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Critique Ciné : Manglehorn, serrure de la vie

Publié le 17 juin 2015 par Delromainzika @cabreakingnews

Manglehorn // De David Gordon Green. Avec Al Pacino, Holly Hunter et Harmony Korine.


David Gordon Green, plutôt habitué aux récits adulescents, se concentre ici à un personnage plus âgé, au bord de la dépression nerveuse qui n’arrive pas à se remettre du fait que sa femme est décédée. Le chemin qui a parcouru tout au long de sa vie a été parsemé de problèmes entre un fils qu’il a laissé de côté (et qui a fait de même en retour), il s’est petit à petit isolé et renfermé sur lui-même sans jamais vouloir se reprendre en main. Il y a un vrai ton dramatique dans ce film qui peut parfois devenir pesant au travers de l’écriture de Paul Logan (qui écrit ici son premier long métrage) mais qui séduit par l’ambiance que David Gordon Green parvient à installer. Après l’excellent Joe (avec Nicolas Cage) l’an dernier, il décide d’engager un acteur cabotin en guise de héros et parvient à lui redonner ses lettres de noblesse. Cela faisait plusieurs années que l’on n’avait pas vu Al Pacino aussi bon dans un rôle et il fallait que cela soit un rôle d’homme marqué par les années, brisé par son passé, qui n’a que son chat dans sa vie et rien d’autre. Je pense qu’il y a une part de l’acteur que l’on retrouve dans ce film qui parle de solitude humaine avant de redonner de l’espoir au héros lorsqu’il va enfin se décider à oublier sa femme et à prendre l’opportunité qui s’offre à lui.

AJ. Manglehorn, un serrurier solitaire vivant dans une petite ville, ne s’est jamais remis de la perte de l’amour de sa vie, Clara. Obsédé par son souvenir, il se sent plus proche de son chat que des gens qui l’entourent et préfère trouver du réconfort dans son travail et sa routine quotidienne. Malgré tout, il entretient des relations humaines fragiles en maintenant un contact intermittent avec son fils, en ressentant une fierté mal placée pour son ancien protégé qui s’est détourné du droit chemin et en construisant une amitié prudente avec une femme au grand cœur guichetière à la banque. Alors qu’un nouvel amour se dessine, il se retrouve à la croisée des chemins et doit choisir entre rester enlisé dans le passé et vivre le présent.

Pas toujours très fluide, le film reste cependant intelligent. La mise en scène de David Gordon Green aide beaucoup à faire passer le fatalisme qu’il y a dans la vie du héros et ce dès la première scène où l’on découvre un Manglehorn qui traine la patte pour aller au boulot, comme s’il n’y avait aucune lueur d’espoir dans sa vie et qui va se retrouver petit à petit face à des malchances (l’ampoule qui grille, etc.). Mais Manglehorn est un personnage qu’il est difficile à définir. Il se veut impulsif et pourtant à l’écran il ne l’est qu’à de très rares occasions. Il y a même un constat que l’on fait à la fin du film (le fait que sa maison est vidée, au fur et à mesure qu’il a cassé des objets). C’est donc un récit simple qui ne prend pas trop de chemins différents et qui va droit au but. C’est appréciable même si cela ne donne en rien envie de s’en souvenir comme Joe, le précédent film du réalisateur. La tentative est cependant honorable car dans sa structure, le film cherche à donner petit à petit de la lumière dans la vie de son héros : la guichetière de la banque et tout ce que cela peut impliquer en parallèle (le rendez-vous galant, etc.). Je pense aussi que ce film est typiquement le genre de films qui ne se vend pas très bien dans la bande annonce.

Lorsque j’ai vu la bande annonce du film, je me suis dit : je vais m’ennuyer, je vais voir un serrurier qui s’ennui de sa petite vie rangée et qui ne sourit jamais. Al Pacino donne alors directement le ton et parvient à nuancer un personnage qui, au premier abord, j’avais pas grand chose à nous offrir de ce point de vue là. Erreur. Rapidement, il montre ses atouts et surtout ce qu’il peut vraiment faire pour nous surprendre. C’est peut-être parfois un peu too-much (notamment les scènes avec le fils qui ne sont pas très réussies malgré un Chris Messina pas vraiment mauvais mais qui ne correspond peut-être pas à l’acteur qui aurait dû faire face à Al Pacino) mais ce n’est pas le héros du film. D’ailleurs, rares sont les moments où le héros n’est pas à l’écran. Le nombre de minutes doit se compter sur les doigts de la main. Manglehorn avait tout du drame ridicule et pompeux et finalement c’est beaucoup plus que ça, une vraie quête de bonheur au milieu d’un monde dans lequel on veut que l’on perde espoir (l’argent manque, l’amour manque, les gens manquent, etc.). David Gordon Green prouve une fois de plus qu’il a plusieurs cordes à son arc, pas mal.

Note : 5.5/10. En bref, Al Pacino mis à nu par David Gordon Green. Pas si mal que ça.


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