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[Critique] STILL ALICE

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] STILL ALICE

Titre original : Still Alice

Note:

★
★
★
★
½

Origine : États-Unis/France
Réalisateurs : Richard Glatzer, Wash Westmoreland
Distribution : Julianne Moore, Kristen Stewart, Kate Bosworth, Alec Baldwin, Hunter Parrish, Shane McRae, Seth Gilliam…
Genre : Drame/Adaptation
Date de sortie : 18 mars 2015

Le Pitch :
Professeur de linguistique renommé et mère de trois enfants, Alice vient de fêter son cinquantième anniversaire, lorsque lui sont diagnostiqués les premiers signes d’un Alzheimer précoce. Dès lors, au fur et à mesure des jours, les liens qui unissent Alice à son mari et à ses enfants sont mis à rude épreuve. Tandis que les souvenirs s’effacent, Alice continue néanmoins à se battre pour rester elle-même…

La Critique :
C’est exactement trois jours après le décès du cinéaste Richard Glatzer que son film, Still Alice, qu’il a réalisé avec Wash Westmoreland, sort dans les salles françaises. Un long-métrage qui valut à Julianne Moore d’enfin voir son talent couronné par plusieurs illustres récompenses, aux États-Unis et ailleurs, dont l’Oscar de la Meilleure Actrice, qu’elle a si souvent mérité, mais qui lui avait pour le moment toujours échappé. Un Oscar amplement justifié tant la comédienne livre ici ce qui restera très probablement comme l’une de ses grandes performances. Dans Still Alice, elle est fantastique. Embrassant totalement le rôle de cette femme accomplie, autant sur un plan personnel que professionnel ou intellectuel, qui se voit terrassée par la maladie d’Alzheimer, Julianne Moore fait des prouesses. D’une justesse inouïe, elle distille une émotion bouleversante et sait ne jamais tomber dans l’excès. Pertinente jusqu’au bout des ongles, d’une sensibilité absolue, l’actrice laisse exploser un talent hors norme et arrive à construire un personnage infiniment complexe, avec le naturel qui caractérise si souvent son jeu. Bien sûr, le film de Glatzer et de Westmoreland vaut avant tout pour elle. Non pas qu’une autre comédienne n’aurait pas su saisir l’essence d’Alice, mais ce qu’en fait Julianne Moore n’appartient qu’à elle, découlant notamment d’une vulnérabilité si pénétrante et si touchante, qu’un seul regard peut suffire à nous briser le cœur en mille morceaux, tandis que toute la terrifiante symbolique d’une maladie insidieuse, s’illustre de la plus frontale des manières, sans effets faciles ou opportunistes, ni surlignage intempestif.
De tous les plans, Julianne Moore porte cette œuvre dont l’une des principales caractéristiques est de se focaliser sur la personne touchée par la maladie. Le seul point de vue proposé par Glatzer et Westmoreland est celui d’Alice, ce qui rend le film très troublant. Les réactions des membres de la famille, que l’on parle du mari ou des enfants, ne nous sont présentées que via la perception du personnage principal. Un choix narratif particulièrement visible lors de la première scène chez le neurologue ou alors quand, déjà bien affectée par la maladie, Alice assiste sans vraiment y assister, à une réunion de famille durant laquelle est débattu son devenir.

Still-Alice-Alec-Baldwin-Julianne-Moore

Adapté du livre de Lisa Genova, Still Alice évite ainsi la majorité des écueils inhérents au mélodrame. La mise en scène y est probablement pour quelque chose tant elle s’avère dénuée d’effets, qui auraient peut-être pu interférer avec ce choix de sobriété. On peut certainement reprocher aux réalisateurs d’avoir un peu trop laissé couler, mais en optant pour une approche très simple, ils offrent pourtant un écrin idéal à l’expression des sentiments et des ressentis des protagonistes, et à l’heure où beaucoup en font des caisses pour meubler, force est de reconnaître que leur choix est, sinon le bon, au moins justifiable.

Sans éviter d’affronter cette terrifiante affection, le long-métrage fait pourtant preuve d’une grande pudeur, attaché qu’il reste à la volonté de plus en plus embrumée d’Alice, d’essayer de conserver une connexion avec son environnement et son passé. Sans être complaisant, en n’optant pas pour une approche qui s’attacherait à retranscrire les aspects les plus sordides, le duo de cinéastes arrive à saisir l’essence d’une thématique pourtant casse-gueule.
Devant la caméra, aux côtés de Julianne Moore, les autres acteurs font eux aussi des merveilles, en toute discrétion. Alec Baldwin tout d’abord, apparemment effacé, mais pourtant vraiment fantastique tant il exprime la souffrance ténue de ce mari aimant et désemparé. Le fait que son personne soit lui-même docteur, appuie douloureusement sur son incapacité à utiliser son savoir et ses compétences pour sauver son âme sœur. Du côté des enfants, l’accent est mis sur Kristen Stewart, qui interprète en quelque sorte le vilain petit canard d’une famille caractérisée par la réussite professionnelle. Actrice galérienne, celle-ci est pourtant très proche de sa mère. À partir de quelques répliques, Kristen Stewart compose une partition totalement dans le ton. Juste, émouvante et forte, son jeu illustre une souffrance maintenue en laisse pour le bien-commun et prouve si besoin était qu’elle actrice exceptionnelle elle demeure. Plus en retrait, Kate Bosworth et Hunter Parrish ne déméritent pour autant jamais. Mention spéciale à ce dernier, qui brille particulièrement pendant la deuxième moitié du film, au détour d’une poignée de scènes bouleversantes.

Construit sur une montée en puissance, qui distille une émotion à la force exponentielle, Still Alice raconte un combat perdu d’avance. Parfois très dur, il touche au vif, sans tomber dans l’excès et s’avère aussi sensible que frontal dans sa capacité à faire face à son sujet sans jamais trop forcer le trait. Reposant sur une somme de performances plus qu’impeccables, Still Alice est un grand film. Un film d’acteurs. Une œuvre difficile mais essentielle.

@ Gilles Rolland

Still-Alice-Kristen-Stewart-Julianne-Moore
Crédits photos : Sony Pictures Releasing France


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