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Le concerto pour violon de Paganini. L´expérience Nemanja Radulovic.

Publié le 10 février 2015 par Luc-Henri Roger @munichandco

Le concerto pour violon de Paganini. L´expérience Nemanja Radulovic.

Nemanja Radulovic

J´ai eu avant-hier soir l´occasion d´assister, au détour de l´invitation d´une délicieuse amie, à un concert de l´Orchestre philharmonique de Munich dirigé par Karl-Heinz Steffens. Mon amie a le bon goût de s´offrir des places de parterre, au centre du quatrième rang, ce qui permet de bénéficier des mimiques et de la respiration des musiciens et d´observer attentivement la direction d´orchestre ou l´énervement très prima donna du premier violon dont le pupitre n´a pas été élevé à la bonne hauteur et dont le dossier de la chaise n´a pas l´inclinaison voulue. L´élégant chef d´orchestre se baissera même pour l´aider à ajuster son pupitre. La grande salle de la philharmonie du Gasteig, qui n´a malheureusement rien d´un parallélépipède rectangle, n´offre en rien la bonne acoustique de la boiteà chaussures, mais au parterre on ne pâtit pas trop des pertes de son et on est confortablement installé. Le programme n´est pas trop emballant, sauf pour ce fabuleux concerto de Paganini, que j´écoutais déjà en boucle adolescent sur mon petit électrophone, mais dont on sait qu´il ne tire tous ses effets que sous l´archet des plus grands virtuoses. Je ne connais pas la première symphonie d´Edward Elgar proposée en deuxième partie de programme, et me prépare, après une bonne journée de ski, à m´enfoncer dans le bercement d´un concert de bonne qualité dans la plus charmante des compagnies et avec un brin de curiosité intellectuelle pour ce compositeur de moi inconnu. 
La soirée commence par l´Introduction et allegro du même Elgar, un concerto grosso sur thème folklorique gallois parfaitement exécuté par le Münchner Philarmoniker. Entourant le chef d´orchestre, les musiciens du  quatuor soliste du concertino exécutent leur partie avec une élégance appliquée et une technique parfaite. L´oeuvre a un caractère néo-classique avec une belle fugue dans l´allegro, c´est entraînant et surtout joué avec une belle unisson, la soirée s´annonce bien agréable, une douce torpeur délassante s´installe.
C´est alors que, comme un diablotin jaillissant de sa boite, apparaît Nemanja Radulovic, un grand jeune homme énergique et souriant habillé tout de noir, à la baroque, avec une jaquette courte juste au corps décorée de gros boutons et de trois grandes épingles à nourrice disposées sur un demi-devant comme des notes sur une portée de musique. Son pantalon collant souligne la sveltesse d´un corps très mobile qui scandera la musique. Une chevelure noire, léonine, frisée et mouvante remplace la perruque qui aurait pu accompagner la modernité du costume.
L´apparition a chassé les douceurs béates du premier morceau, l´intértê est éveillé, et il le sera encore davantage lorsque l´on voit le virtuose accompagner l´orchestre pendant les tutti. Nemanja Radulovic nous tourne le dos et fait corps avec l´orchestre, sans qu´on entende alors son jeu propre, une communion festive qui prépare l´éclosion de son jeu virtuose.
Et puis vient le solo et à l´étonnement ressenti face à l´apparition du musicien fait place une divine stupeur: la virtuosité de Radulovic atteint au surnaturel, il joue sur un violon fabriqué par Jean Baptiste Vuillaume de 1843 avec lequel il entretient une relation passionnée et tendre, magicienne, il le regarde comme un être aimé et dialogue avec le violon qu´il soumet à sa maîtrise et qui sous ses doigts puissants et sensuels se met à murmurer et à gémir puis à hurler de plaisir, Radulovic semble possédé par les dieux de la musique, c´est Paganini réincarné. Sous l´apparence de la passion ardente, il dispose d´une technique d´une précision millimétrée, ainsi lorsqu´il obtient des sons légers, feutrés et délicats de son Vuillaume que l´archet vient effleurer avec la légèreté d´une plume qu´un doux zéphyr y serait venu déposer. Il soulève l´enthousiasme avec ses trilles diaboliques, charme et étonne avec ses pizzicati exécutés de la main gauche. Radulovic, poète et amant virtuose, vibrant, à la fois sauvage et tendrement enamouré, musicien de l´ultime.
Nemanja Radulovic fait un triomphe lors des applaudissements, la salle laissant éclater sa ferveur et sa reconnaissance et rappelle le musicien pour terminer par une standing ovation.
Après la pause, la très belle première symphonie d´Elgar nous ramène dans des eaux plus calmes d´autant plus que l´exécution en est fort sage et peu inspirée, mais on se laisse bercer par ses larges mouvements aux qualités mouvantes de descriptions impressionnistes, comme les changements colorés des surfaces océanes.
Le concerto pour violon de Paganini. L´expérience Nemanja Radulovic.



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