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Le chardonneret

Par Fibula

Le chardonneret, de Donna Tartt, Éditions Plon, Collection Feux Croisés, traduit de l'anglais ( The Goldfinch) par Edith Soonckindt, 2013, 795 pages

Prix Pulitzer 2013, catégorie fiction

Le chardonneret
Fil rouge de ce roman-fleuve, Le chardonneret, petit tableau du peintre flamand Carel Fabritius, élève de Rembrandt, habite cette fiction digne des plusgrands romans initiatiques. Peuplée de personnages forts, Theodore Decker et Boris en tête, il nous guide en quelque sorte dans la quête de Theo, que nous suivons durant 14 années, de New York à Amsterdam en passant par Las Vegas.

Nous avons tous une "année charnière" dans notre vie, une année où nous grandissons subitement, où nous vivons un événement plus grand que nature, qui nous fait changer, nous fait avancer différemment. Theodore, ou Theo, vit ce moment à l'âge de 13 ans, lorsqu'il perd sa mère subitement dans un attentat alors qu'ils visitent un musée à New York. Dans ce . Pris d'un sentiment d'urgence, encouragé par un vieil homme blessé par l'attentat, il subtilise l Suite au drame, il est balloté entre la riche famille Barbour et son père qui réapparaît tout à coup, peut-être appâté par l'héritage de son fils, et qui l'emmène à Las Vegas. Malheureux dans cet univers factice, temporaire et superficiel (les "vrais" habitants de Las Vegas - dans ce livre - vivent dans des résidences en plein désert, loin de tout et souvent pour des périodes déterminées par des contrats de travail instables), délaissé, mal aimé, sombrant dans alcool et drogues très jeune avec son nouvel ami Boris, Theo s'enfuira de nouveau à New York pour retrouver Hobie, auquel il est lié par le drame qu'il a vécu à 13 ansragile psychologiquement, en possession de son trésor qui le raccroche à sa mère, à cet instant charnière, à l'amour, le seul, le vrai, et à la vie, il deviendra au fil des années l'associé d'Hobie dans son magasin d'antiquités. Et donc en lien permanent avec l'art, qui le sauve en quelque sorte du drame qui le hante toujours.

La première partie new-yorkaise, déchirante, décrit la souffrance, la perte, le deuil d'un jeune garçon. On se rapproche alors de Dickens et son Oliver Twist et aussi de L'attrape-cœurs de Salinger pour les déambulations new-yorkaises d'Holden Caulfield, la solitude, la déprime et le malheur qui semblent interminables.



La partie située à Las Vegas, dans la même veine, offre peu de répit. Nous voyons Theo sombrer dans une sorte de déchéance, sur les pas de son père alcoolique et accompagné par son nouvel ami d'origine russe Boris, qui, s'il n'en est pas moins un véritable ami (et presque le seul vrai ami que Theo aura) demeure une sombre influence pour lui. La bouillonnante "grosse pomme" s'oppose à l'ennuyante Las Vegas. Choc des cultures : l'Amérique est vaste.

À la page 563 de la version française, nous assistons à un retournement de situation qui nous laisse un peu sur le carreau. Cela paraît un peu tiré par les cheveux, mais nous n'en sommes pas à une invraisemblance près dans ces quelques 786 pages


J'avoue que cette partie m'a un peu perdue pendant quelques chapitres. Le changement de style, passant tout à coup, sous la gouverne de Boris, du roman initiatique au polar est cependant négocié avec brio et nous tient - finalement - haletants jusqu'au dénouement (mais alors, on a hâte d'y arriver!).

La traduction de ce livre, souvent louangée, m'a une fois de plus laissée perplexe, non pas à cause des quelques coquilles qui me semblent inévitables et pardonnables, mais à cause de l'aspect franco-français insupportable pour un roman américain. Theo ne va pas à l'école secondaire mais au "lycée" et il s'exprime parfois d'une drôle de manière pour un petit américain. Pour éviter ces frustrations, je vous conseille donc la lecture de cet excellent roman, véritable page-turner (tiens, pour employer un vrai mot anglais difficile à traduire), en anglais, si vous en êtes capable. Sinon, ce n'est quand même pas si mal, et de toute façon, je ne suis pas assez spécialisteet j'ai bien trop de respect pour les traducteurs pour en juger ou critiquer.

Ce qui est sûr, c'est que je ne regarderai plus du même œil les tableaux des expositions d'art que je visiterai dans le futur et que ce joli petit chardonneret, que l'on peut admirer à La Haye (Pays-Bas) au musée Mauritshuis a inspiré un beau et ambitieux troisième roman à Donna Tartt, que l'on peut découvrir également en lisant ses deux premiers livres Le maître des illusions ( The Secret History) et Le petit copain ( The Little Friend).


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