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Maxime N'Débéka : Toi, le possible chimérique

Par Gangoueus @lareus
Maxime N'Débéka : Toi, le possible chimériqueLa poésie est un genre complexe. Je me suis plusieurs fois exprimé sur ce sujet. La lecture du nouveau recueil de poésie de Maxime N'Débéka, qui vient de paraître aux éditions Obsidiane et Le Manteau & la Lyre me conforte dans cette idée.
Un récital de poésie avec Nimrod et Maxime N'Débéka, initié par la Compagnie Résonances,
dans un arrondissement du nord de Paris, m'a permis d'avoir ce recul nécessaire pour apprécier toute la profondeur de ce fameux Toi, le possible chimérique...
Vendredi dernier, après un point avec des collègues de promo, faisant suite à une longue journée de cours sur les différentes spécificités du référencement naturel, un poil crevé, je me suis éclipsé pour un récital de poésie quelque part vers la Porte de Clignancourt. La tentation de rentrer chez moi fut grande. Mais, plus grande fut celle d’entendre les poèmes clamés de Nimrod et Maxime N’Débéka. La curiosité donc fut plus forte de même que le plaisir d’échanger de nouveau avec le poète tchadien et l’opportunité aussi d’écouter le très discret homme de lettres congolais.

De la difficulté à lire de la poésieMaxime N’Débéka fait partie des grands de la littérature congolaise, par extension africaine. Il est  plus connu pour sa poésie que pour sa prose ou ses pièces de théâtre.  L'homme a été ministre de la culture pendant deux ans. Voilà trois semaines que je me débattais avec son nouveau recueil de poésie qui vient de paraître dans le cadre d'une coédition Le Manteau et la Lyre et Obsidiane, spécialiste du genre. Se débattre est le terme juste pour toute personne qui, faute de temps, lit des poèmes dans son RER en allant au travail. C’est un sacrilège, j’en suis conscient. J’imagine la consternation de ces poètes. C’est d’ailleurs pour cela que j’en lis très peu. La poésie n'autorise pas la tiédeur du lecteur.
Récital de poésie avec la Compagnie RésonanceAussi, cette rencontre intitulée Poètes en résonances, organisée par une association parisienne, fut en fait une réelle opportunité pour moi. Une occasion de prendre du recul sur ma lecture. La poésie clamée par ces deux auteurs allait faire sens. Ce fut le cas. Accompagné par un accordéoniste extrêmement talentueux, à savoir Maxime Perrin, ces deux poètes ont fait résonner leurs vers dans ce quartier populaire de Paris. Avant de m’étendre sur leurs prestations respectives, il me semble intéressant de souligner à la fois la présence massive du public pour un tel moment littéraire (plus d’une quarantaine de personnes) et la musique qui, il me semble, faisait écho avec l’âme des quartiers du nord de Paris et des guinguettes. Les mots de Nimrod et de Maxime N’Débéka se sont immiscés, se sont tissés, venant d’ailleurs, avec cet univers chaleureux malgré le froid de l’hiver.Nimrod et Maxime N’Débéka ont joué deux partitions très différentes tant sur la forme que dans le fond de leurs discours respectifs : 
NimrodSolennel, il y avait quelque chose de religieux dans la formulation des mots de Nimrod. Il m’a fait penser, dans la forme, au parler à la fois harmonieux et monocorde de ce pasteur calviniste que j’eus le plaisir d’écouter à la grande église protestante réformée de Montpellier. Verbe haut, port altier. Naturellement, ayant lu L’or des rivières, j’interprète avec ce matériau littéraire qui explique la jeunesse de Nimrod et sa singularité. Il est dommage, c’est le seul reproche que je ferais aux organisateurs, que ces lectures n’aient pas été mieux introduites.  
Maxime N’DébékaLe poète congolais a pris le soin de présenter ses lectures, ce qui a eu pour mérite de permettre une meilleure entrée en matière et surtout de comprendre le décalage entre les différents extraits de textes lus. Evidemment, quand ses premiers vers sentent l’odeur de geôles communistes congolaises, la révolte du prisonnier politique, l’écoute n’est pas tout à fait la même. C’est aussi le Congo marxiste qui est mise en scène. Une terre d’un million d’habitants (données de l’époque) exploitée par 20000 personnes…

La prise sur le temps et sur le lieu de ses premiers extraits s’oppose à sa lecture de Toi, le possible chimérique publié cette année et qui a une mesure plus universelle. 
Toi, le possible chimériqueComme je l’ai dit plus haut, j’ai ramé dans la première phase de ma lecture, même si dans la générosité des formulations ampoulées, se glissent avec la fréquence d’une sinusoïde, certains keywords. Toutefois, Poètes en résonances a simplifié mon abord de la poésie de Maxime N'Débéka. Des mots clés qui méritent notre attention : Beauté, Big Bang, Promesse, Utopie, Galaxie. J’ai envie de parler d’une poésie cosmique. Ce qui veut à la fois tout dire et ne rien dire. Il me semble avoir perçu dans cet infiniment grand décrit, une quête de l’origine qui prend des formes anthropomorphiques. Il y a un questionnement intéressant sur une création qui serait imparfaite et dont on ne saurait tirer une jouissance complète. Cet enchevêtrement entre les émois de l’individu et les soubresauts d'une galaxie en gestation dont on écoute l'expansion. Et si le bigbang n’était que l’expression d’un orgasme masculin et la Voie lactée sa manifestation ? Parole de poète. Ces gens-là, je vous le dis, ont la tête dans les étoiles.

Il y aussi les hommages. Comme ceux adressés à Sylvain Bemba et Sony Labou Tansi. L’aîné et le cadet. Mais Maxime N’Débéka là encore ne fait pas dans le propos simple. Il convoque aussi la langue kongo dans son recueil à un moment du texte où ses mots se recentrent sur le Congo, ses guerres, ses prédateurs. Cet entremêlement des deux langues est savoureux sur l’auteur lui-même clame son texte. Il ramène le lecteur sur Terre, en Afrique centrale.

La relecture de ces poèmes prennent un sens nouveau et profond. A découvrir donc, cette poésie de l'infiniment loin et de l'extrêmement intime.
Maxime N'Débéka
Toi, le possible chimérique
, suivi de Les divagations de rêveur insomniaque
Editions Le Manteau & la Lyre / Obsidiane

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