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JUSTICE / SOCIÉTÉ > Outreau : les chercheurs de vérité

Publié le 14 avril 2015 par Fab @fabrice_gil
L’avocat pénaliste Eric Dupond-Moretti, surnommé Acquittator dans les prétoires, s'était insurgé sur Europe1 (le 5 mars 2013), contre la sortie en salle d’un documentaire relatif à l'affaire d'Outreau, le qualifiant d' "absolue malhonnêteté". Et si l’avocat se trompait ? Le film Outreau, l'autre vérité, proposé pour la première fois au grand public (le jour suivant), donne la parole à une vingtaine d'acteurs et de témoins de l'affaire, parmi lesquels deux enfants victimes et des avocats. Le juge Fabrice Burgaud y défend, lui, son travail d’instruction très controversé à l’époque. Retour sur une affaire impossible a oublié, avant le nouveau procès.
JUSTICE / SOCIÉTÉ > Outreau : les chercheurs de vérité Outreau : les chercheurs de vérité" border="0" title="JUSTICE / SOCIÉTÉ > Outreau : les chercheurs de vérité" />Il s’appelle Jonathan Delay. Retenez bien son nom. Agé de 10 ans au moment des faits, lui, ses frères et d’autres enfants avaient subi des sévices sexuels que la France n’a pas oubliés. Les experts, les magistrats, quelques avocats l’avaient constaté : les dépositions des petites victimes étaient et restent toujours crédibles. Avec des mots très crus, des périphrases sur les manières (trad. : actes sexuels) qu’on leur infligeait, ces mêmes enfants ont raconté aux enquêteurs avec plus ou moins de réticences comment leurs parents, ou les amis de leurs parents, les ont transformés, selon les termes d’un des avocats de l’époque, en "objets sexuels" dans la cité HLM d’Outreau, la Tour du Renard, entre 1996 et 2000.
Le 5 décembre 2000, les services de la direction et de la famille de Boulogne-sur-Mer avaient alerté le parquet sur des suspicions d’abus sexuels concernant trois enfants placés, de la famille Badaoui-Delay. Questionnés sur leurs étranges comportements, les enfants avaient fini par évoquer des viols commis par leurs propres parents mais aussi par des tiers, devant leurs assistantes maternelles médusées. Une fois l’entourage de la famille Delay passé au crible, l’enquête aboutissait à la mise en cause de dix-sept adultes (dont treize acquittés à ce jour) et dénombrait dix-huit petites victimes, pour la plupart les enfants des personnes accusées. Daniel Legrand fils, l'un de ces acquittés, sera à nouveau jugé du 18 mai au 5 juin 2015 prochain devant la cour d'assises des mineurs d'Ille-et-Vilaine, près de dix ans après le verdict en appel de l’affaire. En juillet 2013, la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui a fait droit à la requête du procureur général de Douai (Nord), avait décidé de renvoyer le dossier à Rennes. Les assises d'Ille-et-Vilaine examineront les faits qu'aurait commis Daniel Legrand fils alors qu'il était encore mineur. L'acquittement dont il avait bénéficié en appel concernait des faits intervenus après sa majorité. Cherif, Dimitri et Jonathan, aujourd'hui jeunes adultes, victimes présumées de cet homme, avaient annoncé en juillet 2013 qu'ils refusaient de participer à un énième procès, n'ayant plus confiance dans la justice. Pourtant, Jonathan ne se taira pas : "Je ne parle pas qu’en mon nom. Je parle, je travaille pour être un des ambassadeurs qui suscitera l’envie de continuer à lutter contre le fléau pédophile", explique le jeune homme, décidé. "Il y a des jeunes gens aujourd’hui qui n’ont pas la parole, comme je peux l’avoir. Ou qui n’ont pas le courage de dire les choses. Je les encourage sincèrement à rompre le silence. Ce n’est pas chose facile, mais toute une vie est en jeu. Après avoir parlé, débute le premier jour du reste d’une nouvelle vie. L’existence est quelque chose de précieux. Ne gâchons rien et agissons."
Plusieurs avocats de Daniel Legrand fils ont dénoncé, lors de la décision prise par la chambre criminelle de la Cour de cassation, la tenue du nouveau procès. L'affaire d'Outreau, qui a défrayé la chronique avant de virer au "fiasco judiciaire", avait éclaté en 2001 et donné lieu à deux procès, un en 2004 devant la cour d'assises de Saint-Omer (Pas-de-Calais) et l'autre devant la cour d'assises d'appel de Paris fin 2005. Parmi les accusés, certains avaient essuyé jusqu’à trois ans de détention provisoire. Le journaliste Serge Garde (réalisateur du documentaire) affirme apporter "un autre regard", qui se veut "un décryptage d'une manipulation de l'opinion publique". Il estime que l'affaire a fait l'objet d'une "instrumentalisation par le pouvoir politique dans le but de supprimer la fonction de juge d'instruction". "… les derniers débats, les avant-dernières diffusions du documentaire ‘Outreau L’autre Vérité’ représente une étape importante avant le nouveau procès de Daniel Legrand fils, argumente Jonathan. "J’y vois des gens qui y répondent favorablement, de plus en plus. Nous n’avons pas toujours eu 'salle pleine', par le passé. Mais aujourd’hui, ce documentaire offre l’opportunité d’avoir un bel aperçu de l'affaire et de qui vient voir le film. Aujourd’hui, bon nombre de français ont une vision compliquée du dossier, vu au travers du prisme médiatique et judiciaire. Ces mêmes français  ne nous ont pas facilité la tâche, surtout au regard de nos propos qualifiés soi-disant de mensonges, mes frères et moi. C’est donc un grand soulagement de constater que les esprits se réveillent et comprennent qu’il existe une réelle manipulation derrière cette histoire. Nous avançons, c’est une bonne chose".
L’affaire dite d’Outreau a traumatisé les consciences et déstabilisé l’institution judiciaire. Jamais une affaire retentissante n’avait aussi peu divisé l’opinion publique. Comme si l’esprit critique avait été anesthésié. Dix ans après, la France s’interroge, de façon dépassionnée, sur ce phénomène submersible. Outreau, un symbole de l’erreur judiciaire ? Oui, mais il n’est pas celui qui a été dit. Aujourd’hui, Jonathan Delay se souvient de ses années difficiles : "… la vie n’a pas toujours été belle. J’en ai beaucoup bavé", confie-t’il. "Trois ans de galère, dont six mois dans la rue… Je suis passé par des épreuves psychologiques et matériels que je ne souhaite à personne. Mais laissons le négatif là ou il doit rester. Il m’arrive de très jolies choses depuis, inattendues mêmes. Aujourd’hui, je suis debout, j’ai envie de vivre, d’envisager l’avenir sereinement et réaliser des choses constructives."FG"Outreau, l'autre vérité" de Serge Garde sera diffusé jeudi 16 avril 2015 à 19h30 I Infos pratiques : Cinéma Le Brady - 39, Boulevard de Strasbourg 75010 Paris I [email protected] I droit d'entrée €8 

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