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"Tous les hommes sont des causes perdues" – le coeur de l'angoisse

Publié le 08 mai 2015 par Joss Doszen

"A l’école j’avais assommé un camarade d’une tête de plus que moi à coup de subjonctif imparfait alors qu’il me menaçait de ses poings."

Mabrouck Rachedi - Tous les hommes sont des causes perdues

Je connais l’auteur !
Oui, je connais bien l’auteur. Non pas que l’on soit « pote de maternel », mais je pense pouvoir dire que je connais l’auteur. Je connais deux des ces précédentes œuvres («  Le petit Malik » et « Le poids d’une âme »), que j’ai eu plaisir à lire. De plus, je suis un squatteur quasi permanent de son profil Facebook et de son compte Twitter. Sans oublier son amour du tennis qui transpire souvent dans ses statuts. Et je dois avouer, que j’aime beaucoup le personnage de l’écrivain Rachedi.
Pourquoi mettre en préambule de la chronique de ce « Tous les hommes sont des causes perdues », une « proximité » d’avec l’auteur qui ne devrait pas influencer ma lecture ? Ben parce que, justement, elle l’influence…

« Le massage d’Adam lui rappelait un autre. Les formes indistinctes d’un jour se précisèrent. Des sensations d’abord, celle de la rosée sur l’herbe chatouillant ses pieds nus. Il y avait une salopette vichy, aussi horrible que son nom l’indique. »

Dès les premières lignes de ce livre, j’ai retrouvé l’auteur Rachedi que j’aime : de l’humour, beaucoup, un esprit pointu, un regard ironique et décalé et surtout, un amour des mots qui suinte de chacun des lignes de ce livre. Qui est un habitué des statuts Facebook de l’auteur retrouvera les fulgurances de l’esprit qui font l’univers de Mabrouck et, c’est jouissif.
Cependant, cependant, revenons à l’essentiel : le roman.
Dans ce « Tous les hommes sont des causes perdues », Mabrouck Rachedi nous mets pendant 24h dans les pas d’un couple, hyper amoureux, et sur le point de se marier. 24h durant lesquels Adam, le futur marié, craque et disparaît dans la nature, la tête remplie de questions sur son couple et sa vie. Simple « craquage » pré-marital ? Pas vraiment…


« Je ne voulais rendre de compte à personne. Mon sens du devoir était très relatif, mon égoïsme absolu. Loin de moi l’engagement synonyme d’obligations. A l’inverse, je me désengageais vite : mal, je voulais rester seul. Mes amis me reprochaient de souffrir en silence. Antoine, parangon de la transparence, m’exhortait à me livrer plus. Cela me libérerait. Lui, comme les autres, associait confidence à confiance. S je savais tout de lui alors il devait tout connaitre de moi. J’avais mes parades. Je ripostais qu’au capitalisme des relations humaines basé sur l’échange, je préférais le partage. La parité dans une relation étais une notions petite bourgeoise, »

Mabrouck Rachedi joue à nous rappeler que la plus part des histoires d’amour, des belles histoires de couples, sont bâties sur des malentendus et des coïncidences. D’une banalité confondante, direz-vous ? Que cet homme est un angoissé extrême, assez pathétique dans sa façon de subir sa vie ? Heu… quand la personne qui s’en rend compte est une espèce de flippette, mal dans sa vie, ayant un Oedipe tellement torturé que Freud ressurgirait de son cercueil pour écrire « Le cas Adam : de la mère castratrice à l’enfant émasculé ». Bref, quand c’est un Adam qui demande à sa Sofia « Quel est le moment précis où tu es tombée amoureuse de moi ? » et qu’il se rend compte que la vie n’est qu’une succession de malentendu, il ne se dit pas « punaise, quelle chance j’ai eu » ; il « part en cacahouète ».

Je l’ai déjà dit, ce nouveau roman de Mabrouck Rachedi est super bien écrit. Le style est plutôt dynamique, la lecture est fluide et on souri, on s’agace, on compati avec Adam. Mais aussi avec Sofia car, à la moitié du livre, on se rend compte que Mabrouck Rachedi se met dans la tête de Sofia et nous dit l’histoire de son point de vue à elle. Et nous sommes témoins de l’imbroglio, dirigé, qui a présidé à l’histoire entre Adam et Sofia. On vogue ensuite entre le cerveau de Adam et celui de Sofia et l’ironie de la situation saute aux yeux du lecteur que nous sommes.

Cette jolie histoire de vie, accompagnée par une très belle écriture, a cependant les faiblesses inhérentes à ce type de plongée dans l’intimité du couple : le manque d’envergure. C’est le seul bémol que je mettrais à mon avis et, sans doute, il est aussi dirigé par le fait que je connaisse l’auteur. Mabrouck Rachedi, le personnage public, est très concerné par ce qui arrive au monde, il s’engage, avec toujours une plume ironique, et il dénonce les travers et les dérives de nos sociétés. Et dans ce livre, on ne rencontre que le Rachedi léger, taquin, qui joue de l’anecdote pour faire sourire, parler d’amour et, je l’avoue, j’attendais peut-être une histoire qui aurait plus d’engagement, un regard plus présent sur les problématiques qui touchent nos sociétés. Le conteur est très bon, le conte est un ton en dessous. Mais cette fin…

Vous l’avez compris, J’ai passé un excellent temps de lecture et j’ai aimé le dernier opus de Mabrouck Rachedi. Courrez vite vers ce livre !

« Laurent, un ex, m’avait embrouillée de cette façon. Nous étions ensemble depuis une semaine et il s’interrogeait déjà sur notre avenir. Cela n’avait été qu’un faux-semblant pour m’annoncer que notre relation était terminée. Je n’envisageais rien de sérieux avec lui, mais ce qui m’avait frappée, c’est que Laurent m’avait invitée dans un restaurant hors de prix pour nous à l’époque, étudiants habitués au Resto U et au Mc Donald. La lâcheté masculine se double de la volonté d’en mettre plein la vue à celle qu’on largue. Une façon dérisoire d’être élégant dans l’adversité. Même le plus indélicat des hommes prête attention à la dernière image qu’il laissera. »


Crédit photo : integrales-productions


“Tous les hommes sont des causes perdues”

Mabrouck Rachedi

Editions L’âge d’homme


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