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Le Corbusier, mesures de l'homme au Centre Pompidou

Par Mpbernet

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Chacun connaît mon absolue passion pour l’architecture, si bien que ma dernière fille Victoire en a fait son métier …

Nous ne pouvions donc pas manquer l’importante exposition consacrée à Charles-Edouard Jeanneret, dit Le Corbusier (1887 – 1965) au Centre Pompidou. Ou encore : Le Corbusier, pour le meilleur et pour le pire !

Des recensions et articles de presse acerbes m’avaient toutefois alertée. Ils s’étaient mis à plusieurs pour démolir une fois de plus ce maître de l’architecture du XXème siècle, déjà fort contesté de son vivant. J’y suis allée sur mes gardes. Ici, le choix des œuvres est cependant strictement limité à l’apport artistique et théorique du maître, son caractère décidément innovant. Aucune chronologie des étapes de carrière …  Pas d'allusions à son travail de conseiller technique d'Alexis Carrel (entre 1942 et 1944), célèbre chirurgien prônant les thèses eugénistes, membre du PPF de Jacques Doriot, le collaborationniste le plus dur de ce temps. Car le hic du personnage, c’est le fond de sa pensée …

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Autoritaire, systématique, ascète, indifférent à l’argent, maniaque de la propreté et de la ligne droite, porteur d’une utopie conceptuelle irréaliste, Le Corbusier a inventé la ville des années 1950 – 1960 (selon J-P Viguier) : une ville orthonormée, cartésienne, rationnelle, on pourrait dire aussi bien protestante que janséniste – lui qui se proclamait athée. L’homme était brutal, autocrate, ne supportant aucune contradiction. Mais donc opposé à la démocratie et surtout hélas fortement antisémite (comme beaucoup de ses contemporains, mais ce n’est pas une excuse), cultivant des amitiés fascistes, admirateur de Mussolini qui écarta pourtant ce « luthérien fanatique » et dans le même temps accusé d’être le cheval de Troie du bolchevisme car il avait construit à Moscou le Centrosoyuz … Il avait pour ami, notamment, Jean Giraudoux, auquel nul ne reproche aussi systématiquement aujourd’hui ses attachements à la Révolution Nationale. Mais ami aussi d’André Malraux et Eugène Claudius-Petit, que l’on ne pourrait soupçonner de sympathies avec les nazis.

Ce que l’on découvre dans cette exposition, c’est aussi le talent de peintre de Le Corbusier. Des natures mortes, des compositions complexes, très colorées, conformes au mouvement puriste, une peinture assez froide, proche de Fernand Léger, proche de Juan Miro. En fait, il consacrait toutes ses matinées à la peinture, ne venait travailler à son agence qu’à partir de 11 heures. La couleur est l’une des caractéristiques de l’artiste, comme le refus de toute ornementation.

Nous avions visité l’un de ses premiers projets d’urbanisation réalisé à Pessac, dans la banlieue de Bordeaux. Et nous avons une furieuse envie, maintenant, d’aller à Marseille visiter la Cité radieuse de Marseille inaugurée en 1952. Ici sont mises en pratique les idées – que l’on peut contester – de Le Corbusier : ses cinq points de l’architecture nouvelle définis en 1926 (dégagement de l’espace par les pilotis, toit-terrasse, plan libre, façade libre, fenêtre-bandeau horizontale …). Pour lui, « les matériaux de l’urbanisme sont le soleil, l’espace, les arbres, l’acier et le ciment armé, dans cet ordre et dans cette hiérarchie. »

peinture Le Corbusier

Modulor

Pour Le Corbusier, la vie se concentre dans des unités d’habitat social construites verticalement comme des casiers à bouteilles, où le soleil pénètre largement, en continu et où tout est disponible : les rues intérieures, les commerces, l’école sur la terrasse. L’homme doit habiter, travailler, se cultiver et/ou faire du sport, tout au même endroit. Une vision utopique, bien entendu. Mais qui avait pour mission de dégager l’espace au lieu de le consommer sans limite comme dans les systèmes de constructions sociales précédents (issus de la loi Loucheur, dans l’entre-deux-guerres). Le Corbusier conçoit tout à la mesure de l’homme, clé du nombre d’Or des anciens, il travaille avec son cousin Pierre Jeanneret, la designeuse géniale Charlotte Perriand. Leurs créations de fauteuils figurent aujourd’hui encore comme des musts absolus.

RonChamp

Des idées radicales qu’il put réaliser concrètement en créant de toutes pièces la ville nouvelle de Chandigarh, capitale du Penjab. Sauf que la ville ne fonctionne pas. Selon l’aveu même de l’architecte lors du Congrès international de l’architecture moderne : « Tout ce que je croyais savoir sur la ville a été remis en question, parce que, le soir, les gens prennent leur lit sur l’épaule et vont dormir dehors. »

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Nous savons maintenant que les Grands Ensembles, fortement inspirés par la Charte d’Athènes, ne fonctionnent pas non plus. La ville ne saurait se résumer à la stricte différenciation entre les voies de circulation automobile et les rues piétonnes. L’ennui des femmes engendre la Sarcellite, la pauvreté engendre la violence et les trafics maffieux.

Attendrissantes, les dernières images du vieil artiste dans son cabanon minimaliste (3,66m x 3,66m) où il aimait passer ses étés devant la mer à Roquebrune-Cap Martin. La mer où il se noya, lors d’une de ses baignades quotidiennes …

Mais cela est une autre histoire qui ne doit pas nous gâcher l’étonnement devant les épures de ce – malgré tout – génial architecte du XXème siècle.

Le Corbusier, mesures de l’homme, rétrospective au Centre Pompidou – de 11h à 21 h, jusqu’au 3 août – 14€.


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