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Solitude de l'audionaute de fond (11)

Publié le 30 mars 2015 par Novland

22 mars 2015. Ce printemps sera velvetien ou ne sera pas. On commencera par deux performances live, Tahlia Zedek chante un 1926 aux accents héroïniens, Steve Wyn rescapé miraculeux du syndicat du rêve, nous rappelle l’effet euphorisant des amphétamines. Entrain venimeux pour l'une, trottinant pour l'autre. On restera velvetien en écoutant le plus beau titre d'Acetone (Louise), ce grand petit groupe tout autant écroulé qu'oublié (R.I.P Richie Lee).

23 mars 2015. Vernom Wray – Wasted (2011) Vernom Wray était le frère aîné de Link Wray qu'il accompagnait à la basse et à la guitare rythmique. En dehors d'accompagner son frère il bricolait des studios d'enregistrement impromptus un peu partout (l’épicerie de la famille Wray, le garage de la famille Wray, un hangar délabré appartenant à la famille Wray, un ancien poulailler appartenant au redneck du coin). Il y inventait des machins, des bidules et des techniques de studio au petit bonheur la chance (ce n'est pourtant pas Vernom mais Link qui un jour prit l'idée de percer son amplificateur avec un stylo inventant par la bande l’effet fuzz, le garage rock et le heavy metal. Réécoutez Rumble l'hymne des vrais délinquants juvéniles). Entre la fin des années 50 et le milieu des années 60 les frères Wray produiront un kyrielle de titres plus croquignolets les uns que les autres, disséminés ici où là sur quelques labels plus épars les uns que les autres ils forment un ensemble que tous les vrais aristocrates du rock connaissent comme leur poche percée. En 1972 un brin de lassitude se faisant sentir chez Vernom. il déménage d'Accokeek, le patelin où vivait le clan Wray dans le Maryland pour Tucson en Arizona. Il y bricole assez vite un nouveau studio à partir d'un magnétophone 3 pistes upgradées en 8 pistes. C'est sur ce matériel qu'il enregistre Wasted un album pour lui-même, un private-press qui tient plus de l'ébauche et du brouillon que de tout autre chose. Le résultat est pourtant magnifique, un météorite country rock lumineux comme on en croise peu. Link, invité pour occasion, tient une guitare plus retenue que tapageuse, l'autre frère Wray Doug tambourine tranquillement tandis que Vernom distille quelques touches de piano tout en chantant avec une voix trempée dans le miel. Humeur champêtre, pâte humaine et panthéisme Il est bien possible que des chansons comme Reaching Out To Touch, Lonely Son ou Facing All The Same Tomorrows vous fasse un entrevoir un début d’éden musical pour ce qui me concerne sachez qu' elles me vont droit au cœur.24 mars 2015 Chuck Willis – The King Of the Scroll Il y a deux Chuck Willis qu’on ne cesse de soupeser, sur la balance posé sur le côté droit, un convaincant blues shouter à la voix forte et robuste, posé symétriquement sur le côté gauche de la même balance, un crooner doux et vulnérable, un blues balladeer souple et attentionné. Chose curieuse le massive et le fin pesant strictement le même poids la balance reste stoïque. Tout cela serait très simple dans le meilleur des mondes impassibles s’il n’y avait, en fait posé à côté de la balance, un troisième Chuck Willis, un magistral songwriter ; l’un des plus beaux façonneurs R & B fifties. Il suffit d’écouter ses disques pour s’en convaincre : deux, trois compilations disponibles sur le marché et le tour est joué… voilà des joyaux à foison : CC Rider smash hit définitif, irrésistible adaptation d’un maussade classique blues-folk, des ballades angoissées : Don't Deceive Me (Please Don't Go), It's Too Late (repris par Buddy Holly, Charlie Rich, et Otis Redding..) du métaphysique : I Feel So Bad (repris par Elvis Presley et Otis Rush..) et pour finir du joyeux, l’étonnant chant du cygne Hang Up My Rock & Roll Shoes dernier titre enregistré, magnifique (précurseur) comme du Elvis vraiment noir… mais en mieux que ce que j’en dis… Tout Chuck Willis est presque dans ses disques, tous sauf les histoires : le turban qui lui vaut d’être surnommé The Sheik Of The Blues, le scroll cette danse qu’il invente son passage de Okeh records à Atlantic records (ne pas oublier que nous sommes à Atlanta, c’est important) et puis le destin, le vrai, le sombre destin… ulcère, péritonite, opération… il ne se réveille pas, mort en 1958, il avait 30 ans… Quand on songe à un autre roi, l’Elvis blanc, majestueusement trépassé sur un bien incertain trône 20 ans plus tard, il y a de quoi rester songeur... et vigilant question tuyaux ! (I Remember Chuck Willis (1963) Stroll On : The Chuck Willis Collection (1994) Wails! The Complete Recordings, 1951-1956 (2003)) 25 mars 2015 The Monochrome Set – Space Everywhere (2015) J’aime beaucoup Bid (ce faux vrai prince hindou) pourtant j'ai écouté son nouveau disque avec une indifférence polie, préférant tourner autour de mon canapé tout effectuant de petits sauts capricants, qui m’ont derechef fait oublier tout à fait ce que j'étais censé écouter. Ce désintérêt latent tient certainement plus de moi, de mes synapses endormies qui ne sont plus vraiment en mesure d'apprécier ce type de musique, cette pop subtile et maniérée avec des lyrics ironiques, que de tout autres choses. Il faut dire qu'en dehors de moi et de mes perceptions diverses et avariées, Bid semble avoir définitivement fait le tour de son territoire et qu'à présent il s'auto cite avec le clin d’œil goguenard du vétéran sur le retour. Dans un élan purement nostalgique, et dans le but de retrouver le Monochrome Set que j'aime vraiment, j'ai donc réécouté les premiers efforts du groupe rassemblés dans la compilation Early Recordings : 1975 – 1977 White Noise, ils m'ont globalement ravi et j'ai cessé de tourner autour de mon canapé tout en sautillant bêtement. Bid y est relâché comme un Ray Davies mollasson, les guitares trottinent dans les barbelés, le batteur martèle métronomiquement, tout est parfait.. (En complément le meilleur titre de Monochrome Set : Eine Symphonie Des Grauens, basse flanguée et raideur post-punk, mieux que Murnau, ou presque). 26 mars 2015 Deux séances historiques, Lester Young, Gerry Mulligan et Billie Holiday, pour la première, Lester Young, Coleman Hawkins, Charlie Parker et Ella Fitzgerald pour la seconde. Deux filles « années folles », Lee Morse et Anette Hanshaw. Deux grands songwriters qui se font chanter eux-mêmes, Frank Loesser et Johny Mercer (on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même), le piano de Duke Ellington (This is not piano, this is dreaming). Que demandez de plus? 27 mars 2015. Milton Nascimento – Courage (1968) L'un des plus beaux disques de Milton Nascimento, des arrangements phénoménaux, cuivres, cordes, orgue (Herbie Hancock au piano) et cette voix extraordinaire, une sorte de plainte frôlant le surhumain, une voix blanche ou l’absence de vibrato caractéristique de la Bossa Nova s’allie paradoxalement à un lyrisme débordant. Expérience étonnante. (S'agissant de Nascimento vous pouvez aussi écouter l’album Travessia (1967) beau comme du Nick Drake tropical). Quelques titres récoltés au grès d'une dérive nocturne sur YouTube, la plus belle chanson de Michael Franks en version acoustique (Antonio' s song), une curiosité extraite du dernier album de Vince Guaraldi qui pour l’occasion laisse tomber son piano pour mieux saisir une guitare qui passait par là (Uno Y Uno), un titre louange et tiède du grand vibraphoniste Cal Tjader (Morning Minst) et pour s'oublier éthéré et retrouver un semblant de corps une merveille de Little Richard (I Don't Know What You've Got, But It's Got Me).



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