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[critique] Poltergeist : "ils sont là !"

Par Vance @Great_Wenceslas
[critique] Poltergeist :

Alors que s'annonce le remake officiel (dont la critique suivra incessamment, rédigée sur le vif par notre infatigable Nico), j'ai trouvé pertinent de revenir sur ce film maintes fois vu et revu depuis sa sortie au début des années 80. Bien qu'interdit aux moins de 16 ans à l'origine, il a été régulièrement programmé à des heures de grande écoute lors de ses nombreux passages TV, la terreur initiale se transformant bien vite en frissons mêlant l'angoisse et le plaisir d'évoluer dans un contexte connu par coeur.

Ca faisait bien quinze ans que je ne l'avais pas revu. Et, à ma grande surprise, le film fonctionne toujours aussi bien (ce qui va compliquer la tâche de la nouvelle équipe artistique chargée de "moderniser" le propos sans le dénaturer - donc en maintenant sa qualité intrinsèque).

[critique] Poltergeist :

Revenons d'abord sur la genèse du film, produit et sorti quasiment en même temps qu': impossible de nier la "patte" de Spielberg derrière le script comme les décors, les lieux de tournage ou le casting. Il y a une sorte de trame commune qui se retrouve dans et les Goonies, extrapolant chaque fois la rencontre brutale entre la famille d'Américains moyens et les terreurs issues de ses cauchemars ataviques. Cela eut le don d'agacer un peu une catégorie de critiques qui y voyaient une forme de standardisation de l'horreur au cinéma, Spielberg devenant une sorte de chef d'entreprise en expansion constante : en engageant des cinéastes formés à l'épouvante comme Tobe Hooper ( Massacre à la tronçonneuse) ou Joe Dante ( Hurlements), ne cherchait-il pas à les domestiquer ? Evidemment, on pouvait tout aussi bien espérer qu'il leur confiait les rênes de projets rentables en leur laissant la possibilité de s'exprimer (plus ou moins) librement.

C'est tout à fait ce qu'on ressent à la vision de Poltergeist : un film calibré, balisé, codifié, commençant commeRencontres du Troisième type mais dans lequel Spielberg lâche la bride de son poulain Hooper à deux ou trois moments - qui ne font guère avancer l'intrigue et, à la rigueur, sont presque "hors contexte" : la séquence de la cuisine, lorsque l'un des parapsychologues veut se faire un steak qui s'anime tout seul avant qu'il se mette à se dépecer le visage ; celle qui suit le bain de la maman, après le premier cimax du film, lorsqu'une force invisible joue avec elle et la balade littéralement du sol au plafond de sa chambre (on sentait le réalisateur titillé par l'envie de refaire le coup de l'Emprise mais on n'atteint jamais le stade du viol).

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Pour le reste, le métrage affirme encore une remarquable fluidité dans son déroulement, avec une exposition progressive et souvent maligne, une mise en place qui souligne l'appartenance sociale de cette famille qui a tout pour elle (sauf une télécommande efficace). Les repas et discussions entre les enfants sont impressionnants de naturel, malgré quelques petits coups d'oeil hors champ de Robbie et Carol Ann : on y retrouve cette harmonie spielbergienne évidente, même si pour une fois on n'a pas de schéma dysfonctionnel (le couple s'entend bien, le mari à un job parfait). Peut-être, comme dans (en plein Noël), pour mieux appuyer l'horreur à venir. D'où le choix crucial pour incarner Carol Ann, et la petite Heather O'Rourke est absolument parfaite en poupée lumineuse, au sourire radieux et d'une docilité sans faille (tellement idéale qu'on la croirait dessinée par un mangaka). On s'amuse ensuite de voir les innombrables références à Star Wars avec les jouets de Robbie, sa parure de lit ou son blouson Chewbacca qui feraient pâlir d'envie n'importe quel geek même quadragénaire ! Ne restait plus qu'à placer le tout dans la charmante bourgade de Cuesta Verde, ses maisons individuelles jumelles, ses jardinets, ses gamins insouciants qui font du vélo ou des farces dans les rues où ne circulent que les véhicules des papas revenant du boulot, et à y rajouter une excellente partition du toujours élégant Jerry Goldsmith avec ses mélodies cristallines établissant le parfait contrepoint à l'hymne américain résonnant à la fin des programmes télévisés.

[critique] Poltergeist :

Une fois ce mignon paysage établi, Tobe Hooper va s'évertuer à le lézarder, le fissurer jusqu'à ce que ses habitants en viennent d'eux-mêmes à le questionner et qu'il finisse par s'anéantir. De l'intérieur. Un paradis social dissimulant son propre Serpent, taisant le mal originel qu'il a préféré enfouir plutôt que le combattre. Malgré un montage un peu dissonnant, il procède patiemment, par petites touches pleines de malice et parvient à se sortir sans trop de lourdeur du piège habituel des discours trop didactiques lorsqu'il devient nécessaire d'exposer le problème (les scénaristes ont d'ailleurs choisi le dialogue de femme à femme pour ce faire, d'abord entre Diane - la mère - et le Dr Lesh, puis avec l'inénarrable Tangina Barrons). On ne peut que sourire lorsque Diane fait la démonstration des premiers phénomènes surnaturels (dans la cuisine) à son mari un peu interloqué, puis lorsque le couple se décide à aller demander aux voisins (un peu lourdauds) s'ils ont été témoins des mêmes manifestations. Mais surtout le tendre sadisme avec lequel les parapsychologues sont traités : eux qui se vantaient d'avoir réussi à filmer sur sept heures le déplacement d'un objet vont en prendre plein les yeux, au point que leurs convictions vont parfois faillir. L'un d'entre eux ne reviendra pas (celui qui s'est gratté jusqu'aux os dans la cuisine), d'ailleurs.

Entre-temps, Hooper insère quelques séquences de haute volée : les jouets de la chambre d'enfants s'animent, les couloirs s'allongent, les spectres traversent le salon. On pourra regretter que la HD du blu-ray (très belle restauration) ne rende pas justice au travail des accessoiristes : le grand arbre qui finira dans l'oeil du cyclone donne malheureusement l'impression d'être factice ; la VHS avait du bon, dans ces cas-là. En revanche, la piste sonore (au moins en VO Dolby True HD), tout en mettant en valeur la musique, laisse place à quelques grondements allant chercher loin dans les basses. C'est assez impressionnant pour un film de 1982. On remarquera que quelques répliques sont carrément inaudibles, comme si elles n'avaient pas été enregistrées.

[critique] Poltergeist :

Comme dit plus haut, l'ensemble bénéficie d'une pertinence et d'une harmonie étonnantes, avec une position très paradoxale : le film a certes été d'abord interdit aux moins de 16 ans, il jouit d'un emballage très "familial" mais propose des moments stupéfiants, à la limite de la perversité (la Bête qui tient à conserver Carol Ann sur le plan astral, puis qui s'en prend à la mère). Et ce doit être le film qui a définitivement enterré le clown comme cadeau pour les gosses ! Il est tout aussi surprenant de voir la manière dont l'épouvante est traitée : quasiment pas de jump scares mais l'irruption du surnaturel se fait la plupart du temps dans un silence assourdissant, avec une intelligence dans la mise en scène qui rappelle le travail de Friedkin sur l'Exorciste (on s'amuse d'ailleurs de voir régulièrement le plan de coupe sur la maison dans la nuit, en légère contre-plongée, attendant la venue d'un sauveur). En revanche, j'ai eu plus de mal avec la propension de tous les personnages à hurler à la fin, quand bien même les bruits environnants étaient intenses.

La nostalgie a du bon. Le remake de Poltergeist a intérêt à mettre la barre très haut.

[critique] Poltergeist :
De mémoire, ce premier avait engendré deux suites qui ne manquaient pas d'intérêt ( je crois que l'un, décevant, était axé sur les Indiens et l'autre voyait revenir Tangina et Carol Ann) et un mythe dérangeant sur une malédiction présumée, à cause de la mort de deux de ses interprètes.

[critique] Poltergeist :

Poltergeist

Tobe Hooper

L'heureuse famille Freeling mène une vie tranquille et prospère dans la petite ville de Cuesta Verde. Cependant, leur maison devient le théâtre d'étranges phénomènes quand des objets commencent à se déplacer et que le sol se met à trembler. Une nuit, la petite Carol Anne disparaît et se met à communiquer avec ses parents à travers la télévision. Les Freeling font alors appel à un parapsychologue.


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