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Financement participatif et culture : le juste équilibre

Publié le 01 mai 2015 par Aude Mathey @Culturecomblog
 Peshkova - Shutterstock

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Face à la crise, une nouvelle économie collaborative est née et s’est développée à vitesse grand V. Grâce aux réseaux sociaux.

En France, le financement participatif (crowdfunding) fait de plus en plus d’émules. Notre pays occuperait aujourd’hui la 2ème place du podium en Europe avec 154 millions d’euros collectés en 2014.

Il existe différents types de collaboration :

  • Les dons avec ou sans contreparties/récompenses (Ulule, KissKissBankBank)
  • Les prêts avec ou sans intérêts (Unilend)
  • Les prises de participation au capital d’entreprises ou coproductions ((Anaxago, Wiseed)

En ce qui concerne la culture, outre les particuliers et petits porteurs de projets, ce nouvel outil intéresse de plus en plus les grandes institutions qui se mettent elles aussi à délaisser les acteurs traditionnels au profit de ce modèle novateur.

Un outil démocratique

Le financement participatif a indéniablement permis une démocratisation de la culture. Tous les citoyens ont aujourd’hui la possibilité de devenir mécènes. D’investir dans des projets qui n’auraient pas vu le jour autrement. Par exemple, le spectacle Son et lumières du Château du Blanc Buisson qui a réussi à collecter 5 080 € sur un objectif de 4 000 € (KissKissBankBank). Ou le projet d’exposition Paris-Berlin organisé par des étudiants qui a obtenu les 534 € sur les 300 € demandés (Ulule).

La culture n’est donc plus majoritairement entre les mains de quelques décideurs ou élus. C’est la fin d’une certaine forme d’Establishment culturel. Grâce à quelques clics, le grand public est devenu partie prenante. Acteur et non plus seulement spectateur.

La loi Aillagon du 1er août 2003[1] (qui a institué un dispositif fiscal avantageux permettant de déduire une grande partie du montant des dons) n’est sûrement pas non plus étrangère à cet engouement.

Néanmoins, démocratisation et fiscalité ne sont pas les seuls paramètres à prendre en compte. Loin de là.

Une équation solidaire

Quel meilleur remède contre l’individualisme et la morosité ambiante que de faire partie d’un projet commun ? Que « d’aider des rêves à aboutir »[2]? Nous voulons de l’humain. Une belle histoire à laquelle croire (le fameux concept du storytelling). Etre touchés pour adhérer.

Une étude réalisée par Adwise, un institut-conseil en marketing, auprès d’un panel de 2 000 donateurs du 14 au 20 octobre 2014 révèle que :

  • 91% sont sensibles aux valeurs du porteur de projet
  • 87% sont sensibles à la dimension humaine du projet
  • 29% souhaitent développer la créativité et l’innovation non financées par les banques
  • 22% souhaitent s’engager dans un projet

Ainsi, une campagne de crowdfunding réussie réside dans sa capacité à fédérer et mobiliser une communauté. Cette dernière jouera à la fois le rôle de donateurs, de consommateurs éventuels et d’ambassadeurs auprès de ses propres contacts sur les réseaux sociaux afin de lever plus d’argent.

L’un des exemples les plus incroyables est la campagne menée par le musée d’Orsay (sur Ulule) pour la restauration du tableau L’Atelier du peintre de G. Courbet. En seulement 80 jours, 155 374 € ont été collectés sur un objectif de 30 000 € !

Toutefois, malgré tous les points positifs de ce système solidaire, il me semble extrêmement important de continuer à diversifier la levée des fonds.

Poids et contrepoids

En France, les structures culturelles dépendent très fortement de l’Etat et des collectivités locales. Les baisses voire les suppressions de subventions publiques (crise oblige) et les changements de majorité aux élections entrainent des situations catastrophiques. On ne compte plus le nombre de festivals annulés, de lieux culturels fermés[3].

Pour endiguer ce flot néfaste et dommageable, les institutions culturelles ont compris qu’elles ne devaient plus majoritairement compter sur les pouvoirs publics pour les faire vivre. Elles se tournent donc de plus en plus vers le financement participatif. Néanmoins, je crois fortement que ces structures devraient surtout développer leurs propres ressources financières afin d’éviter toute nouvelle et pernicieuse dépendance envers ce modèle participatif.

En parallèle, j’ajouterai que la mutualisation des services, des achats, des moyens, etc, lorsqu’elle est bien pesée et réfléchie, est une vraie opportunité de faire baisser les coûts.

De leur côté, l’Etat et les collectivités territoriales ne doivent pas en profiter pour se désengager. En effet, qu’adviendrait-il si on tombait dans le piège de la « privatisation » de la culture parce qu’uniquement financée par le mécénat privé (entreprises et particuliers) ? Y aurait-il encore une vraie diversité de choix et un accès à la culture par tous ?

Ainsi, il est primordial de préserver un juste équilibre afin que cette fameuse « démocratisation » de la culture acquise grâce au financement participatif ne se retourne pas contre nous !

[1] Loi n°2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations.

[2] Hervé Rigody, internaute et donateur.

[3] Le 23 janvier 2015, Emeline Jersol, médiatrice culturelle pour Le Boulon, Centre national des arts de la rue situé à Vieux-Condé près de Valenciennes (Nord), a mis en ligne un outil collaboratif destiné à recenser les festivals annulés et les structures culturelles fermées depuis les élections municipales de mars 2014 : la Cartocrise. A son ouverture, la Cartocrise répertoriait 48 annulations et fermetures ; elle en compte aujourd’hui plus de 180.


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