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[Critique] Whiplash

Publié le 04 janvier 2015 par Pauline R. @Carnetscritique
[Critique] Whiplash

de Damien Chazelle.

Sorti le 24 décembre 2014.

Whiplash est le titre du morceau emblématique que répète le big band de jazz d'un célèbre conservatoire de New York. Andrew (Miles Teller), jeune batteur étudiant en première année, est recruté pour jouer dans l'orchestre. Il se heurte immédiatement au charismatique Terence Fisher (J.K. Simmons), qui dirige ce big band. Le chef d'orchestre, haïssable, assène des réflexions meurtrières à Andrew pour le pousser dans ses retranchements. Le film parvient à maintenir le suspense jusqu'au bout: l'acharnement de Fisher va-t-il pousser Andrew à devenir le plus grand batteur contemporain, ou succombera-t-il à la violence psychologique que lui inflige son mentor ?

Loin des films plutôt sages sur le jazz, des biopics précis et fidèles, Whiplash est un véritable choc, un drame psychologique, dont la tension constante et maîtrisée nous pousse nous aussi à bout. Le big band est ici un champ de bataille, administré de manière militaire et totalitaire. Fisher a une emprise sur tous ses joueurs, qui lui obéissent au doigt et à l'œil, le craignent et peuvent être à tout moment, sur une simple fausse note, éjectés du band. La confrontation entre Andrew et Fisher vire au duel psychologique, au thriller haletant. Nous sommes les témoins impuissants des humiliations dont Andrew est victime, de ses doigts qui saignent et mouchètent la caisse claire à force de travailler un double swing assassin. La tension est constante et palpable. L'image, elle, hypnotisante, chaude et contrastée comme l'ambiance d'un cabaret de jazz. Damien Chazelle parvient à filmer les musiciens de manière très intime. Un trompettiste se chauffe les lèvres dans son embouche, un saxophoniste humecte son anche. Ce sont des gestes très rarement filmés. Le réalisateur manie également parfaitement le montage, tant pour souligner l'affrontement des deux hommes que pour montrer l'orchestre en train de jouer.

J.K. Simmons, crâne rasé, constamment habillé de noir, incarne le mentor rigoureux et inflexible, mais aussi d'une extrême perversion. L'acteur jubile dans ce registre. Sa performance d'acteur est d'une puissance colossale mais également incroyablement inquiétante. Miles Teller, bien qu'il ait déjà pratiqué la batterie, a dû reprendre des cours quotidien pour arriver à assurer lui-même les séquences " musicales ", filmées de très près, avec beaucoup de plans rapprochés, qui n'autorisaient en aucun cas l'utilisation d'une doublure. Comme pour son personnage, l'engagement est total et physiquement extraordinaire. Damien Chazelle insiste sur la souffrance physique du batteur. Teller parvient avec finesse à donner une épaisseur au personnage. Il permet ainsi au réalisateur de jouer sur le contraste entre la sensibilité d'Andrew et sa volonté de s'endurcir, de réussir, et l'autorité de Fisher incarné par J.K. Simmons.

Si Whiplash est la révélation de la fin de l'année 2014, il n'est pas un parfait inconnu : le film a obtenu le Prix du Jury au Festival de Sundance 2014 et reçu le Grand Prix ainsi que le Prix du public au dernier Festival du cinéma américain de Deauville. Longue vie encore à ce petit bijou ! Il ne serait pas étonnant qu'on entende parler de lui aux prochains Oscars...

Pauline R.


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