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Juppé peut-il y aller ?

Publié le 26 mai 2015 par Delits

Alain Juppé truste la plus haute marche des palmarès de popularité des différents instituts de sondage depuis le début du printemps 2014. Ce mardi 26 mai 2015, il devance de 13 points (41% contre 28% de cote d’adhésion) son dauphin dans la dernière livraison du baromètre politique Odoxa-Presse Régionale-L’Express-France Inter. Ce dauphin représente pourtant son principal obstacle à son désir présidentiel puisqu’il s’agit de Nicolas Sarkozy. Si certains « quadras » de droite (Bruno Le Maire notamment) peuvent nourrir quelques ambitions, le duel qui se profile à droite s’annonce passionnant : Nicolas Sarkozy face à Alain Juppé, deux personnalités que tout oppose.

A Sarkozy le parti

Depuis son retour en demi-teinte, Nicolas Sarkozy ne bénéficie plus de l’aura qui faisait de lui l’unique potentiel candidat de la droite en 2017. Son retour est qualifié de raté par 71% des Français et même par 52% des sympathisants de droite dans un récent sondage Odoxa pour Le Parisien-Aujourd’hui en France. Il anticipait l’élection interne de l’UMP comme un tremplin vers la position de chef incontestable de la droite française et donc de candidat naturel pour 2017. Cette élection a surtout vu l’émergence de Bruno Le Maire et a libéré la parole d’une partie des responsables du parti prônant un droit d’inventaire à l’égard de son quinquennat. Les rouages sont moins bien huilés qu’il ne le souhaitait mais Nicolas Sarkozy tient aujourd’hui un parti qu’il va sans doute renommer comme il l’entendait.

A Sarkozy le parti donc et par la même occasion un siège confortable à partir duquel il peut préparer le plus sereinement possible sa candidature à la prochaine échéance présidentielle. Les élections intermédiaires promises à la droite qu’il pourra valoriser, les réseaux de militants et d’élus locaux ou encore le pouvoir de récompenser, punir et maintenir sous pression les ténors du parti sont autant de leviers que peut activer l’ancien Maire de Neuilly dans la perspective de 2017. Alain Juppé, quant à lui, fait figure d’électron libre au sein de la droite française. Souvent en retrait, il se contente pour le moment de marquer sa différence avec Nicolas Sarkozy lors de ses rares apparitions médiatiques.

Alain Juppé, le Chirac des années 2010

Le Maire de Bordeaux est, pour une majorité relative de Français (45%), le digne héritier de Jacques Chirac devant Nicolas Sarkozy (25%) et François Baroin (11%) selon un récent sondage Ifop pour Paris Match. Cet atout n’est pas anodin lorsqu’on sait que l’ancien Maire de Paris est le Président le plus populaire depuis Valéry Giscard d’Estaing dans un récent sondage Odoxa pour Le Parisien-Aujourd’hui en France. Celui qu’il appelait respectueusement « le meilleur d’entre nous » incarne sa ligne historique. Alain Juppé l’as compris et, depuis sa mairie girondine, il travaille à cela et il y a tout intérêt.

D’une part, cette ligne modérée s’inscrit par contraste implicite et audible en opposition nette à la ligne de droite décomplexée de Nicolas Sarkozy. D’autre part, cela lui permet, sans pour le moment annoncer de programme précis et en limitant ses sorties médiatiques, d’exister médiatiquement et dans l’Opinion. Il se démarque au sein d’une droite qui aime les chefs et qui exècre les voix dissonantes sans provoquer d’opposition des soutiens du leader.

Cet habile tour de passe-passe présente l’avantage d’être confortable et peu risqué mais il permet surtout à Alain Juppé de gagner du temps en vue de la primaire. Car le temps est précieux, Alain Juppé le sait, il sera d’ici quelques mois la principale cible des soutiens de Nicolas Sarkozy. C’est le calme avant la tempête, tous deux ont besoin d’un parti serein, en ordre de marche et rassemblé mais ils n’échapperont pas au duel virulent de l’automne 2016.

La primaire, l’enjeu de la participation

A longueur d’enquête d’opinion, le même constat : Nicolas Sarkozy suscite un très fort rejet (48% ce mois-ci selon Odoxa, soit la personnalité la plus rejetée derrière les responsable du FN) mais il détient, dans le même temps, un socle de fervents soutiens dans l’Opinion pour qui il est l’unique candidat crédible pour 2017. Alain Juppé est quant à lui plus consensuel. Interrogés par Odoxa pour Itélé début avril, les Français estimaient qu’il était plus rassembleur (51% contre 40%), plus capable de réformer efficacement la France (58% contre 33%) et plus compétent (60% contre 31%) que Nicolas Sarkozy.

L’équation de la primaire de droite est donc très simple pour Alain Juppé : plus les électeurs qui se déplaceront seront nombreux, plus ils compenseront la ferveur du noyau Sarkozyste. Pour ce faire, l’ancien Premier ministre doit faire preuve d’envie, élément sur lequel il présente un léger déficit par rapport à son adversaire (42% des Français estiment qu’il est le plus motivé pour représenter l’UMP contre 50% pour Nicolas Sarkozy). Ce critère est prépondérant dans l’opinion lorsqu’il s’agit de désigner un candidat à l’élection présidentielle, Martine Aubry pourra en témoigner. Il doit aussi représenter une alternative crédible en matière électorale. C’est aujourd’hui le cas. Dans une intention de vote Odoxa pour le Parisien-Aujourd’hui en France, il ferait nettement mieux que Nicolas Sarkozy (8 points de plus) dans un 2nd tour face au plus probable adversaire de la droite: Marine Le Pen.

Surtout, il assurerait à la droite une qualification plus aisée en présentant un ticket avec François Bayrou, le Maire de Pau ayant déjà annoncé son retrait en cas de candidature Juppé à droite. Pour le moment, cet argument n’a que peu d’intérêt puisque Nicolas Sarkozy devance de 8 points François Hollande au 1er tour mais si cet écart se resserre, nombreux pourraient être ceux à soutenir le Maire de Bordeaux, craignant une sorte de 21 avril à l’envers : un duel gauche-Fn au 2nd tour et une élimination dès le 1er tour pour la droite.


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