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Critique – La sapienza

Publié le 22 avril 2015 par Avisdupublic.net @avisdupublicnet

La Sapienza , qu'Eugène Green a choisi comme titre de son nouveau film, évoque un mot ancien, oublié, qui signifie sagesse acquise par le savoir. Mais c'est aussi le nom d'une chapelle construite par Borromini, un des personnages emblématiques du film. Borromini, l'architecte italien du XVIIè siècle, sur lequel Alexandre, architecte de renom en pleine doute sur les enjeux de ses réalisations, souhaite écrire un livre. Alors, avec sa femme Aliénor, une psychologue qui travaille sur les pauvres, il entreprend un voyage sur les bords du lac Majeur, à Stresa, la ville natale de Borromini, le créateur de la Sapienza.

La Sapienza ou les impasses d'une relation

C'est là qu'Aliénor et Alexandre souhaitent chasser les vieux démons de la vie à Paris : non seulement l'incompréhension que suscitent leurs projets professionnels respectifs, mais aussi (surtout?) l'incompréhension mutuelle qui se lit sur leurs visages, lors de ces plans fixes où chacun, face à la caméra, répond brièvement à l'autre, la regardant impassible, privé de tout sentiment, comme seule médiatrice disponible pour s'adresser encore à l'autre. La scène éloquente du repas au restaurant, censé fêter un prix décerné à Alexandre, sombre dans la communication minimale, l'absence d'émotions que la mise en scène excelle à mettre en valeur : deux verres de vin remplissent l'écran que les mains de chacun portent à leurs lèvres, puis reposent, puis ellipse, puis deux tasses de café ont pris la place des deux verres pour le même cérémonial. Le début de La sapienza confirme le talent de la mise en scène d'Eugène Green, qui multiplie les plans fixes sur des regards vides, un peu à la Kaurismaaki, où chacun témoigne froidement de l'impasse dans laquelle se débat son existence. Alors l'Italie, Stresa, Rome, Borrimini enfin s'imposent à eux comme la lumière nécessaire à clarifier la turbidité de leur relation.

Critique – La sapienza

La sapienza ou les étapes d'une lumineuse renaissance

Au cours d'une promenade, par une journée lumineuse, ils font la rencontre de Goffredo et de soeur Lavinia, qui vient de faire un de ses malaises récurrents et inexpliqués. Ils les reconduisent en taxi chez eux, sympathisent d'autant plus que Goffredo entame des études d'architecture et Lavinia fait des études de français. Aliénor propose alors à Goffredo d'accompagner Alexandre dans sa tournée d'études sur Borromini, tandis qu'elle discutera en français avec la jeune fille de l'étrange cause de ses malaises. Dès lors, La sapienza déroule deux histoires parallèles qui vont habilement se chevaucher pour dévoiler les secrets respectifs des personnages et tenter de leur faire enfin atteindre la sapienza. Des objets jouent un rôle important dans ce processus, notamment la bougie, élément lumineux que vante Goffredo à Alexandre, la lumière, un préalable sans doute à la sapienza, tout comme le français éclaire les conversations féminines et leur font découvrir leurs parts d'ombre, leur " passé qui ne passe pas ". Jouant souvent des plans fixes appelant à la confidence et ceux superbes qui nous hissent jusqu'aux coupoles célestes des chapelles baroques de Borromini (le mystique) qu'Alexandre oppose au Bernin (le rationnel), La sapienza conduit le spectateur à un majestueux parcours esthétique et spirituel à travers le baroque italien de l'époque ainsi qu' à une compréhension de ce qui freine chacun des personnages dans son élan vital, dans sa quête de sapienza. La scène finale, remarquable, les voit à nouveau porteur de projets vivants et animés grâce à cette capacité très difficile " de se débarrasser de l'inutile ". La méthode pour atteindre la sapienza?

Une autre critique sur La sapienza : http://www.atlantico.fr/decryptage/cinema-et-jeunes-avaient-quelque-chose-essentiel-apprendre-eugene-green-philippe-moisand-2061131.html


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