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ِQue Dieu protège les frontières du monde arabe !

Publié le 11 mars 2015 par Gonzo

LatifaGrand

الله يحمي بلادنا العربية.. وطننا وأمتنا وخيراتنا مهددة ومستهدفة ! الآن الآن وليس غداً.. يجب أن نتحد ونقف وقفة رجل واحد مع أوطاننا
“Que Dieu protège le monde arabe ! Notre patrie, notre nation, nos biens sont en danger, sont attaqués. C’est maintenant, et pas demain ! Unissons-nous comme un seul homme !” écrivait il y a quelques jours Latifa, une des grandes vedettes de la chanson arabe, avant de poursuivre : “Assez de terrorisme ! Assez de destructions ! Assez d’assassinats ! Assez de guerres !”

Ces commentaires accompagnaient la reprise par cette voix  tunisienne qui se produit partout, et avec tous les accents possibles, dans la région, d’un grand classique de la chanson patriotique. Écrit en 1956, en pleine crise de Suez, par le célèbre parolier libanais Muhammad SalmanMe voici, ô drapeau de l’arabité (labayka ya ‘alam al-‘urûba /لبيك يا علم العروبة) montre qu’il y a encore dans cette partie du monde, quoi qu’on en dise, des nostalgiques des grandes heures de cette arabité politique qu’incarnait Nasser mieux que personne.

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Sur sa page Facebook, à côté des montages photos nationalistes, Latifa a accompagné sa publication de tags (étiquettes), en l’occurrence la liste des 22 pays qui composent la Ligue arabe. Un décompte qui n’est pas innocent car elle n’ignore certainement pas que l’organisation ne compte plus, officiellement, que 21 pays depuis que la participation de la Syrie, pourtant incluse dans les six membres fondateurs, a été suspendue, à cause de la “manière brutale dont le gouvernement agit envers ses opposants politiques” comme il est écrit sur le site.

En réalité, les choses sont plus compliquées encore car l’existence de plus en plus d’entités nationales est désormais menacée. Après la Palestine depuis fort longtemps déchirée entre la Cisjordanie et Gaza, et le Soudan, privé des provinces du Sud à la suite du référendum de 2011, la liste s’est considérablement allongée : l’Irak avec la province autonome du Kurdistan au nord mais également désormais les tensions entre provinces dites sunnites ou chiites ; la Syrie bien entendu, avec ses deux drapeaux et ses gouvernements officiels et rebelles plus ou moins reconnus internationalement ; la Libye où Benghazi et Tripoli s’opposent via différentes milices ; le Yémen à présent, avec les Houthis installés dans la “vraie” capitale Sanaa tandis que le président “légitime” réside, lui, à Sanaa. On pourrait évoquer encore le Sinaï égyptien, de plus en plus en conflit avec le pouvoir du Caire, et la liste est loin d’être complète…

Les États-nations du monde arabe sont menacés d’éclatement interne mais ils doivent également protéger les anciens découpages frontaliers contre des tentatives de regroupement. Ainsi, les forces de la coalition menée par les USA tentent à présent d’aider le pouvoir central à Bagdad (et donc aussi celui de Damas, même s’ils ne le disent pas) à retracer les frontières qu’ont effacées entre la Syrie et l’Irak les volontaires d’Isis/Daesh, venus, littéralement parlant, de tous les horizons du monde. Au même moment, l’Arabie saoudite, après avoir érigé une barrière de protection avec le Yémen au Sud, s’apprête à achever, au nord, sa “grande muraille” : près de 1000 km de fossés et de barbelés pour se couper de l’Irak et de ses désordres.

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Traditionnellement, l’histoire politique de la région oppose dos à dos “nationalistes arabes”, en principe plutôt laïcs et progressistes, et courants religieux, souvent dits “islamistes”, pour lesquels la question de l’unité régionale n’est que très secondaire par rapport à un idéal de réforme fondé sur un autre imaginaire, celui de la nation musulmane. Porteurs de beaucoup d’incertitudes, les malheurs actuels dans cette région révèlent en tout cas que la question est autrement plus complexe qu’on ne le pense souvent. De même qu’on constate aujourd’hui combien les frontières géographiques entre les Etats peuvent être fragiles, on doit aussi avoir à l’esprit que les acteurs manient des symboles politiques qui, selon les contextes, sont loin de s’accorder avec la prétendue rigidité des lignes de démarcation politique. Celles-ci peuvent d’ailleurs bouger plus vite qu’on le pense, en provoquant toutes sortes de séismes…

La chanson, quasiment historique, que reprend Latifa, comme on le mentionnait plus haut, pour exprimer son attachement identitaire à la nation arabe, offre une bonne illustration de ce phénomène. Il en existe en effet une autre version, dont les paroles sont quasi identiques alors que le titre propose, lui, un horizon politique très différent. Repris par différents partisans de l’islam politique, l’ancien Me voici, drapeau de l’arabité ! est ainsi devenu Me voici, ô Islam de l’héroïsme ! Dans l’impressionnante vidéo ci-dessous, on voit ainsi la foule enthousiastes des Frères musulmans égyptiens, supporters du très légitimement élu président Mohamed Morsi, vibrer à l’interprétation donnée par Ahmed Bo Shehab (أحمد بو شهاب) de ce tube qu’une bonne partie de l’assistance connaît par cœur, pour l’avoir entendu et repris dans d’autres contextes là encore. C’était à la mi-juin 2013, il y a moins de deux ans, et cela paraît tellement loin déjà !


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