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Nuit nous appartient, La

Par Kinopitheque12

James Gray, 2007 (États-Unis)

Nuit nous appartient

A New York, à la fin des années 1980, une cellule familiale est en même temps blessée et ressoudée lors d’un conflit qui oppose police et mafia russe. Burt Grusinsky (Robert Duvall) et son fils Joseph (Mark Walhberg) sont flics. L’autre fils, Bobby (Joaquin Phoenix), patron d’une boîte de nuit, conjugue amusements et affaires. Sa vague attirance pour les activités criminelles qui se pratiquent sous son nez compliquent un peu plus ses relations familiales.

Certaines séquences sont particulièrement valorisées. Dès l’introduction, des photos en noir et blanc sont organisées en un très beau diaporama. Elles montrent des flics dans un commissariat, en pleine interpellation ou sur les lieux d’un crime. En off, un saxophone joue un morceau de jazz assez lent. Sur l’une des photos, on voit un écusson blanc sur un blouson noir : une tête de mort autour de laquelle on peut lire « City of New York, Police, We own the night ». Le saxo laisse place à un titre de disco (Heart of glass de Blondie) et apparaît Bobby dans la pénombre. En contrechamp, Amada est offerte sur un sofa. L’apposition de ce diaporama très réaliste, presque violent, et d’une scène très sensuelle aux teintes chaudes, rouge et dorée, déroute un peu. Elle synthétise les deux mondes entre lesquels hésite un fils qui déçoit. Ailleurs, la visite de Bobby dans la planque des trafiquants russes est un parfait moment de tension (une série de plans serrés et de gros plans sur le sac de toile qui couvre le visage de Bobby accentuent l’angoisse de la situation ; quelques instants plus tard, la scène qui voit Bobby démasqué par les criminels nous plonge davantage dans la panique). De même, la course-poursuite en voiture sous pluie battante en plein périphérique filmée au plus prêt des acteurs et nous plongeant au cœur de l’action (pensons au long canon pointé par la fenêtre d’un véhicule et au visage terrifié qui l’aperçoit). Rare scène aura été si affolante (techniquement très réussie, rapprochons-là de la poursuite en voiture dans Les fils de l’homme d’Alfonso Cuarón, 2006).

Amada (Eva Mendez), la petite amie de Bobby, et sa mère sont les seuls personnages féminins du récit. Amada n’a aucun rapport avec la famille de Bobby et les femmes sont coupées de l’univers très masculin dans lequel les Grusinsky évoluent. Depuis Little Odessa (1995) jusqu’à Two lovers (2008), la famille et ses relations internes restent l’intérêt premier de Gray. C’est pourquoi, le dilemme de Bobby réside moins dans un choix entre le crime et la justice que dans celui à faire au sein de sa famille : l’« oncle » mafieux russe considéré comme un père adoptif ou bien son père véritable auquel il a toujours essayé, d’une certaine manière, d’échapper. Dans la première partie du film, deux soirées illustrent les différences entre l’une ou l’autre des vies qui l’attendent : la première en boîte de nuit colorée et joyeusement tumultueuse, la seconde un gala organisé par la police gris et terne. La nuit dans laquelle baigne Bobby est source de plaisir avant de devenir source de souffrance. La nuit ne disparaît que pour la résolution finale et la dernière fusillade en plein air, comme si la lumière du jour était la preuve irréfutable du « bon » camp choisi par le personnage de Joaquin Phoenix qui, à la fois par amour des siens et par vengeance, renonce aux facilités accordées par la criminalité et lui préfère justice et intégrité.

L’atmosphère, enrichie par un extraordinaire travail sur le son, est sombre et angoissante. La nuit nous appartient a des allures de polar classique (sur Filmdeculte, Yannick Vély évoque Le parrain de Francis Ford Coppola, 1972, Serpico de Sidney Lumet, 1974, et Mean streets de Scorsese, 1976), mais James Gray l’élève au rang de tragédie familiale.


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