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Dear White People, de Justin Simien

Par La Nuit Du Blogueur @NuitduBlogueur

Note : 1/5 

Le jeune réalisateur américain Justin Simien avait trouvé un sujet fort intéressant sur lequel construire son premier long métrage, à savoir le racisme que nous trouvons encore dans les différents foyers des grandes universités américaines et la question identitaire des jeunes afro-américains qui en découle. Mais si un bon film est un film dont la réalisation adhère et sert son récit, il est indéniable alors que Dear White People est un film atrocement mauvais. 

© Happiness Distribution

© Happiness Distribution

Plutôt que de se concentrer sur le personnage de Sam – une étudiante noire se battant pour que son foyer reste une résidence réservée à la culture afro-américaine sur le campus, et animatrice de la chaîne radio et Youtube « Dear White People » – qui présente une parfaite incarnation du sujet, une construction du personnage presque aboutie et l’unique prestation d’acteur regardable, le réalisateur la noie au milieu d’une quantité de rôles caricaturaux des multiples étudiants et acteurs de la fac. Nous qui attendions de ce film qu’il combatte les préjugés, il produit un catalogue des clichés sur la population américaine et plonge vers les bas-fonds des soap opéras de la télévision. Tous les personnages sont pris au premier degré de la caricature et celui de Lionel, sensé représenter un double du réalisateur lors de ses études, devient le roi des clowns. Celui-ci se trouve coiffé d’une horrible coupe afro improbable, rappelant sans cesse à notre souvenir la présence d’un perruquier sur le plateau de tournage, et puisque que nous sommes dans une comédie, Lionel joue de ses yeux globuleux et fait les yeux ronds derrière ses lunettes environ toutes les trois séquences pour tenter de nous extorquer un rire. Nous nous étonnons de ne pas entendre des rires enregistrés à chaque fin de répliques tant le jeu et la réalisation sont très très appuyés. Le film n’obtiendra même pas la naissance d’un sourire sur notre visage dépité. 

Alors que le sujet traité sous l’angle de la comédie aurait pu être excellent en acceptant son ralliement aux comédies américaines de campus (par exemple La revanche d’une blonde) jouant des clichés pour en tirer leur comique, Dear White People souhaite se démarquer de ces succès potaches et se loupe. Dès les premiers plans, Justin Simien annonce très clairement les références indé qu’il veut donner à son film. Il opte pour des couleurs pastels, joue le ralenti et l’arrêt sur image, définie les différentes fraternités avec de jolis titres artis en surimpression et découpe même son film en chapitres avec prologue et épilogue. La mise en scène ne se cache pas de vouloir tout pomper ou presque à Wes Anderson, le film débute même sur des plans fixes très symétriques et de face évoquant directement le style du réalisateur de The Grand Budapest Hotel et La vie aquatique ; mais n’est pas Wes Anderson qui veut et le fossé est vertigineux entre les deux réalisateurs. 

Comme les personnages sont terriblement faux, surfaits et inutiles, la mise en scène est m’as-tu-vu, gauche et impersonnelle. Les cadres sont indéniablement laids et grossiers (quand ceux d’Anderson sont la précision et la perfection même). Nous avons droit au reflet dans le miroir pour le dialogue, aux champs-contre champs décadrés, au suivi de la main pour une action 100% inutile, au plan symétrique mais au sujet décentré dans l’horizontal, au plan à contre jour pour un effet silhouette devant une fenêtre, une lampe, une baie vitrée, etc. Nous avons l’impression que Simien a lu tous ces effets dans le petit manuel du film indé cool et qu’il nous recrache la liste telle quelle. Il prend le parti d’une esthétique qu’il ne maîtrise pas et qui ne sert ni son sujet ni son ambition comique. 

© Happiness Distribution

© Happiness Distribution

Nous devions déjà nous montrer très motivés pour suivre le sujet du racisme dans le dédale d’histoires sur la quête de célébrité, l’argent, et les amourettes des uns et des autres, mais le réalisateur fait en plus le choix d’un montage barbare, coupant et regroupant les séquences sans justification apparente. Nous voilà donc jonglant avec différents dialogues, différents personnages dans différents décors, basculant d’une scène à une deuxième, à une troisième, retournant à la première puis à la quatrième pour revenir à la deuxième et ainsi de suite jusqu’à ce que le jongleur perde toutes ses balles et renonce à essayer d’y comprendre quelque chose. 

Il semble que tout soit fait pour tuer le sujet dans l’oeuf ; mais alors pourquoi faire ce film ? 

La question reste en suspens. 

Pour achever de bombarder son film des pires exemples de réalisation, Justin Simien le bourre de musiques extradiégétiques de type ascenseur et/ou répondeur. Cela ayant pour effet de créer une sensation de nappe musicale d’ambiance en continu, sans aucun design sonore ni narration musicale.

Ces remarques sont autant de raisons de ne pas voir ce film affligeant pour le combat contre le racisme et celui des cinéastes pour l’art ; et autant de raisons de se demander pourquoi ce film à la réalisation totalement déplorable a reçu le prix du jury au Sundance Film Festival. 

Marianne Knecht

Film en salles depuis le 25 mars 2015


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