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Loto-Québec: Blocage des sites de casinos - La neutralité du Net n'est pas menacé mais...

Publié le 11 avril 2015 par Alain Dubois

blocage-site-gambling_.jpgLe gouvernement du Québec se serait enfin décidé à s'attaquer aux sites privés de jeux d'argent et de hasard en ligne qui offrent leurs produits sur le territoire Québécois. Le gouvernement Couillard souhaite modifier ses lois pour donner à Loto-Québec le mandat d’établir la liste des sites et les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) tel que Vidéotron et Bell auraient l’obligation de bloquer l’accès à ceux-ci. C'est la Régie des alcools, des courses et des jeux qui serait responsable de superviser l’application de ces mesures d'endiguements de l'offre de jeu dite «illégale».

La liberté du réseau Internet n'est aucunement menacé

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Plusieurs experts, dont Michael Geist, un avocat ontarien spécialisé en droit d'Internet et Clément Gagnon, spécialiste en sécurité informatique, crient au loup en affirmant que cette mesure serait illégale, menacerait la liberté d'expression et la neutralité du réseau (de l'Internet). Tout d'abord ceux-ci se gardent de mentionner que ce sont des sites marchands et que leurs activités (gambling) tombent sous le Code criminel canadien et qu'à ce titre le gouvernement du Québec peut (et doit) faire appliquer le Code criminel sur son territoire y compris sur Internet et dans tous les autres médias (télé, journaux, radio, etc.). Que l'Internet soit de juridiction fédérale n'y change rien. Déjà les gouvernements des provinces canadiennes interviennent sur la Toile en fermant des sites ou des pages web (pornographie infantile, sites haineux, terrorisme, vente de drogue, etc.). Il y a quelques années, j'ai dû, suite à une ordonnance de non-publication d'un tribunal, restreindre mes activités sur un blogue dédié au recours collectif intenté à Loto-Québec par des victimes des loteries vidéo. Les lois québécoises et le Code criminel s'appliquent à l'ensemble des médias y compris sur Internet.

Au cours de ces 15 dernières années, j'ai eu des échanges avec des officiers de la GRC sur les activités de jeux sur Internet. Voici un extrait d'une correspondance que j'ai retrouvé et qui date de l'année 2006

«Pour ce qui est des juridictions auxquelles vous faites référence, prenez note que le jeu est régi par les instances provinciales et que les provinces ont la main mise et sont les premiers intervenants dans ce domaine.»

Dans tous mes échanges avec la GRC et des autorités fédérales, on me répétait la même chose, en résumé «c'est au gouvernement du Québec de mettre ses culottes et de faire appliquer le Code criminel. Les contestations judiciaires évoquées par Geist et Gagnon m'apparaissent par conséquent peu probables ou du moins vouées à l'échec.

«La neutralité du réseau ou la est un principe qui garantit l'égalité de traitement de tous les flux de données sur Internet. Ce principe exclut ainsi toute discrimination à l'égard de la source, de la destination ou du contenu de l'information transmise sur le réseau.» (Wikipedia)

La neutralité du Net ne signifie pas que l'on ne doit pas y intervenir pour mettre fin à des activités illicites, criminelles ou terroristes. L'important est, avant tout, d'y préserver: l 'architecture actuelle; la liberté d'accès et d'expression et n'est pas ça qui est cela qui est en cause ici.

Le problème n'est pas que c'est sites soient accessibles, mais plutôt que leurs propriétaires offrent illégalement leurs produits dans un pays ou cette activité est sous le contrôle étatique des provinces et encadré par des lois et règlements qui leur interdit de le faire.

Faute d'un accord de libre-échange planétaire sur le gambling en ligne (sic) cette activité économique demeure sous la juridiction des États. Les États-Unis et de très nombreux pays européens, dont la France ont appliqué ces dernières années des mesures d'endiguements pour contrer l'offre illicite de jeux en ligne sur leur territoire y compris le blocage de sites. Contrairement à ce que prétend la chercheuse Louise Nadeau, qui fait écho au discours de l'industrie, les mesures d'endiguements mises en place dans plusieurs pays ont eu un impact dévastateur sur les sites offshores qui offraient leurs produits sans l'autorisation des gouvernements des pays concernés. Il est vrai, cependant, que ces mesures peuvent être contourné par l'industrie (multiplication des portails), les joueurs et que leur efficacité varie d'un pays à l'autre et dépend en bonne patie des moyens mis en place pour les appliquer. Néamoin, leurs impacts demeurent très significatifs. Une chose est certaine, une offre de jeu étatique et/ou régulé ne peut pas être viable économiquement sans de telles mesures.

Le problème de l'illégalité est ailleurs...

En fait, le problème de l'illégalité est ailleurs et se situe dans le désir exprimé par le gouvernement de privatiser partiellement ou totalement le jeu en ligne en cédant son monopole a des compagnies privées qui en contrepartie lui remettraient un pourcentage de leurs profits (taxe, dividende?). À ce titre, l'actuel Code criminel est clair, les jeux de hasard et d'argent doivent être gérés et administrés par les provinces. Je ne crois pas que cette obligation légale peut être délégué à des compagnies privées qui empocheraient la plus grande part des profits et ce, d'autant, qu'elle a été mise en place par le législateur afin de garantir l'intégrité des jeux offerts au Canada et de s'assurer que les profits reviennent aux provinces. Mais le Code criminel peut être modifié et il se mène actuellement à Ottawa, une très intense activité de lobbying (1) afin que le gouvernement canadien modifie le Code criminel en l'avantage de l'industrie privé du gambling . S'il n'y pas de changement, il sera intéressant d'envisager de tester la légalité d'une éventuelle privatisation du gambling étatique en intentant des poursuites criminelles privées contre les différents acteurs de cette privatisation.

Une idée saugrenue

Enfin, l'idée de laisser à Loto-Québec le soin de faire la liste des sites à bloquer est saugrenue et témoigne d'un manque de jugement de la part du ministre Carlos Leitao. Loto-Québec s'exposerait inutilement à être accusée d'être en conflit d'intérêts. Ce mandat devrait être attribué à la Sureté du Québec, en France c'est le service (police) des douanes qui a cette responsabilité ainsi que celui de veiller à son application. Il serait judicieux que le gouvernement du Québec emprunte aussi cette voie et ce d'autant que la multiplication des intervenants qui de faire perdre de l'efficacité au processus. N'oublions pas, non plus de souligner que de nombreux dirigeants de Société de gambling étatique y compris de Loto-Québec se retrouvent aujourd'hui dans l'industrie privé du gambling, entre autres chez Amaya (PokerStars) et Boss média.

En fait, cette idée de laisser à LQ un tel contrôle me rend méfiant. Ces dernières années Loto-Québec a retiré au laboratoire judiciaire de la SQ le mandat de vérifier l'intégrité des jeux électroniques et le gouvernement a retiré à la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) celui de les autoriser… Loto-Québec est très probablement la Société d'État la moins transparente et son fonctionnement en vase clos risque tôt ou tard d'éveiller la suspicion…

(1) Au Québec cette activité de lobbying est aussi importante depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement Couillard. Elle semble avoir porté fruit, car le projet de privatisation du jeu en ligne étatique correspond à une demande de l'industrie. Lire aussi mon billet précédent Privatisation du jeu en ligne à Loto-Québec et paris sportifs...


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