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[NOTRE AVIS] Phoenix : la reconquête d’identité après l’holocauste

Publié le 11 mars 2015 par Tempscritiques @tournezcoupez

Le couple Nina Hoss/Christian Petzold se retrouve une nouvelle fois. Phoenix aborde l’holocauste mais se focalise sur les marques physiques et psychiques de l’après-déportation.

Phoenix, de Christian Petzold
 

Si le cinéma français n’a jamais connu de réelles crises d’inspiration et arbore une continuité presque sans égale, on ne peut pas en dire autant du cinéma allemand. Le paysage cinématographique outre Rhin est à ce jour bien moribond, et aux côtés d’Edgar Reitz ou de Fatih Akin, Christian Petzold fait indubitablement parti des porte-drapeaux du cinéma national.  Ours d’argent et prix de la mise en scène à Berlin en 2012 pour Barbara et déjà largement plébiscité pour Yella ou Jerichow, Christian Petzold est bel et bien une figure majeure du cinéma allemand contemporain.

Si la figure d’Hitler et les questionnements historiques et philosophiques que soulèvent inévitablement les atrocités de la seconde guerre mondiale ont été souvent montrées au cinéma chez nos voisins allemand (Le pont, Mein fürher, La chute…) , presque jamais il ne nous a été donné à voir les conséquences du retour des camps après la guerre. Comment ne pas devenir un fantôme quand on a subit l’innommable ? Comment redevenir un être de chair et de sentiments, quant on a été réduit à un simple numéro au milieu de cette inhumanité ? C’est à ce douloureux questionnement que nous invite Phoenix en suivant les traces de Nelly, qui, de retour d’Auschwitz n’a qu’une idée fixe : retrouver son époux, Johnny. Le visage à jamais martyrisé par la souffrance et la torture, Nelly ne rapporte donc pas des camps, que les inévitables séquelles psychiques. Ce qu’elle ne sait pas, lorsqu’elle recherche son amour d’antan, c’est que l’homme en question est à ce jour préoccupé par l’héritage légué par un riche parent de sa femme. Tout le monde la croyant morte dans le camp de concentration, son mari voit là l’occasion d’empocher l’alléchante somme dédiée à son épouse. Quand celle-ci le retrouve, ce dernier, frappé par la ressemblance physique entre la femme qu’il a devant lui et celle de ses souvenirs, lui proposera un funeste marché : si elle arrive à convaincre la justice qu’elle est bel et bien Nelly, il lui offre de se partager l’héritage qu’ils pourront ainsi récupérer.

Phoenix

Le marché conclut entraine ce bien étrange couple dans une quête folle, absurde et pourtant si tragique. Épopée qu’apprécierait probablement Patrick Modiano, cet obsessionnel de la mémoire qui fouine avec tant de passion dans le passé pour éclairer le présent, Phoenix nous interpelle sur l’inévitable déshumanisation provoquée par l’holocauste, et sur l’ardue reconquête d’identité au lendemain de ce drame mondial. C’est sur les notes du thème de Georges Guerswhin Speak Low, joué par une contrebasse pesante et froide, que nous pénétrons dans ce récit. Le rythme est faussement lent. Ne durant qu’1h38, il ne laisse finalement que peu de temps morts. Bien que nous puissions avoir le sentiment d’une histoire aérée et de séquences où la beauté de la mise en scène rivalise avec la noirceur du propos dans une certaine lenteur, l’intrigue avance ses pions sans s’éterniser. Il suffit d’ajouter à cette histoire bouleversante les qualités de filmage de Petzold (cadrage, mouvements de caméra) à la photographie déjà très soignée (jeux de contraste dans les couleurs ou superbes éclairages dans les séquences de nuit) pour faire de ce film une pièce importante du devoir de mémoire au cinéma.

Affiche de Phoenix (Christian Petzold)


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