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Fin du fondamentalisme ?

Publié le 18 mars 2015 par Alteroueb

C’est une rengaine qui refait surface à chaque secousse de nos sociétés occidentales confrontées aux problèmes sécuritaires : pour se protéger, la seule et unique solution serait de se doter d’un arsenal de moyens de surveillance drastique, quitte au passage à empiéter sur quelques libertés. En la matière, le citoyen n’aurait même rien à craindre car ceux qui n’ont rien à cacher n’ont aucune raison de s’opposer à une mesure qui garanti leur sécurité. Pourtant, rien n’est moins sûr.

Un barbu, c'est un barbu. Trois barbus, c'est des barbouzes...
Au lendemain d’événements dramatiques, faisant prendre conscience de la fragilité de la notion de liberté, notamment d’expression, cette question remonte sur le dessus de la pile : le conseil des ministres de ce jeudi 19 février va présenter un «Patriot Act» à la française, un projet de Loi dit de «politique publique» sur le renseignement en vue de prévenir certains actes, notamment de terrorisme. Et le contenu fait froid dans le dos puisque, au-delà des mesures techniques chères aux barbouzes de base, le dispositif sera validé par l’autorité administrative (donc politique) et non judiciaire, ce qui laisse la porte ouverte à bien des dérives. Je n’ose imaginer l’usage que serait fait d’un tel outil s’il tombait entre de mauvaises mains, et notamment celles d’un ramassis de fachos qui rêve tout haut de prendre le pouvoir.

Et comme dans bien d’autres domaines, voila que la France s’apprête à imiter son voisin et modèle d’outre-atlantique : pour des raisons réelles ou supposées de sécurité, absolument rien de nos insignifiantes vies ne pourra échapper aux services de renseignements sur une simple demande administrative, et sans autre forme de procès. Il sera ainsi possible d’écouter, de fouiller et s’immiscer absolument partout, parce qu’un gugusse un rien paranoïaque a estimé sa cible ou son entourage comme une potentielle menace.

Et dans son éternel souci de présenter un profil de bonne foi, le législateur assène le coup de grâce : «il ne s’agit finalement que de légaliser des pratiques qui se font depuis un petit moment déjà, et d’instituer un cadre légal général à des activités susceptibles de porter atteinte à la vie privée et au secret des correspondances». Il était donc normal de cacher micros et caméras, de charger des mouchards sur les ordinateurs, de poser des balises GPS, d’intercepter SMS, mails et communications téléphoniques à tout va, sans aucune autorisation de justice. Maintenant que tout cela est légalisé, passant en plein jour de l’amateurisme à l’industrialisation, on incitera en plus, et plutôt fermement, les acteurs de l’internet à moucharder leurs clients/utilisateurs pour ceux qui auraient échappé à la première lame.

Bien sûr, ceux qui n’ont rien à cacher n’ont aucune raison d’avoir peur. Sauf que c’est méconnaître profondément l’importance du réseau et des relations qui existent entre les individus et qu’étudient (voire les déduisent de toute pièce, comme le fait très bien Facebook) les services de renseignements. Que savons-nous de l’individu avec lequel on a échangé quelques mots dans le métro sous les filtres des caméras de surveillance ? Qu’est ce qui peut-être déduit de nous selon notre entourage alors que des pans entiers de ceux que nous fréquentons peut nous être inconnu ? Le fait de côtoyer un ami dont l’entourage propre inclus de possibles indélicats, fait-il de nous un élément à surveiller ? Sans compter que les Paul Bismuth et autres vrais méchants savent se jouer de cette surveillance, même sophistiquée avec une facilité déconcertante. Dans ces condition, on se demande quelle est la véritable raison de cette mise sous tutelle ? Ce qui reste des syndicats et associations alter n’ont plus qu’a bien se tenir, sinon…

Il y aura bien une Commission Nationale de Contrôle des Techniques de Renseignement (CNCTR) chargée de statuer (à postériori) sur le respect des libertés fondamentales, mais on se demande bien ce qu’il reste de fondamental dans nos libertés. Pour reprendre l’exemple américain, le «Patriot Act», loin d’améliorer la vie et la sécurité de ses habitants, a conduit les États-Unis à basculer dans une forme de tyrannie où l’état de droit ainsi que les libertés publiques et individuelles ont gravement régressé. La moindre contestation vous transforme de facto en un ennemi de la nation dans un manichéisme maladif. Et en premier lieu, qu’adviendra t’il de tous les lanceurs d’alerte ? Pour eux, le dispositif est monstrueux d’efficacité : rien de mieux pour les réduire durablement au silence. Une liberté fondamentale détruite. Une de plus, avec toujours cette pure illusion de sécurité.

Il y a plus de 200 ans, Benjamin Franklin, l’un des pères fondateurs de la nation américaine, l’avait déjà perçu : «un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux». Parce que le fait de renoncer de la sorte à nos libertés les plus fondamentales ne nous protégera en rien d’agissements d’illuminés hors normes, parfaitement préparés à l’exercice. Mais en attendant que le pire arrive, la Word Company et ses donneurs d’ordre y trouveront leur compte. La maîtrise et l’asservissement des masses font marcher les affaires et repoussent loin les empêcheurs de faire fortune en paix. Au moment ou se trament d’étranges accords dans la plus grande opacité, ce genre de loi tombe plutôt bien…

Et dire que c’est un gouvernement de gauche qui porte ce projet, dans l’indifférence générale. Ce n’est pas pour cela que j’ai voté en mai 2012, ni marché ce 11 janvier 2015.

Bon sang, réveillons nous de ce cauchemar…


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