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Quartier lointain [Jirô Taniguchi]

Publié le 15 avril 2015 par Charlotte @ulostcontrol_
Hello,
Comme je vous le disais pour Un océan d'amour, il y a certains coups de coeur que j'aime garder pour moi avant de vous les présenter. J'ai besoin qu'ils décantent, qu'ils murissent, et j'ai surtout envie de les garder bien précieusement et égoïstement pour moi avant de les dévoiler au monde entier (ahem...). Je sais, Quartier lointain n'est un secret pour personne, mais quand même.
Quartier lointain [Jirô Taniguchi]
Quartier lointain, c'est l'histoire d'Hiroshi Nakahara, un homme d'une quarantaine d'années qui retourne un jour dans le village de son enfance et qui se rend sur la tombe de sa mère. Il s'allonge un instant, juste le temps de sentir le vent se lever et le ciel se voiler. Lorsqu'il se relève, le monde autour de lui est le même mais quelque chose dans l'air a changé. Il regarde ses mains et au lieu de voir des paumes ridées, c'est une peau ferme et des muscles vifs qu'il découvre. Pendant ce laps de temps indéfini, c'est comme si les feuilles des arbres avaient balayé les années pour le ramener à l'âge de l'adolescence. En effet, quand Hiroshi se réveille, il est de nouveau dans le corps de ses quatorze ans.
Tout en gardant la conscience, l'expérience et l'état d'esprit de ses quarante ans, Hiroshi revit ses expériences du passé : les repas avec son père, sa mère et sa petite sœur, la rencontre avec ses amis d'enfance, son premier amour,... Si ce retour dans le passé l'enchante et le plonge dans un univers a priori rassurant, ce voyage s'avère finalement plus angoissant et troublant que prévu. Comment agir normalement lorsque l'on sait ce qu'il va se passer ? Peut-on prendre le risque de modifier le présent en agissant sur le passé ? Le veut-on ?
Hiroshi prend rapidement conscience qu'il est en train de revivre un moment charnière de sa vie. Son enfance est en effet profondément marquée par l'absence de son père qui a disparu à l'époque sans laisser de trace et sans que personne ne sache ce qui lui est arrivé. Lorsqu'il se rend compte qu'il est sur le point de revivre cet épisode, il n'a plus qu'une idée en tête : empêcher cela à tout prix. Cette idée est présente tout au long de la bande-dessinée. Pendant toutes ces planches, on sent la perte proche du père, la menace de son absence, la peur de le perdre à nouveau, et Taniguchi nous fait comprendre sans discours magistrale et sans rhétorique à quel point la figure du père est importante, et à quel point sa perte peut être bouleversante.
On s'attache et on s'identifie au héros au-delà de toute imagination. En lisant Quartier lointain, j'ai eu l'impression que Taniguchi avait catalysé toutes mes craintes et mes angoisses pour les exposer dans ces quelques planches. En quelques pages, il m'a fait revivre l'angoisse de la vie que j'éprouvais à 17-18 ans, la peur d'y aller, de s'y jeter, de devenir adulte, et surtout la peur de ne plus pouvoir en partir, la peur de se retrouver dans un engrenage, l'angoisse du quotidien et la peur de ne pas être à sa place, d'être bloqué là, malheureux.
Oui, vous l'aurez compris, Quartier lointain c'est la métaphore du quarantenaire qui se réveille un matin en se demandant « mais qu'ai-je fait de ma vie ? dans quelle mesure suis-je en train de reproduire le schéma familial ? » et en même temps, c'est tellement plus que ça. Des livres comme ça, il y en a eu des milliers, et des milliers de mauvais, faciles, gluants de sentiments mielleux et donneurs de leçon. Quartier lointain, c'est la vie qui t'agrippe, qui te balance, qui te submerge. En lisant Quartier lointain, j'ai eu l'impression qu'on m'arrachait les tripes, qu'on me les mettait sur la table et qu'on me disait « regarde ». Cette image est affreuse et va complètement à l'opposé de toute la poésie et de toute la beauté qui se dégagent des dessins de Taniguchi, mais elle retranscrit à la perfection ce que j'ai ressenti pendant ma lecture. Cette bande-dessinée m'a émue comme aucune autre et a fait remonter en moi des sentiments que je ne connaissais pas. Comme si j'étais au bord d'un précipice de 2000 mètres, que je roulais à 200 km/h. Pour la première fois, je me suis sentie vraiment vivante juste en tournant quelques pages.
Quartier lointain [Jirô Taniguchi]Quartier lointain [Jirô Taniguchi]

Quartier lointain est un de mes plus gros coups de cœur de ces derniers mois ; cette histoire m'a bouleversée de façon tout à fait inattendue. Je vous conseille cette bande-dessinée sans retenue, et j'ai presque envie de dire que vous n'avez rien compris à la vie, que vous êtes complètement insensible et sans cœur si vous n'avez pas aimé cette bande-dessinée. (Evidemment, il faut le prendre au second degré !)Quartier lointain [Jirô Taniguchi]

Quartier lointain [Jirô Taniguchi]
Qui n'a jamais rêvé de retourner en enfance ? C'est exactement ce qui arrive à cet homme mûr, qui de retour d'un voyage d'affaires, fait un détour par sa ville natale, pour se recueillir sur la tombe de sa mère. Il est alors projeté dans le passé, où il revit une journée de son enfance, tout en gardant son caractère et son expérience d'adulte. Pour la première fois, il verra ses parents avec le regard de quelqu'un à même de comprendre. Entre nostalgie, souvenirs et magie de la mémoire, les oeuvres de Jiro Taniguchi sont toujours des invitations à la rêverie d'une grande sensibilité. Maître du manga, il en détourne les codes pour mieux se rappeler le monde de son enfance, qui constitue le coeur de son inspiration graphique.

Et vous, y a-t-il un livre qui vous a vraiment fait vous sentir vivant ? Avez-vous déjà lu Quartier lointain ou une autre bande-dessinée de Taniguchi ? Je participe cette semaine au rendez-vous « la BD de la semaine » ! Allez retrouver les autres bandes-dessinées lues par les participants sur le blog de Noukette.

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