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Xavier Fournier

Publié le 04 juin 2015 par Noisybear @TheMightyBlogFR
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Cette semaine, nous avons le grand plaisir de recevoir Xavier Fournier qui nous présente des comics qui l'ont marqué. Pour ceux qui ne le connaissent pas, il s'agit d'un homme très occupé, mais nous retiendrons surtout qu'il est le rédacteur en chef de Comic Box, le magazine français dédié aux comics. Toutes les semaines, il nous offre ses critiques pertinentes des dernières sorties en V.O. sur le site de la revue. Il est aussi l'auteur de livres comme Super-Héros, une histoire française, qui vient de recevoir le Grand Prix de l'Imaginaire 2015, et d'un livre sur la Second Guerre Mondiale et les comics à paraître à la rentrée. Il travaille également pour d'autres magazines, il prépare un troisième en livre pour la fin d'année, il est une Bible vivante des comics passés et actuels, et cetera, et cetera. C'est donc un immense plaisir et honneur de le recevoir parmi nous le temps d'un article.

New Gods #1

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DC Comics • Par Jack Kirby • 1971
Quand j'étais gamin mes parents gagnaient souvent des disques promotionnels (à toi, jeune : les disques, c'était comme un MP3 mais en rondelle solide) dans les stations à essence. Ça finissait souvent dans ma piaule. J'aimais bien le classique... Vous allez me dire que vous ne voyez pas le rapport et les gens du Mighty Blog me font déjà des signes sur le ton de "mais on avait décidé qu'on parlerait comics". J'y viens. Quand je suis tombé sur un numéro d'Étrange Aventures qui entamait la première traduction des New Gods en VF, ça m'a semblé évident dès les premières pages. C'était du Richard Strauss, Also Sprach Zarathustra plus précisément. Je n'ai découvert que bien plus tard le voisinage entre Kirby et 2001 Odyssée de l'Espace, qui rendait Strauss si logique sans qu'à l'époque je sache pourquoi. New Gods, c'était Kirby tombé dans la caféine, la fin du monde annoncée, dépassée, et un contenu à la fois plus massif et sauvage que ses Thor (qui étaient très bien, par ailleurs, mais ce n'est pas la question). Et en même temps, en les relisant, on voit bien qu'il y a un phénomène de "roue libre", que Kirby est capable de passer trois épisodes en roue libre sur un truc comme les Deep Six Demons... La fin de la série est tombée comme un couperet, mais en un sens ça n'en est que plus captivant, plus magique. Ca donne à l'ensemble un caractère de symphonie inachevée (même la fin produite des années plus tard, Hunger Dogs, n'est pas à la hauteur de cet effet monumental). Aujourd'hui encore quand j'ouvre New Gods #1, il est difficile de ne pas entendre, dans un coin de ma tête, les premières notes d'Also Sprach Zarathustra...

Defenders #34

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Marvel Comics • Par Steve Gerber & Sal Buscema • 1976
Sélectionner 5 titres, c'est beaucoup de boulot. Pas pour trouver les 5, mais pour bien mettre de côté les 38 autres dont on aurait voulu parler. Du coup, à côté de choses qui méritent aussi le déplacement mais sans doute très attendues, je vous glisse ces Defenders de Steve Gerber et plus précisément la saga des Bozos. Dans cette suite d'épisodes, une race d'extra-terrestres arrive à convaincre l'humanité que nous sommes tous des clowns bozos, le tout débouchant sur une perte totale d'identité. Ajoutez à çà deux-trois curiosités (comme le fait qu'Hulk ait recueilli un petit faon qu'il appelle Bambi mais qui abrite en fait la conscience enragée d'un mage de fête foraine) et vous avez un grand moment de truc absolument taré. Steve Gerber, c'était le Grant Morrison avant Grant Morrison. Ou bien peut-être que c'est du David Lynch. Ça se discute. On ouvre ce truc en pensant lire un épisode de super-héros et on tombe sur un monde de bozos. Totalement taré. Et donc génial. Là, si je devais comparer une musique, ce serait du Devo ("Are We Not Men ?"). Accessoirement, qu'est-ce que c'était bien, cette mouture des Defenders avec Doc Strange, Hulk, Nighthawk, Valkyrie...

Justice League (vol.1)

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DC Comics • Par Keith Giffen, J.M. de Matteis & Kevin Maguire • 1987
Les Defenders de Gerber, c'est de l'absurde bien maîtrisé. La Justice League (à l'époque ce n'était pas encore la Justice League International) de Giffen, DeMatteis et Maguire, c'est par contre du Bwa-Ha-Ha assumé. Confronté à un contexte où, dans les années 80, toutes les séries importantes étaient relancées et les personnages majeurs réservés, Giffen et DeMatteis ont du se contenter de seconds couteaux tels que Guy Gardner, Blue Beetle, Oberon... Quand j'ai vu rappliquer Booster Gold sur la couverture du #4, j'ai haussé les sourcils. Mais ça a marché parce que les auteurs ont fait la seule chose possible. S'en tirer avec la carte de l'humour, faire du Martian Manhunter un martien accro aux Oreos (là, y a Bruce qui me fait signe "pas de marques ! pas de marques !"), envoyer la Justice League Antartica lutter contre des hybrides de pingouins et de piranhas... Et c'est cà, la leçon de cette Justice League dans un milieu des comics qui commençait à se prendre beaucoup au sérieux. Avec de l'humour, tout passe...

Uncanny X-Men (vol.1) #108-143

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Marvel Comics • Par Chris Claremont & John Byrne • 1977 - 1981
Bon, Claremont et Byrne, sur quoi qu'ils aient bossé en tandem (Iron Fist, Marvel Team-Up, Star-Lord...), déjà, ça vaut le détour. C'est la fin des seventies, le retour en grâce, la maturation des X-Men, le moment où Wolverine, Nightcrawler, Storm, Colossus, Banshee et les autres avaient la dragée haute et le méritaient amplement. Les X-Men par ces deux-là, c'est rock-n-roll. C'est aussi plein de choses qui, peut-être, passent moins au goût du jour actuel. Jean Grey lobotomisée et transformée en maîtresse SM anticipant Lady Death, on montrera sans doute ça à l'avenir comme une saga machiste. En fait, à date de parution, ça participe au contraire à tout un esprit de Woman's Lib de l'époque. Phénix qui se retourne contre eux et les X-Men sont à la dérive, à genoux. Dix ans plus tôt, la problématique des héros aurait été "mon dieu Jean c'est retourné contre nous, je n'ose combattre une faible femme". La saga du Club des Damnés, c'est aussi cette scène où Logan remonte des égouts en mode "mais ils connaissent pas Raoul !". Enfin, c'est cette gifle pour les personnages comme pour les lecteurs. La Eve de l'équipe n'a besoin de personne pour se corrompre et devenir le Phénix Noir, débouchant sur X-Men #137 et sa conclusion atomique. Là aussi, c'est un peu comme pour les New Gods, les auteurs n'avaient pas prévu d'en finir ainsi mais je suis convaincu que, fait autrement, on n'aurait pas connu la même claque. 35 ans plus tard je ne sais pas si un ado d'aujourd'hui retirera/retirerait autant de choses de la lecture. Ce n'est pas la lecture que je recommanderais en priorité à un newbie. Mais ça reste un des arcs fondateurs.

Batman R.I.P.

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DC Comics • Par Grant Morrison, Tony Daniel & Ryan Benjamin • 2007
Le Batman de Grant Morrison, c'est du travail d'orfèvre, dans le sens où le scénariste a secoué le cocotier, apporté un sang nouveau (Ah, Bruce, tu as un fils... et puis contrairement aux clichés du genre, il disparaît pas à la fin de l'épisode, il va rester) tout en fouillant dans les armoires du manoir Wayne pour ressortir tout les dossiers. A un moment le neuf et l'ancien se conjuguent. Ça nous donne des choses comme le Circle of Heroes, le Batman de Zur-En-Arr ou le Bat-Mite remixés. Je n'avais pas trop aimé les New X-Men de Morrison parce que, à part sur quelques arcs précis, je trouvait sa vision datée, freinée. Je ne le sentais pas autant à l'aise que sur Batman et pas porteur d'un sens aussi fort. Là, c'est la réappropriation de tout le continent Batman. Tout compte. Même un vague détail aperçu dans Batman #26 dans les années 40, mais pour dire des choses non pas au premier degré mais dans la structure. Le Batman de Morrison c'est un Batman qui n'a pas peur de se réinventer, de faire l'inventaire, parce qu'il ne balance rien par la fenêtre. J'aime aussi beaucoup les Batman Inc. (plutôt le premier volume d'ailleurs), les Batman & Robin. Mais Batman RIP reste un grand moment de "what the...". Bruce qui se prend pour un extra-terrestre vêtu de rose et de jaune, d'épisode en épisode on ne sait pas jusqu'où ils vont aller. C'est un peu quelque chose de complémentaire de ce que je disais sur Justice League, qui montrait que même les personnages secondaires, bien utilisés, ont des choses à dire. Batman RIP, c'est la preuve que, même avec une figure de premier plan, on peut tout remettre en jeu. Bon... j'ai Noisybear qui me fait signe qu'ils vont couper la lumière et fermer, avec des yeux menaçants, injectés de sang. Je m'en vais donc en emportant le secret de ce qu'auraient été mes choix 6 à 38... Si on me retrouve mort vous saurez que ce n'est pas un suicide, m'enfin j'me comprends...


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