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Le jour où Valls a eu la trouille (407ème semaine politique)

Publié le 21 février 2015 par Juan
Le jour où Valls a eu la trouille (407ème semaine politique)

Manuel Valls a eu la trouille, la vraie. On sait même à quelle heure il a vraiment eu peur. C'était mardi, en fin de matinée. Il venait d'avoir la confirmation que la loi Macron ne passerait pas à l'Assemblée malgré l'indulgence de quelques centristes de l'UDI.


Barbaries
L'Histoire ne se répète pas, elle se poursuit. C'est au Danemark, à Copenhague, en pleine conférence sur la liberté de la presse, qu'un autre illuminé est venu semé la terreur et la mort. Il a réédité devant une synagogue, tuant le gardien désarmé. Après la France, le Danemark. Trente mille personnes silencieuses et émues le surlendemain dans les rues de leur capitale.
Les barbares sont partout. Certains ne sont que des apprentis. La bêtise commence tôt. Dans le Bas-Rhin, on finit par attraper les 5 coupables, tous mineurs, qui avaient profané quelque 250 tombes juives. Plus au Sud, c'est une douzaine de tombes chrétiennes qui sont saccagées.
En Libye, une succursale de Daesch décapite huit moines cooptes égyptiens. L'Egypte riposte par les bombes sur son voisin libyen qui n'a plus rien d'Etat national après deux années de guerre civile.
En France, François Hollande se rend à Istres, dans une base militaire, pour une déclaration d'amour à l'arme atomique. Il lâche tous les poncifs sur le sujet, son discours fut un modèle du genre sur une stratégie militaire qui date des années 60.
"La dissuasion stimule nos efforts de recherche et de développement et contribue à l'excellence et à la compétitivité de notre industrie." François Hollande.
Manuel Valls fustige "l'islamo-fascisme". La comparaison n'est pas osée. L'islamisme a ceci de commun avec le fascisme d'antan sa volonté totalitaire extrême sur les individus. Valls est paraît-il "en guerre contre les dérives de l’islam". Le ministère de la justice annonce la création de 5 quartiers dédiés aux terroristes islamistes.
La police a reconstitué les échanges entre Amedhy Coulibaly, le meurtrier de Montrouge et de Vincennes, et les frères Kouachi, les assassins de Charlie Hebdo. Certains cherchent encore "l'esprit du 11 janvier", ce jour de communion nationale dans les rues et hors les rues après le choc des attentats de Paris. La formule fait florès à longueur d'articles politiques à la pensée atrophiée par le commérage.
Esprit, es-tu là ?
On s'en fiche.
Trouille
L'actualité française parait dérisoire. Seule la montée paraît-il inexorable de Marine Le Pen, avec son discours faussement normalisée et ses idées rances, devrait réveiller les consciences et échauffer les esprits. Jeudi, la présidente du FN dévoile enfin son nouvel organigramme... sans surprise. Elle concentre tous les pouvoirs. Un parti, une cheffe...
L'adoption de la loi Macron ne fait plus aucun doute. Le jeune ministre l'a déjà annoncé avant même le vote ! Il s'est plié à suffisamment de lobbies, pendant quelque 200 heures de débats, mais a pris soin de tenir bon et ferme contre les syndicats et autres défenseurs de la vie sociale pour libéraliser encore davantage l'ouverture des magasins le dimanche. La "modernité" néo-réac de la disposition n'a échappé à personne. Pour faire passer son texte, malgré des joutes oratoires violentes au sein d'un hémicycle clairsemé, entre loyalistes socialistes et frondeurs socialistes, Manuel Valls a déclenché l'arme ultime, le recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution qui impose aux députés de voter pour s'ils ne veulent prendre le risque de faire tomber le gouvernement.
Il a eu la trouille. Sous ses airs bravaches, le premier ministre a manqué d'assurance. Mardi matin, il s'est inquiété du soutien défaillant de quelques députés socialistes pour le vote final de la loi Macron prévu l'après-midi même. Il sortait d'une mauvaise réunion, à huit-clos, avec les députés du groupe socialiste. Et du coup, juste après le déjeuner, il annule le vote et balance son recours au 49-3.
On se souviendra de ce jour, ce premier jour où Manuel Valls a eu la trouille. Sortir l'artillerie lourde contre son propre camp en dit long sur cette fin de quinquennat.

"Le 49-3 est une brutalité", prévenait François Hollande... en 2006.
"Chaque moment a sa vérité", complète Emmanuel Macron neuf ans plus tard sur France 2. "Ce qui compte, c'est la gauche qui avance". Son premier ministre est en parallèle sur TF1. Il affirme qu'il a fait preuve "d'autorité". On devinait qu'il tapait aussi du pied en martelant son argument. Le numéro sonne creux. Le public délaisse le show. Les audiences télévisées du premier ministre sont désastreuses.
Le recours au 49-3 aurait pu être la meilleure nouvelle de cette triste séquence, si l'opposition de gauche avait pu enfin se compter, et oser le vote de conscience. Car la loi Macron restera une tâche dans ce quinquennat. Pas la plus grave, mais l'une des plus stupides. En coulisses, le conseiller en communication de l'Elysée, Gaspard Gantzer, explique à qui veut l'entendre que cette loi est la dernière fâcherie qu'Hollande s'autoriserait avec sa gauche avant le Grand Scrutin de 2017. L'actuel président y croit encore. On murmure que cette loi serait en fait un piège contre ... Nicolas Sarkozy. Faire le programme de l'autre pour l'empêcher de remporter la prochaine élection présidentielle ? Il y a des baffes - et des sanctions - qui se perdent à l'Elysée.
Déchirements Jeudi, fin du suspense. Les frondeurs rentrent dans le rang. "Les écologistes ne sont pas dans l'opposition" commente le vert François de Rugy
Où sont ils ? Nulle part.
Tout le monde a perdu. En dégainant le 49-3 contre leur propre majorité qui est pourtant numériquement écrasante, Valls et Hollande ont démontré leur fragilité politique. Quand aux frondeurs, ils ont raté une occasion, une de plus. Et le PS paraît déchiré.
Sur l'estrade de l'Assemblee, Manuel Valls braille qu'il va "continuer sans relâche à réformer". Et il fustige l'irresponsabilité des frondeurs. Le même jour, l'INSEE confirme que la France était en déflation en janvier. Les prix ont baissé de 0,4%. Dans quelques jours, on nous confirmera que le chômage a encore monté le mois dernier.
Qui est irresponsable ?
L'autre feuilleton, plus grave, plus sérieux, est la négociation de la Grèce avec le reste de son monde proche, c'est-à-dire l'Eurogroup. Lundi, c'est le clash, encore une fois. Cette réunion était pourtant présentée comme celle de "la dernière chance". Les crédits européens, du FMI et de la BCE à la Grèce expirent le 28 février. Pourtant, la Grèce, représentée par son ministre des finances sans cravate mais avec sourire, a une nouvelle fois refusé la prolongation "technique" du plan d'austérité, pour 6 mois, contre lesquels une majorité (relative) des Grecs ont voté voici 3 semaines. Le gouvernement grec s'obstine, fort heureusement, à vouloir que ces techno-libéraux de l'eurogroup reconnaissent ce que tout le monde sait et constate, l'échec de l’actuel programme.
Dans l'indifférence collective la plus générale, Nicolas Sarkozy annonce la création d'un "Comité des maires". Et il menace, encore, un journaliste.
Bonne semaine.
Crédit illustration: DoZone Parody

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