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Bocuse d’or 2015, les enseignements

Par Chroma @Chroma_France

Fidèle à notre habitude, une analyse à froid et sans langue de bois, de l’évènement culinaire de l’année.

Trois choses sautent immédiatement aux yeux des profanes comme des experts :

1. la progression phénoménale des Etats-Unis

2. le recul de la France

3. la main-mise scandinave

La progression des Etats-Unis

Le pays du fast-food qui damne le pion à celui de la gastronomie, cela nous interpelle. Mais nous l’avions aussi senti venir. Rappelez-vous le 27 octobre dernier, nous disions que la France va devoir être devant les Etats-Unis pour avoir une chance de podium, la France et les Etats-Unis concourant le même jour. 15 ans que les Américains (qui ont plus de participations que la France, 15 contre 12) attendaient ce moment, autant de mois qu’ils se préparent. On se souvient d’un magazine de cuisine américain qui s’interrogeait après la contre-performance de 2013 pourquoi on n’envoyait pas les meilleurs à ce concours, le dit journal voulant suggérer que Thomas Keller le chef trois fois étoilé et membre du Bocuse d’Or USA Foundation board doive y aller lui-même… Faisant fi des critiques il n’y eût pas de compétition nationale cette année mais c’est effectivement un poulain de Thomas Keller désigné d’office et avec lequel il travaille depuis 10 ans qui vient de ramener ce premier trophée outre-Atlantique, Phillip Tessier, réalisant un vieux rêve de Paul Bocuse. Celui-ci sait maintenant avec la 3ème place décrochée par le Japon il y a deux ans, que le Bocuse d’or est devenu le rendez-vous majeur de la gastronomie mondiale. Jusqu’à présent on parlait de la « French culinary competition » aux US, nul doute que cela va changer. Les cartes sont rebattues.

La France en déclin ?

Bien sûr que non, le challenge a relever n’en devient que plus grand. Seulement 7ème, le plus mauvais classement de son histoire, l’équipe française n’a pas démérité mais n’a pas non plus été très chanceuse. Il fallait bien que cela arrive un jour. La France part toujours avec de mauvaises cartes car c’est la nation qui a le moins de temps pour se préparer. Alors lorsque des difficultés surgissent pendant la préparation cela devient mission impossible. Parmi tous ses malheurs la France dût notamment changer de commis entre le Bocuse d’Or Europe et Monde, ce qui ne la plaçait pas dans les meilleures conditions. Malgré tout il n’y a pas photo, on voit bien que les plats présentés hier et avant-hier sur Saga Bocuse d’Or que la Norvège et les Etats-Unis étaient supérieurs. La France ne remporte aucun lot, même de consolation. Les deux plats de viande des premiers sont de toute beauté et dans les assiettes on s’aperçoit qu’ils en font plus que le pré-requis au niveau des garnitures (nous avions d’ailleurs signalé cela à l’équipe de France, les Scandinaves réalisent plus de choses dans le délai imparti). Et on oublie trop souvent que le Bocuse d’or est le championnat du monde de cuisine artistique. La France pêche cette année sur cette note artistique ainsi que sur les idées, sur l’histoire du plat. La présentation de la viande notamment nous paraît en deça des concurrents qui la devancent au classement.

La Norvège, 5ème victoire

C’est décidément un chassé-croisé entre la Norvège et la France, les deux plus fortes nations, au sein desquelles seul le Danemark put s’immiscer en 2011, la Suède en 1993 et le Luxembourg en 1989, mais pour ces deux dernières c’était une autre époque. Certes on peut gloser sur le fait qu’Orjan Johannessen disposait de 4 années de préparation ayant déjà participé en 2013 (Bocuse d’Or Europe en 2012) mais après tout, le règlement le permet (ce fait rend la performance américaine encore plus méritoire),  Phillip Tessier pourrait aussi revenir dans deux ans pour briguer la première place qui lui a échappé de peu cette année. Orjan n’est pas n’importe qui : chef de l’année en 2007, 2011 et 2013 (un sacré palmarès à 30 ans) et la Norvège est une machine de guerre au Bocuse d’Or car elle innove constamment. Il serait intéressant de savoir ce qui explique les 9 points de différence avec les Etats-Unis.

Second pays scandinave, la Suède qui avait déçu en 2013, se replace dans le concert des grandes nations. Nous la voyions aussi sur le podium, donc pas vraiment de surprise. Le chef de 4 restaurants et Directeur artistique Tommy Myllymaki a su insuffler une touche très personnelle à ses plats. Pour lui, déjà Bocuse d’argent en 2011, cela s’apparente à une petite contre-performance, mais son alter ego norvégien qu’il a battu au Bocuse d’or Europe fut le plus fort cette fois.

Encore raté doit se dire la Finlande. Nous compatissons car cette fois il furent très, très près. Meilleur plat viandes, ce qui est déjà une surprise, meilleur commis et 4ème du général, ils se rapprochent d’année en année. Encore un concurrent sérieux dans l’avenir que nous aimerions bien voir au pinacle un jour.

Pour ce qui est des autres nations.

A retenir : pour sa deuxième participation seulement, le Maroc progresse de la dernière à la 19ème place, la Suisse elle, s’enfonce. Au rayon des surprises : le Royaume-Uni et le Japon dont on attendait mieux. Pour ce dernier il nous semblait bien que le candidat avait eu un démarrage intéressant sous la pression des journalistes et des nombreuses caméras qui n’ont pas cessé de le harceler tout du long. Aurait-il craqué vers la fin ? Nous ne le saurons sans doute jamais. Toujours est-il que l’honneur est sauf : le Japon remporte le plat poisson, son domaine de prédilection. Les Français pourront continuer de voir Hideki Takayama aux fourneaux en France, puisqu’il officie à Rouen, à la maison Gill Ashiya.

Vivement 2017 !


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