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Femme interdite – Ali Al-Muqri

Publié le 27 février 2015 par Marylin Millon @leboudoirlitt
Femme interdite – Ali Al-Muqri

AL-MUQRI, Ali. Femme interdite. Liana Levi, 2015, 208 pages, 19 €.

L'histoire :

L'héroïne de ce roman est une jeune femme élevée dans une famille traditionnelle yéménite, dans une société où la femme est impure, qu'elle que soit la situation. Entre soumission totale et appétit sexuel, Ali Al-Muqri nous livre sa vision du Yémen traditionnel avec ce roman court et percutant.

L'auteur :

Ali Al-Muqri est un auteur yéménite engagé envers les dysfonctionnements religieuses et sociales de son pays. De part cet engagement, il a reçu des fatwas et des menaces de mort.
Son précédent roman, Le Beau Juif, et également paru chez Liana Levi.

Ce que j'ai apprécié :

- Ce livre est court mais il foisonne d'informations sur cette société yéménite islamiste. Lorsque j'ai entamé la lecture de ce roman, j'avais entrepris de mettre des Post-it pour marquer les idées importantes. J'ai vite arrêté : des Post-it, il y en avait en vérité à toutes les pages.
C'est un récit sans concession sur une société qui annihile complètement la femme , qui en fait un sous-être qui mérite à peine de vivre. Alors que faire des désirs de ces femmes ? Des filles qui aspirent à l'amour, à la sensualité, au désir et au plaisir dans tout ce qu'il a de plus cru.
Des romans sur la condition féminine dans un régime extrémiste comme celui des talibans, j'en ai lu. Mais jamais aucun n'est allé aussi loin dans l'image de la sexualité de ces femmes. De ce point de vue-là, ce livre est déjà fascinant.

- L'héroïne est une jeune fille candide, qui apprend la sexualité de façon quelque peu forcée, par sa soeur aînée Loula qui, elle, loin d'être attirée par les préceptes de la religion, vend son corps et profite de tout ce que les hommes peuvent lui offrir. Une pécheresse à l'état pur selon la charia. Mais finalement bien utile lorsqu'il s'agit de ramener de l'argent à son père. Cette éducation sexuelle se fera à l'aide de " cassettes culturelles " qui ne sont autre que des enregistrements vidéos ou seulement audio de films pornographiques.
L'héroïne n'aura de cesse de rechercher cette jouissance, dans un monde où la notion de plaisir pour la femme n'est même pas envisageable.

- Le personnage du grand frère, Raqib est saisissant. Il est tout d'abord complètement anti-religieux, grand lecteur de philosophie, pour finalement, une fois marié, se transformer en un prédicateur forcené par simple jalousie. Le changement radical d'orientation traduit une véritable cassure chez Raqib, issue d'une faiblesse à un moment donné qui le fera basculer : c'est un peu le principe de tous les fondamentalismes, de toutes les sectes : se nourrir de la faiblesse d'un individu.
La dimension tragique et caustique de ce personnage est terrible et vraiment bien construite.

- Et puis ce livre, c'est avant tout une vision globale de la situation de la femme et de la sexualité dans le monde islamiste de la charia . La femme elle-même est illicite. La voir, la toucher, la soigner, l'éduquer : autant d'actes prohibés par la charia. Comme ce passage terrible qui indique qu'une femme enceinte ne peut être examinée, que ce soit par un homme ou une autre femme car ce serait la profaner et profaner l'être qu'elle porte. Saisissant lorsque l'on sait que cette affirmation dépasse le simple roman.
Cela amène aussi à se poser des questions sur les femmes qui vivent cet enfer. Ont-elles vraiment le choix ? Soumission au risque de se perdre et ne pas exister ; ou transgression avec tous les risques que l'on imagine.
Des scènes tragico-comiques comme celle d'un enseignant filmé qui explique aux filles comment se comporter dans l'intimité conjugale et qui voit la caméra déviée vers son bas-ventre et son excitation évidente ; avec un par-terre de jeunes filles fascinées, qui le contemple avec une envie certaine.
L'héroïne, entre ces cassettes érotiques et sa quête inassouvi de plaisir, voudra se lancer dans une quête religieuse extrême qui passera par le djihad. Une société hypocrite qui interdit, tout en mettant les objets du délit sous les yeux des femmes .

Ce que j'ai moins/pas apprécié :

- Difficile de juger ce livre. Sa dimension si réaliste peut paraître choquante, mais c'était exactement ce qu'il fallait pour amener le lecteur à se poser les bonnes questions.
Ce qui m'a le moins touché en vérité, c'est la présence de ce poème sur lequel tout le roman s'appuie pour étayer les propos, comme une grande étude de texte.

En bref ?

Un roman très percutant , qui m'a dérouté, révolté et dont je me souviendrais longtemps.

>>> EN LIBRAIRIE LE 5 MARS 2015 <<<


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