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Critique – Manos sucias

Publié le 28 mars 2015 par Avisdupublic.net @avisdupublicnet

Avant de rentrer dans le coeur de Manos sucias, faisons un peu la lumière sur la naissance du projet. Pour cela, il faut remonter en 2006. Avec une amie, le réalisateur de Manos sucias voyage en Équateur, est marqué par les villes à l'abandon, laissées en pâture aux pires délinquants. Josef Wladyka, dont Manos sucias est le premier long-métrage, visite ensuite la base navale de Malaga (en Colombie) au mois de Février 2010, et s'approprie alors un sujet méconnu : celui des torpilles récupérées par les trafiquants de drogue, et qui servent au transport de celle-ci. Manos sucias se dessine alors dans l'esprit de son réalisateur, qui va arpenter la région pendant pas moins de deux ans afin de recueillir le plus de témoignages possibles. Après s'être rendu compte à quel point le quotidien des habitants de cette région est conditionné par le crime organisé, le metteur en scène de Manos sucias décide d'en faire un film. Loin, très loin de ces œuvres glorifiant le monde des trafiquants. Le projet est solide, malheureusement l'argent ne tombe pas du ciel pour Manos sucias, alors ce dernier passe par la case Kickstarter, où il réussit à réunir un peu plus de 60 000 dollars. Avec en prime le soutien de Spike Lee, directeur artistique à la NYU (l'école où s'est formé Josef Wladyka), Manos sucias peut être produit, et aujourd'hui atteindre nos écrans grâce à Pretty Pictures.

Buenaventura, ton univers impitoyable.

Manos sucias, c'est l'histoire de Delio (Cristian Advincula) et Jacobo (Jarlin Martinez), deux garçons à peine adultes, et déjà mangés par Buenaventura, la ville la plus dangereuse de Colombie. En recherche d'argent, les deux hommes bien plus proches qu'il n'y paraît, sont embauchés par un trafiquant de cocaïne (Hadder Blandon). C'est ainsi que les trois âmes embarquent sur une minuscule embarcation, avec une centaine de kilos de drogue cachée dans une torpille, laquelle est attachée au bateau avec un simple crochet. Comme seule couverture pour leur activité criminelle, ils disposent d'un filet de pêche. Delio, le plus jeune, montre une attirance pour les armes, tandis que Jacobo semble plus réservé. L'équilibre est précaire dans Manos sucias, jusqu'à ce que le trafiquant, ouvertement raciste, fasse tout basculer...

Critique – Manos sucias
Le trafic ce n'est pas sexy.

On l'aura compris, Manos sucias se situe loin, très loin de toute envie d'idéaliser le crime organisé. On n'est pas dans le bling-bling et le concours de qui aura la plus grosse chaîne en or, cependant Manos sucias n'oublie pas que certains clichés s'appuient sur une réalité de terrain. A Buenaventura, les ados adorent le foot, rêvent de monter des groupes de rap, et se retrouvent dans des fêtes à danser dans des clips MTV. Le tout baigné dans des conditions de vie qui feraient passer certains de nos quartiers les plus défavorisés pour des villas hollywoodiennes luxueuses. Dans cette ouverture de Manos sucias, on fait la connaissance de Delio, tout jeune homme de dix-neuf ans, et déjà face à des problématiques qui le poussent à devoir se vendre à un trafiquant de drogue. Delio est plein de fougue, d'envie, il dévorerait le monde en costard-cravate s'il avait eu une autre naissance. Mais il se retrouve chez ce trafiquant de cocaïne, face à Jacobo qui postule pour la même mission. Ce dernier, plus âgé, paraît plus sage et surtout a visiblement expérimenté la force destructrice des grands drames que peut réserver la cruelle Buenaventura.

Des plans à couper le souffle !

Critique – Manos sucias
Delio, Jacobo et un trafiquant sont dans un bateau.

Ce début de Manos sucias pose les bases de ce qui en fera un véritable festin visuel. Car Manos sucias est bougrement beau. Il faut voir ce plan séquence complètement dingue, un suivi de Jacobo et Delio, accompagnés d'un intermédiaire qui les mène au taudis d'un autre représentant du trafic. Caméra à l'épaule, alors que les personnages parlent musique, on pénètre dans un monde qu'on ne peut imaginer. C'est dynamique, le mouvement est évidemment chaotique mais ça rend tellement bien, ça véhicule tellement d'émotions. Et cette caméra portée est la base de Manos sucias. Josef Wladyka l'utilise non seulement pour son côté énergique, mais aussi pour coller au plus près des personnages. Car si Manos sucias est parfois une véritable claque visuelle, bien aidé par des décors somptueux, le film est surtout l'occasion d'une histoire très prenante, et se concentre avant tout sur la relation entre les deux post-adolescents.

Alors que Jocobo, Delio et un troisième larron trafiquant s'embarquent dans un véhicule flottant qui mérite à peine le nom de bateau, on se doute que les deux jeunes hommes se connaissent mieux que ce qu'ils veulent bien dire. Bientôt, on en sait un peu plus sur la nature de leur relation, et alors Manos sucias fait toute la lumière sur sa véritable intention. Non, Manos sucias n'est pas seulement un film sur le milieu de la drogue... en fait il ne l'est pas du tout. On ne voit pas de cocaïne, ou seulement au détour d'un plan dans le dernier quart. Non, Manos sucias est plutôt un film sur ce que l'abandon des quartiers très pauvres peut créer de plus dommageable pour les âmes qui y vivent. L'intrigue rapproche Jacobo et Delio au terme d'un événement douloureux, qui va les projeter aux commandes de l'embarcation. Ils vont devoir mener à bien cette expédition criminelle, et en même temps se dire certaines choses, s'ouvrir l'un à l'autre.

Sans soucis, c'est Manos sucias.

Le rythme de croisière de Manos sucias est bon, bien aidé par un casting convaincant. Grosse mention aux dialogues, qui sonnent juste, digressent juste ce qu'il faut pour être à la fois sympathiques et utiles au récit. Puis arrive le climax de Manos sucias, qui met Delia et Jacobo dans une très mauvaise posture. C'est au sein de cette partie de Manos sucias qu'intervient un regret autour d'un personnage, qu'on ne dévoilera pas mais qui manque un peu de cohérence. Cet ultime acte de Manos sucias réserve plein de très belles choses, notamment une poursuite en chariot d'une splendeur retentissante, mais on ne peut s'empêcher de déplorer une ou deux réactions pas vraiment logiques. On comprend la portée symbolique que cette soudaine attitude apporte, puisqu'elle met l'un des personnages face au sens réel de ses fantasmes d'ado gangster. Mais on aurait aimé plus de rigueur dans l'écriture dans cette dernière partie. Qu'on s'entende, Manos sucias, malgré cette petite retenue sur la fin, est une des découvertes majeures de cette année 2015, qui sait toucher universellement sur un sujet des plus graves. Des films comme Manos sucias, on en demande plus souvent !

Manos sucias, les bonus.

Pour voir la bande-annonce, c'est sur le site de Le site officiel de N'hésitez pas à lire d'autres critiques de Pretty Pictures, le distributeur de Manos sucias. Manos sucias, c'est par là. Manos sucias, notamment chez Inglorious Cinéma ou Filmdeculte.

Manos sucias est une excellente surprise, qui prouve encore une fois à quel point le world cinema mérite qu'on le découvre.

  • Mise en scène étonnante.
  • Mais quels décors !
  • De bons personnages.
    Une ou deux incohérences sur la fin.

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