelait « Quatre à quatre ». Une fois par mois elle se déroulait en public avec des chanteurs en direct. On prend rendez-vous pour fin octobre. On me rappelle pour dire qu’il est finalement en voyage. Rendez-vous fin novembre. Cela ne colle pas avec son agenda. Reste fin décembre, que l’on bloque tous les deux.

Entretemps, je décide par amour de la femme de ma vie (un coup de foudre!) d’arrêter de boire, Gérard Valet l’apprend et du coup se dit que je suis la personne toute désignée pour le remplacer dans « musique au petit déjeuner » (5h30 – 9h00), puisque ne sortant plus, je serai frais et dispos au petit matin. On fait quelques essais et puis on décide de me donner cette émission dès le début du mois de janvier (1979 – je l’ai présentée durant six ans).

Ce qui veut dire que le dernier dimanche du mois de décembre est la «  toute dernière » émission de variétés radio que je ferai. Avec Bernard Lavilliers comme invité et nous annonçons qu’à la fin de l’émission on racontera une histoire de Macumba.

Cela se passe dans le grand studio de Flagey, où l’on continuait à réaliser ces séances publiques. Lavilliers partage la vedette avec quelqu’un qu’on a un peu oublié aujourd’hui, Jeanne-Marie Sens, qui chantait une chanson de Rapsat et aussi « Moissons », superbe chanson s’il en est. Ces deux artistes sont à mes côtés pour la première partie de l’émission, où, il faut bien le dire Lavilliers profite de cette tribune belge pour exprimer ses convictions politiques de gauche, qui étaient interdites d’antenne à l’époque en France.

A l’entracte, on vient me trouver : il y a un gros problème ! Jeanne-Marie Sens s’est mise à détester Lavilliers, car elle pense différemment, et elle ne veut plus être sur scène avec lui. Lavilliers vient me trouver et dit que comme j’ai été très tolérant avec lui et que c’est de sa faute, il laisse la scène de la deuxième partie à Jeanne-Marie Sens et reviendra pour son tour de chant en fin d’émission.

On perd évidemment du temps. On avance dans l’émission. Jeanne-Marie Sens sort, Bernard Lavilliers revient sur scène et chante.

Et soudain, il est minuit. On doit cesser d’émettre. On n’a pas eu le temps de raconter la Macumba. Je ne veux pas vous raconter cette belle histoire d’amour et de mort, n’ayez crainte ! D’autant plus que pendant quelques semaines, je l’ai racontée lors de repas entre amis. Ma femme remarqua qu’à chaque fois un des invités était victime d’un accident en rentrant chez lui. J’ai vérifié et c’était bien vrai !

Aujourd’hui j’essaie de ne plus y penser, mais quelle étrange histoire, non ?

sens lavilliers dec 78



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