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Capitaine Corelli (Captain Corelli's Mandolin)

Publié le 22 mars 2015 par Cinephileamateur
Capitaine Corelli (Captain Corelli's Mandolin)

"- Il va mourir ?
- Il y a de fortes chance un jour ou l'autre. Comme chacun d'entre nous."

Il y a quelques temps de cela, j'ai eu envie de changer un peu mes lectures. C'est ainsi que je me suis mis à lire "La mandoline du Capitaine Corelli". Vu que j'avais globalement bien apprécié ce roman, je me suis dit qu'il serait intéressant de découvrir son adaptation cinématographique sachant que je n'avais jamais vu auparavant ce long métrage. C'est ainsi que je me suis retrouvé face au dvd de "Capitaine Corelli".
Dans l'ensemble, j'ai bien aimé ce spectacle maintenant, et c'est malheureusement souvent le cas quand on lit le roman d'origine avant, je trouve l'adaptation un léger ton en dessous. Le scénario écrit par Shawn Slovo d'après le livre de Louis De Bernières est pourtant très bon, il y a même de fortes chances que j'aurais apprécié encore plus ce récit si je n'avais pas lu le livre avant (même si je ne le regrette pas le livre étant excellent) mais ce n'est pas le cas.
Ce n'est pas tant les libertés prises par rapport à l'histoire originale qui me dérange. Au cinéma, toute relecture nécessite des coupes, un remontage etc etc seulement voilà, puisque je n'ai pu m'empêcher de pouvoir comparer les deux œuvres, force est de constater qu'en terme d'émotion, le livre est nettement plus intense et plus poétique que le film. C'est peut-être aussi dû à la limite du septième art quand il adapte une œuvre. Ici, et c'est bien normal, la relecture zappe la magie de l'imaginaire lié à la lecture du roman.
On veut aller à l'essentiel, il faut faire des choix et si je comprends les choix qui ont été fait dans ce long métrage, je n'en regrette pas moins l'absence de tout un tas d'élément qui faisait la grande force du récit. Le film n'y est pas pour grand-chose, encore une fois je n'aurais pas lu le livre avant j'aurais sans doute été plus "généreux" dans ma note ressenti mais c'est un constat que je ne peux pas m'empêcher de faire. Le scénario réorganise le récit à sa sauce, ça fonctionne mais l'ensemble devient trop rapide. C'est bien simple, le film zappe facilement deux tiers du livre pour se concentrer principalement sur la relation entre Pelagia et Corelli. C'est très facile, c'est assez prévisible (je m'en suis douté avant même de commencer mon visionnage) mais si le spectacle est au rendez-vous, le film du coup ne fait qu'effleurer la force de cette histoire et le lyrisme qui peut aller avec. Il effleure également tout le fond sur la nature humaine en ses périodes de guerre même si il l'évoque malgré tout en surface. C'est vraiment dommage d'avoir choisi d'appuyer sur la romance (même si il fallait s'y attendre) plutôt que sur le drame de la guerre car du coup, cette histoire semble moins équilibré et sans doute pas aussi poignante qu'elle devrait l'être.
Pour le premier tiers du roman qui est zappé, cela correspond aux vingt première minutes du film (qui représente quand même de mémoire à peu plus de 200 pages du livre). La relation entre Pelagia et Mandras se fait trop vite. On ne retrouve pas le jeu du chat et de la souris entre eux qui rendait le début de leur romance assez tendre. Même l'issue de cette relation est totalement remaniée. Là où c'est assez sombre dans le livre, c'est plutôt gentillet dans le film. Encore une fois, je n'ai pas pu m'empêcher de comparer et la finalité de cette relation dans le roman me parait nettement plus forte.
Le deuxième tiers du roman à avoir été occulté, c'est le final (une bonne centaine de pages dans le livre). Toute la période du tremblement de terre de 1953 est réduite à un petit passage qui pourrait presque paraître anecdotique. Là aussi, on a le droit au happy-end prévisible là où le livre est plus violent, il y a plus de peine. Une nouvelle fois, et je sais que je me répète, je comprends la démarche du film qui a juste voulu faire un beau film mais un tel traitement quand on connait la base a de quoi nous laisser sur notre faim et je comprends aisément du coup que ce long métrage est frustré plus d'un fan du livre de Louis de Bernières.
Je suis peut-être trop sadique mais toutes ses coupes drastiques font que comme j'ai aimé le livre, je ressens un manque. Après, il faut bien comprendre que je ne jette pas la pierre au film. La relecture force obligatoirement à un parti pris, j'ai compris la démarche du film (bien que celle-ci soit facile) et ça ne m'a pas empêché de passer un bon moment. Je ne me suis jamais vraiment ennuyé, j'ai aimé retrouver certains dialogues, certains passages et j'ai parfois eu quand même la sensation de me retrouver en plein cœur de cette histoire.
Il y a quand même de l'émotion, ça reste une belle histoire d'amour impossible même si le trio amoureux est moins fort que dans le livre et le scénario possède une bonne dose d'humour et de légèreté qui fait bien plaisir. Ça donne même une bonne ambiance à ce film qui contribue à montrer quand même que tout le monde n'était pas forcément pour la guerre, que de nombreuses personnes la subissaient et qu'il y avait quand même en ses temps durs, un peu d'humanité chez certains.
En fait, le plus grand manque dans cette adaptation, c'est que l’on n’a pas les pensées des personnages du coup, leur logique ou leur façon d'agir n'apparait pas aussi fort que cela aurait dû être. Fort heureusement, même si la relecture n'est pas intense, la conclusion reste quand même sensiblement la même avec la vie qui doit reprendre son court quoiqu'il arrive. C'est peut-être aussi parce que c'est un peu une histoire "j'aime la vie" que j'apprécie le livre et le film (car oui, contrairement à ce que pourrait laissé croire ma comparaison avec le support d'origine, j'aime bien ce film quand même).
Le casting est sinon assez efficace. Les différents acteurs s'accaparent bien leurs personnages et chacun joue même un peu avec sa voix afin de faire ressortir un peu la tonalité de la langue de son personnage. C'est parfois un peu poussé à l'extrême comme Nicolas Cage qui surenchérit son côté italien mais ça fonctionne quand même. D'ailleurs, j'ai vite opter pour la version originale car la version française est beaucoup plus légère avec des doubleurs pas forcément au niveau d'ailleurs, surtout pour Nicolas Cage et Christian Bale qui se retrouve avec des voix pas adaptés à leurs rôles à mes yeux.
Nicolas Cage justement est bon en capitaine Antonio Corelli. Comme je le disais, il y a beaucoup de surenchère dans son interprétation mais ça ne m'a quand même pas dérangé. Ça colle plutôt bien à l'idée que je me faisais de son rôle et j'ai bien aimé le voir évoluer. C'est peut-être pour ça aussi que je regrette qu'on est totalement remanié toute la fin du livre car j'aurais beaucoup aimé voir comment l'acteur aurait incarné ce passage (je ne veux pas trop en dire car je risque de spoilers et j'en ai sans doute déjà trop dit, je suis désolé).
Penelope Cruz est également très bonne dans la peau de Pelagia. L'actrice incarne bien le tempérament de feu que possède son personnage. Elle réussit même à rendre Pelagia un peu plus sympathique là où dans le livre, je trouve quand même qu'à plusieurs moment elle n'est pas totalement correcte surtout vis à vis de Mandras. Dommage que le scénario assagisse un peu son personnage au fur et à mesure que l'intrigue avance car la comédienne apporte beaucoup de chaleur et de caractère à Pelagia.
Christian Bale quant à lui ne m'a pas semblé totalement à sa place en Mandras. Attention, comme à son habitude, il est excellent seulement voilà, il est aussi beaucoup trop charismatique (il n'y à qu'à voir la fin du film) et je le regrette car dans le livre, il va quand même loin dans la stupidité, encore plus que ce que le début du film nous fait entrapercevoir. Pour lui aussi je regrette le côté gentillet et lisse choisi par le long métrage car l'issue de son personnage dans le roman est si dure, que j'aurais bien aimé pour lui aussi voir comment il aurait interprété ce passage.
John Hurt en Docteur Lannis est lui aussi excellent. Il complète à merveille ce casting déjà très bon et joue son personnage comme je me l'étais imaginé. C'est sans doute le rôle que j'ai le plus apprécié de voir prendre vie à l'écran car malgré la relecture du scénario, son personnage est celui qui colle le plus à l'esprit qu'il pouvait posséder dans le livre. J'aime vraiment beaucoup son rôle au point que je regrette même de ne pas en voir plus. Et là encore, même si je la comprends, je regrette l'issue de son rôle dans le film. Ce côté gentillet aura vraiment fait perdre en intensité dans cette histoire puisque même inconsciemment, je ne peux pas faire abstraction de ce que j'avais pu lire.
Il y a aussi David Morrissey en Capitaine Gunther Weber. Le comédien montre de bonnes choses mais son personnage est vraiment trop sous-exploité. Il y avait du potentiel pourtant. Ce n'est pas pire que Piero Maggio dans le rôle de Carlo. C'est un personnage très important dans le livre, il a même des chapitres qui lui sont consacré et ici, il est transparent. L'acteur fait le boulot mais comme on ne l'exploite pas, il devient quasiment inutile et on ne comprend ainsi pas son geste final qui a pourtant une grande signification. Ce geste dans le roman est d'ailleurs plein de tendresse et de force également.
Je pourrais citer aussi Irène Papas en Drosoula dont on n'exploite pas non plus totalement le potentiel. L'actrice correspond pourtant bien à l'image que j'avais mais pour elle aussi il y a un paquet d'élément qu'on a zappé. C'est un choix... Bon ça n'empêche pas de toute façon cette distribution d'être très bonne. Parmi les rôles secondaires, je retiens aussi Gerasimos Skiadaressis en Stamatis ainsi que Joanna-Darla Adraktas en Lemoni jeune (un autre rôle qui me frustre dans sa sous-exploitation...).
Après "Indian Palace" sorti récemment que j'avais bien aimé, c'est le deuxième long métrage de John Madden que je découvre (un de ses quatre il faudrait que je me programme "Shakespeare in love"). Une nouvelle fois, j'ai beaucoup aimé le travail qui a été fourni. La réalisation est très propre avec de très bons cadres et des prises de vues assez bien pensé. C'est un peu trop gentillet (à l'image du scénario), ça manque de gros passages épique pendant cette guerre qui nous mettent sur le cul mais il y a malgré tout des scènes plutôt bien foutues.
Le film a beau durer un peu plus de deux heures, je ne me suis jamais ennuyé. Les coupes dans ce récit auront au moins servi à ça avec du coup un montage assez dynamique. C'est trop rapide, il y a des moments qui auraient vraiment mérité d'être plus développés mais l'ensemble s'avère fluide et très agréable à suivre. Peu de scènes m'ont paru foncièrement inutiles. Bien au contraire, je suis même plus déçu qu'il en manque un paquet et quitte à faire crier les détracteurs de ce film, si cela aurait pu nous faire gagner en lyrisme et donner une dimension plus épique au film, je n'aurais rien eu contre une version qui dure un peu plus longtemps mais qui se rapproche plus de l'esprit du roman. De toute façon, j'ai pas trop senti de longueurs donc la durée ne m'a vraiment pas gêné.
Les différents décors sont eux aussi magnifique. L'île de Céphalonie est un personnage à part entière dans le livre. Ici, elle n'a peut-être pas une place aussi importante mais elle n'en reste pas moins non négligeable. L'île est vraiment d'une très grande beauté avec une photographie que j'ai trouvée sublime ainsi qu'une lumière chaleureuse qui nous donne envie à nous aussi de faire partie des habitants. Le contraste entre la beauté et la quiétude de cette île face aux atrocités de la guerre rend le paradoxe de la situation encore plus saisissant.
Les costumes sont eux aussi pas mal du tout. Il colle bien avec les différents personnages et leurs caractères tout en nous plongeant dans l'époque de son action. L'ensemble m'a semblé bien crédible à mes yeux. Quant à la bande originale, elle est composée par Stephen Warbeck et est également magnifique. La musique se devait d'avoir une part importante dans ce long métrage et ce fut le cas. J'ai notamment beaucoup aimé la chanson de Pelagia dont la mélodie est telle que je me l’étais faite dans ma tête (le livre est par moment très musical je trouve). "Ricordo Ancor" est d'ailleurs bien interprété lors du générique de fin par Russell Watson.
Pour résumer, "Capitaine Corelli" est un très bon film. J'aurais même pu le trouver encore meilleur si je n'avais pas lu auparavant le livre original de Louis De Bernières que j'aime beaucoup. Connaître ce roman a forcément joué, même inconsciemment, sur mon appréciation finale. Maintenant, malgré tout, j'ai quand même passé un bon moment. Le temps est passé assez vite et j'ai aimé "vivre" cette histoire que je m'étais imaginé lors de ma lecture. Le film me fait même aimer encore plus le livre. C'est regrettable qu'il y ait eu autant de coupes et un remontage du récit un peu brutal par rapport au récit d'origine. Dommage que ce soit trop gentillet, trop lisse et que l'on s'attarde plus sur la romance que sur le drame. Je comprends du coup la grande frustration que j'ai pu lire chez certains amateurs du livre. Maintenant, en tant que simple divertissement cinématographique, c'est quand même très agréable et appréciable je trouve avec des acteurs très bons (je conseille fortement la version originale pour ce film) ainsi qu'une mise en scène de John Madden bien soigné. Un film prévisible mais efficace que je pourrais revoir en tout cas je pense même si il ne surpasse jamais son modèle.
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