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Jacques Garello : «Les régimes spéciaux de retraite doivent être supprimés»

Publié le 27 mai 2015 par Lecriducontribuable

inégalités public privé Enquêtes du contribuableCet entretien a eu lieu dans le cadre du numéro 9 des Enquêtes du contribuable, «Les inégalités public-privé» (février/mars 2015). Commande en ligne sur notre boutique.

A quand remonte la différence statutaire entre le public et le privé en France ?

Pour l’essentiel, au statut de la fonction publique adopté à la Libération. Il a permis à la législation d’évoluer vers plus d’Etat et davantage de fonctionnaires.

Les avantages dont profitent les fonctionnaires vous semblent-ils toujours justifiables ?

Ils ont notamment été mis en place afin de compenser une différence de salaire qui, à compétences égales, jouait autrefois en faveur du privé. Parmi ces avantages figurait notamment la sécurité de l’emploi et un système de retraite plus avantageux que celui du privé. Depuis, la donne a changé. La différence de rémunération entre le public et le privé s’est réduite, parfois même inversée. Les privilèges réservés aux fonctionnaires ont continué à s’accroître. Plus rien ne les justifie.

« Il ne s’agit pas de faire basculer les fonctionnaires vers un régime aussi misérabiliste que celui du privé »

Pensez-vous qu’il faille fusionner les régimes des retraites public/privé ?

Tout dépend de ce que l’on entend par fusion. S’il s’agit de faire basculer les fonctionnaires vers un régime aussi misérabiliste que celui du privé, non. L’Etat réalisera certes des économies mais le niveau de vie global des retraités continuera à baisser, ce qui n’est pas un objectif. La seule solution permettant d’apporter du pouvoir d’achat aux retraités passe par une solution plus audacieuse : elle consiste à abandonner le régime de la répartition pour celui de la capitalisation, supérieur à tout point de vue.

Comment organiser cette transition ?

Plus de 50 pays à travers la planète l’ont déjà menée. Pourquoi ? Parce que la gestion d’un régime par répartition coûte environ 30 % de plus que celle d’un système par capitalisation. Si la charge des retraites du secteur public était provisionnée, le déficit public français passerait de 100 à 110, voire 120 % du PIB. Si rien ne change, les futurs retraités continueront à voir le montant de leurs prélèvements et leur durée de cotisation grimper, alors que leurs pensions ne sont garanties qu’à hauteur de 60 ou de 80 % à horizon 2020. Un jour, tout cet édifice finira par s’écrouler.

la gestion d’un régime par répartition coûte environ 30 % de plus que celle d’un système par capitalisation.

Comment passe-t-on d’un système à l’autre ?

J’ai exposé tous les scénarios possibles dans mon dernier livre « Comment sauver nos retraites ». Deux grandes options sont possibles : une, qui prévoit la création d’une couverture complémentaire par capitalisation parallèlement au système de répartition. L’autre, plus radicale, consiste à solder une fois pour toutes l’ardoise des régimes par répartition. Avec ce scénario, les nouveaux cotisants règlent la dette de leurs aînés et, en contrepartie, profitent des avantages de la capitalisation pour leurs propres pensions.

Que pensez-vous des régimes spéciaux comme celui de la SNCF ?

Je crois que l’on recense plus de 76 régimes spéciaux en France. Tous constituent un scandale financier puisque les conditions de pénibilité qui ont pu les justifier à un moment ne sont plus de mise. Ces régimes sont défendus au nom d’intérêts corporatistes paralysant le pays. Ils doivent être supprimés.

Faut-il supprimer le statut de la fonction publique ?

Oui. L’idée même de ce statut est totalitaire. L’emploi à vie et les augmentations à l’ancienneté permettent de prendre sa retraite dès que l’on entre dans la vie active ! Travailler ne sert pas à grand-chose puisqu’il suffit d’attendre que les trimestres passent pour être augmenté. On décourage, ainsi, l’esprit d’entreprise, d’initiative, d’émulation. L’idée même de statut public est mortifère.

Faut-il diminuer le nombre de fonctionnaires ?

Oui. Il y a deux conceptions du pouvoir. Celle d’un Etat omnipotent, interventionniste, comme c’est le cas dans les pays totalitaires. Et celle d’une gouvernance centrée sur ses fonctions régaliennes et pratiquant la subsidiarité, la restitution de la plupart des tâches non stratégiques au privé. Avec ce transfert, les fonctionnaires passent du public au privé et l’efficience générale du système est accrue. C’est dans cette direction qu’il faut aller.

Que faire des fonctions publiques hospitalière et territoriale ?

Le cas de la fonction publique hospitalière ne pose pas de problème réel. Ce secteur peut être privatisé à 100 % afin de gagner en coût comme en efficacité.

Dans le cas de la territoriale, il faut procéder avec la même logique qu’au niveau national et limiter le secteur public aux tâches que d’autres ne peuvent pas faire à sa place. En contrepartie, cette situation implique que les collectivités trouvent des ressources financières locales et jouissent d’une véritable latitude économique.

Aujourd’hui, ce sont les dotations de l’Etat qui alimentent les collectivités locales. Si leur montant est réduit, l’Etat doit, à tout le moins accorder, l’autonomie financière aux régions.

Pensez-vous que la nouvelle carte des régions permette d’alléger le poids du public en France ?

Non. Il s’agit d’un redécoupage administratif du territoire effectué pour des raisons politiques et sans tenir compte des affinités culturelles entre les territoires. La Provence de Frédéric Mistral n’est pas la même que celle du Comté de Nice, les Alsaciens n’ont aucune raison d’être rapprochés des Champenois… Bâclée, cette réforme a été vendue sur la base d’économies budgétaires. Je suis pessimiste quant au résultat. Généralement, quand ont fait des réformes depuis le haut, elles coûtent cher à la base !

Propos recueillis par Didier Laurens

Comment sauver nos retraitesJacques Garello, «Comment sauver nos retraites», Editions Libréchange, 144 pages – 12 euros.


«Les inégalités public-privé»Les Enquêtes du contribuable de février/mars 2015– 3,50€. Vous pouvez commander en ligne ce numéro. Également sur abonnement. 

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