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Arnaud Mine : « Sur le photovoltaïque, le compte n’y est pas »

Publié le 20 février 2015 par Blanchemanche
#transitionénergétique
Lors du colloque du SER le 12 février dernier, Arnaud Mine, PDG d'Urbasolar et président de SER-SOLER, le collège photovoltaïque du Syndicat des Énergies Renouvelables, a réalisé une intervention marquée du sceau du pragmatisme et de la sobriété. Pour lui, la France manque avant tout de vision quant au devenir du solaire photovoltaïque. Interview vérité !Arnaud Mine 3
Plein Soleil : Vous avez un peu douché l'euphorie qui régnait lors du colloque du SER évoquant même le fait d'être un esprit chagrin. Que retenez-vous de cette journée et des interventions ministérielles ?Arnaud Mine : L'intervention du premier ministre Monsieur Manuel Valls m'a semblé très positive. Il a clairement exprimé que la filière photovoltaïque ne devait plus subir de zigzags. Avec son volontarisme de développement affirmé, il a évoqué l'arrêt des stop&go. C'était plutôt bien. Par ailleurs Madame la Ministre de l'Environnement du Développement Durable et de l'Energie a évoquée des mesures concrètes de relance des différentes filières, dont quelques-unes pour le photovoltaïque
Plein Soleil: Qu'est-ce qui vous chagrine alors ?Arnaud Mine : Même si les discours sont remplis de bonnes intentions, il est clair que sur le photovoltaïque, le compte n'y est pas. Il faut remettre à plat les mécanismes et surtout revoir les échéances et les volumes. Nous vivons avec les appels d'offre un moratoire qui ne dit pas son nom. Les appels d'offres grandes puissances sortent de-ci de-là, sans programmation et sans vision de moyen terme, avec des volumes insuffisants et des retards multiples. Les appels d'offres simplifiés s'arrêtent puis redémarrent. On nous dit dans les prochains jours. Reste que le dernier appel d'offre simplifié, c'était il y a un an et que rien ne s'opposait à la continuité nécessaire de cette procédure. Cette filière subit ainsi une sorte de malédiction et le résultat d'une opposition féroce. Ce dont ont besoin les différentes typologies d'acteurs de la filière, c'est d'une véritable vision, d'un plan d'actions concret et structuré, permettant de trouver une cohérence industrielle et économique. 
« Pour une démarche résolue à l'export soutenue par des outils financiers »Plein Soleil : C'est le sens des propositions que le SER a remises à Manuel Valls et Ségolène Royal ? Arnaud Mine : C'est tout à fait ça. Qu'est-ce que nous souhaitons pour cette filière ? Les entreprises et notamment les entreprises industrielles ont besoin d'une programmation, d'une transparence de vue, d'une pérennité dans la vision industrielle avec des appels d'offres cadencés et un marché intérieur régulier de 1 GW par an. Nous prônons également une évolution des mécanismes de marché avec certes l'autoconsommation en ligne de mire. Mais cette évolution doit être très progressive. Nous n'avons pas, pour l'heure, d'agrégateurs en France. Il faut donc laisser le temps de tout mettre en place. Enfin, nous faisons du forcing pour élaborer une démarche résolue à l'export. A l'international, les Chinois, les Allemands et surtout les Américains arrivent avec des financements. Les entreprises françaises manquent, quant à elles, cruellement de solutions et d'outils financiers. Il faut discuter avec l'Agence Française de Développement (AFD), avec la Banque Publique d'Investissement (BPI) pour se retrouver à égalité de chance lorsque l'on se déploie à l'export.
Plein Soleil : Qu'est-ce qui coince en France, alors que le photovoltaïque enregistre un boom incroyable sur le plan mondial ?Arnaud Mine :En fait, et on l'a senti lors du colloque, nous avons affaire aujourd'hui en France avec ce gouvernement à des interlocuteurs bienveillants porteurs de discours favorables pour le photovoltaïque. Et pourtant, ce dernier apparaît toujours comme incongru voire nuisible dans certaines sphères. Nous souffrons encore et toujours du pêché originel d'un tarif trop haut perché pendant la période 2006-2009 que le SER demandait pourtant à l'époque et avec insistance de baisser. C'est ainsi que deux arguments faux ont la vie dure, colportés par des opposants mal-informés ou malveillants. Certains s'ingénient à brouiller les pistes. Le photovoltaïque serait cher et impacterait de façon insupportable la CSPE. C'est erroné. Aujourd'hui, on le voit le prix du kWh photovoltaïque sur des centrales au sol est comparable à celui de l'éolien terrestre qui est en train de redémarrer. D'ailleurs, je tiens à dire qu'avec des modalités de type éolien terrestre, la filière photovoltaïque au sol redémarrerait. Des projets CRE 2 sont passés avec des tarifs à 100 euros le MWh et d'autres à 110 euros le MWh intégrant de l'innovation et un contenu carbone faible. Non, le PV au sol n'est pas onéreux. Ce procès fait au coût du photovoltaïque est non fondé.
« Le combat n'est pas perdue pour l'industrie photovoltaïque française »
Plein Soleil : Quid de la toiture ?Arnaud Mine : Là c'est différent. Nous avons besoin d'un tarif d'achat un peu plus élevé. Nous sommes dans le cadre d'un système décentralisé et distribué. Reste que le mode de calcul actuel de la charge pour la CSPE n'est pas adéquate pour le photovoltaïque distribué. Elle est inadaptée car indemnise le coût d'une distribution fictive à l'opérateur électricien... La régulation pourrait se faire par l'autoconsommation de proximité en donnant de fait un mécanisme dans lequel la CSPE n'est impactée que par la différence entre la valeur d'achat du kWh solaire et le prix du kWh distribué..
Plein Soleil : Vous évoquiez deux critiques récurrentes. En dehors de la cherté du photovoltaïque, quelle est l'autre critique formulée ?Arnaud Mine :Vous entendez souvent que le développement de la filière photovoltaïque sert finalement à financer des modules chinois. Mais là aussi, l'industrie française est une réalité. Il faut l'aider à se déployer. Le combat n'est pas perdu. Sillia, Photowatt, Voltec devraient trouver à remplir leur carnet de commandes sur le marché domestique et à l'export. Nous avons besoin de mesures incitatives sur le marché intérieur et export. Nous avons du mal à accoucher de cela. Le plan de relance de l'industrie dans le cadre de la nouvelle France industrielle manque de moyens. La filière mérite mieux.
Pour un plan de marche fédérateur, enthousiasmant et ambitieux
Plein Soleil : Pour relancer la machine, vous attendez une hausse du T4, un lancement rapide de l'appel d'offre simplifié et des projets dans les DOM ?Arnaud Mine :Franchement modifier le tarif T4 ou lancer un appel d'offre simplifié n'a pas beaucoup de sens s'il n'y a pas de vision et de véritable plan de marche fédérateur, et ambitieux. Quel rôle doit jouer cette filière du photovoltaïque en France et à l'export ? C'est cela le sens de mon engagement auprès du SER et de France Solar Industry. Il faut réussir à fédérer les parlementaires, les politiques, les experts, les utilities. Le marché photovoltaïque a pris une toute autre dimension dans de nombreux pays. La France doit jouer sa chance à fond. C'est le rôle du gouvernement de fédérer les acteurs publics et privés autour du sujet. Vous m'interpellez sur les DOM. C'est assez significatif. Les DOM sont déjà largement équipés en capacités de production d'électricité classique. La politique d'investissement choisie et mise en œuvre n'a semble-t-il pas laissé de place pour les énergies renouvelables.. 
Plein Soleil : En tant que PDG d'Urbasolar, vous avez passé un partenariat avec Sillia. Vous prouvez qu'il est possible de travailler avec du module français ?Arnaud Mine :Nous on y croit et l'on s'approvisionne de manière quasi exclusive chez Sillia. Je ne dis pas que cela est simple. La démarche demande de régler le curseur finement. Aujourd'hui, avec les règles d'antidumping et la nouvelle parité euro/dollar, ces produits ne sont pas hors course. La clause de protection européenne qui a fonctionné quelques temps a également rempli son office. Elle a montré qu'un contenu français était possible. Je trouve par ailleurs choquant que certains acteurs ne jouent pas forcément le jeu.. 
Plein Soleil : Vous évoquez beaucoup l'export comme planche de salut de la filière. Où en êtes-vous justement à l'international avec votre société UrbaSolar ?Arnaud Mine :Nous sommes très actifs. Il y a quelques semaines, j'étais au Kazakhstan sur un projet d'envergure qui réunit plusieurs PME françaises. Nous sommes également présents en Afrique, à Nairobi au Kenya pour un projet pilote et en Tunisie pour réaliser des installations photovoltaïque en autoconsommation. Nous partons également en Asie où l'on va faire valoir nos qualités et nos savoir-faire et des projets sont en cours. Nous portons une offre franco-française qui inclut Sillia et Schneider, une offre cohérente avec notre démarche et compétitive aussi bien sur les centrales au sol qu'en toiture.

19 février 2015

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