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[Critique] LA DERNIÈRE VALSE

Par Onrembobine @OnRembobinefr

[Critique] LA DERNIÈRE VALSE

[Critique] LA DERNIÈRE VALSE

Titre original : The Last Waltz

Note:

★
★
★
★
½

Origine : États-Unis
Réalisateur : Martin Scorsese
Distribution : Rick Danko, Levon Helm, Garth Hudson, Richard Manuel, Robbie Robertson, Bob Dylan, Eric Clapton, Muddy Waters, Neil Young, Joni Mitchell, Paul Butterfield, Dr. John…
Genre : Documentaire/Concert
Date de sortie : 26 avril 1978

Le Pitch :
Le 25 novembre 1976, un jour de Thanksgiving, le groupe de rock canadien The Band joue ce que les publicités appellent leur dernier concert, à San Francisco. Ce qui a commencé comme un concert devient subitement une célébration, alors que le groupe est rejoint par toute une série de musiciens et de superstars, prêts à les aider à rendre hommage au rock ‘n’ roll avec cette Dernière Valse…

La Critique :
La Dernière Valse est un film de Martin Scorsese. C’est son film le plus frivole, le plus euphorique. On dit souvent que cette joyeuse chronique de la fiesta d’adieu par le groupe The Band (Traduction : Le Groupe. Oui, ils ont vraiment décidé de s’appeler comme ça !) lors du Thanksgiving de 1976, est Le Meilleur Concert Filmé De Tous Les Temps. Compliment qui finalement, est plus un handicap pour le film lui-même qu’autre chose, parce qu’au final, on ne parle pas d’un simple enregistrement de concert (d’ailleurs, dans un cadre strictement documentaire c’est plus ou moins un désastre) mais d’un projet à l’échelle largement plus épique. Pour le dire simplement, La Dernière Valse déchire ; c’est un carnaval exubérant qui célèbre toutes les formes de musiques populaires dans leurs états et leurs apparences, qui s’éclate et se lâche totalement dans le boogie-woogie tout en admirant la disparité avec laquelle toutes ces traditions variées s’entremêlent, pour enfin s’épanouir dans ce grand melting pot bigarré qu’est le rock ‘n’ roll.

La Dernière Valse ne nous donne pas grand chose en ce qui concerne les infos biographiques de The Band, et curieusement il n’y a pas de discussion autour du rôle qui fit de lui une formation culte : il s’agit simplement des musiciens qui accompagnèrent Bob Dylan pendant son célèbre assaut électrique de 1966. On ne trouvera également aucun indice au sujet des vicieuses querelles internes qui ont poussé Levon Helm (batteur/chanteur du groupe) à saquer toute l’entreprise et notamment Robbie Robertson, guitariste du groupe et futur colocataire de Scorsese lui-même (The Band finira par se regrouper en 1983 sans Robertson, et continuera ses tournées jusqu’à la mort du bassiste-chanteur Rick Danko en 1999). Il n’y a même pas la moindre mention de l’imprésario légendaire Bill Graham, qui invita La Dernière Valse à se dérouler dans sa salle de spectacle Winterland et s’était débrouillé pour y inclure un dîner d’adieu complet sans augmenter les frais d’admission.

The-Last-waltz-Bob-Dylan

Ce que Scorsese nous propose à la place (et c’est peut-être le secret du film et de son intemporalité depuis 1978), c’est de la musique. Beaucoup, mais alors beaucoup, de musique. Et c’est juste formidable : avec une liste exhaustive de guest stars qui va de Muddy Waters à Neil Diamond – et comprend également Ronnie Hawkins, Dr. John, Neil Young, les Staples, Joni Mitchell, Paul Butterfield, Eric Clapton, Emmylou Harris, Ringo Starr, Ron Wood, Van Morrison et un mec qui s’appelle Bob – La Dernière Valse voyage à travers le delta blues jusqu’au bluegrass, parcourant le Tin Pan Alley et la soul, en passant par le folk et la pop avant de poursuivre sa route encore plus loin. Et tout au long, il positionne le rock ‘n’ roll comme le grand égaliseur, une démocratie ouverte à toutes les influences et ayant le potentiel d’écraser tous les doutes pour enfin se transformer, comme il le fait lors de cette dernière soirée musicale, en quelque chose de largement plus grand que la somme de ses parties.

Scorsese choisit sagement d’ignorer le public du concert, braquant son armée de caméras (supervisées par le chef-opérateur Michael Chapman, l’homme derrière les images de Taxi Driver et Raging Bull) sur scène afin de capturer, souvent par le biais de gros plans qui sont surprenants dans leur intimité, la joie et l’extase de ces musiciens qui sont au sommet de leur art. Marty prend des libertés et joue avec le spectateur dès le début, ayant les cojones d’ouvrir le film avec la chanson finale et interrompant occasionnellement le rythme du métrage pour nous montrer des performances qu’il a filmé des mois plus tard dans des salles vides – où il était plus facile pour sa caméra époustouflante de se balader sur scène accompagnée des accords glorieux de The Weight.

Tout le monde pourra identifier sa séquence favorite dans La Dernière Valse, et il faut admettre que voir Van Morrison, habillé d’une combinaison violette recouverte de strass et chantant Caravan à tue-tête, a de quoi donner aux esprits un pur envol de bonheur. Mais peut-être que le plus beau moment du film arrive lors d’une des sessions d’interviews obséquieuses avec Scorsese lui-même, qui ont longtemps étés le sujet de parodies. Barbu et nerveux, le Marty des années 70 suit le bassiste Rick Danko un peu partout, essayant de se la jouer cool. Mais lorsqu’il entend une nouvelle démo, Scorsese ne peut plus contenir son enthousiasme : on voit immédiatement Danko, coiffé d’un chapeau de cowboy, cadré en slow-mo dans un plan glamour au ralenti, comme si le cinéaste ne pouvait pas s’empêcher de mystifier son nouveau meilleur pote.

Il s’agit d’un moment effrontément lèche-bottes, mais c’est aussi jubilatoire. C’est un film fait par un fan, et ça, il ne faut pas le cacher. Les hardcore du cinéma documentaire peuvent pinailler toute la journée sur l’importance de maintenir une certaine objectivité. Mais l’une des raisons innombrables qui font que La Dernière Valse reste aussi incroyable est celle que même un type comme Martin Scorsese avoue ouvertement le fait qu’il rêve, comme nous tous, d’être une rock star. De quoi offrir un bon alibi pour les spectateurs qui auront envie de s’adonner à une session de air guitar, quand Bob et The Band nous rappellent à quel point Baby, Let Me Follow You Down déchire la baraque.

@ Daniel Rawnsley

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