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"Les luminaires" d'Eleanor Catton

Par Leblogdesbouquins @BlogDesBouquins

Tremblant encore du naufrage qui l’a amené, au péril de sa vie, à destination, le jeune Ecossais Walter Moody entre dans le premier bar sur son chemin. Tout le monde s’est arrêté de parler autour de lui. Il compte douze hommes, très différents, qui ont dû congréer ce soir-là pour une raison qu’il ignore encore.
Venu chercher fortune et oubli dans les champs d’or d’Hokitika, terre du bout du monde à laquelle on n’accède que par le plus meurtrier des voyages en bateau, Moody tombe sur cette étrange réunion : un homme est mort dans la montagne, assis sur des richesses fabuleuses. Sa démise est-elle liée à la disparition du prospecteur le plus chanceux de la place, Emery Staines, ou à la tentative de suicide de la prostituée Anna Wetherell ? Quel rôle a joué le sinistre Francis Carver, le capitaine balafré, dans cette intrigue tourmentant les douze hommes du bar ?Si vous n’êtes pas encore convaincus, laissez-moi un dernier argument super vendeur, de la bouche même de l’auteur, Elenaor Catton : « C’est moins long que les frères Karamazov ».Alors ?A lire ?Oui.Si vous avez déjà soupesé le Dostoïevski, vous savez à quel point il n’est pas portatif. Les Luminaires ne l’est malheureusement pas non plus. C’est un gros, gros bouquin, impossible à glisser avec nonchalance dans la poche du caban.
Mais si vous pouvez le lire sans avoir à le trimbaler, lisez-le. En plus d’un meurtre à l’ingénieuse résolution, et d’un tableau d’époque fouillé et immersif, c’est aussi un admirable tour de force : les Luminaires est un roman expérimental, travaillé par une contraignante structure. Chaque chapitre est de moitié plus court que le précédent, et comme la lune, le bouquin décroit. Les personnages denses sont dominés par l’archétype astrologique qu’ils représentent, entrant en système, s’attirant et se repoussant. De plus, Catton écrit sur 1866 comme en 1866. Comprenez une langue vieillie, mais avec adresse, et des valeurs d’une dissonance abominable, mais sans condescendance.
Néanmoins, le bouquin aurait dû s’arrêter vers la page 628, après laquelle le thème astral et l’amenuisement structurel du livre deviennent alors trop visibles et grossiers. L’intrigue est déjà dénouée, et votre esprit soufflé par la prouesse. Ce qui suit ressemble plus à un raccrochage aux branches superfétatoire qu’à la belle littérature à laquelle Catton nous avait habitués.
Pour les anglophones, je vous laisse avec cette formidable heure de lecture et d’interview d’Eleanor Catton, enregistrée il y a quelques temps à Paris chez Shakespeare and Co.
Vers la fin de l’enregistrement, Catton dit laisser tomber les bouquins ennuyeux, mais lire jusqu’à la lie les livres détestables. Les lecteurs du Blog des Bouquins se rappelleront ici ou là cette troublante attraction.

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