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De la volonté de contrer le marché noir

Publié le 22 juin 2015 par Aude Mathey @Culturecomblog

Avec le développement des achats en ligne et une demande de plus en plus forte pour des concerts de célébrités ou de spectacles très populaires, la croissance du marché noir est devenue endémique en Europe. Pour mieux comprendre ce problème et les solutions qui peuvent y être apportées, nous avons interviewé Aline Renet, Responsable de la communication et des relations institutionnelles au PRODISS (Union du spectacle musical et de variété en France).


Une enquête de France 2 sur le marché noir

Selon Mme Renet, le marché noir n'est plus uniquement l'apanage des revendeurs à la sauvette mais également de sites qui se présentent comme des bourses d'échanges, mais qui n'en sont pas. Le développement du commerce en ligne et d'Internet a conduit certaines de ces entreprises à développer et à utiliser des logiciels et des robots (article en anglais) capables de détecter la mise en vente de billets de spectacles et d'en acheter plusieurs. Ces sites remettent ensuite en vente ces billets à un prix bien plus élevé, via l'application de frais divers.

Les producteurs de spectacle sont les propriétaires de leur billetterie

Les producteurs n'étant pas tous à même de contrer ce type de problème comme Live Nation par exemple, le PRODISS s'est saisi du sujet afin de proposer, conjointement avec les artistes, au gouvernement de l'époque (en 2011 et 2012) une adaptation de la loi de 1919 qui condamnait la vente à la sauvette de billets de spectacles subventionnés. Or, les spectacles de musiques actuelles ne sont pas ou très peu subventionnés. C'est ainsi que la loi du 12 mars 2012 définit un cadre pour contrer le marché noir. Ainsi, seul le producteur de spectacles donne mandat de vente pour les billets de ses spectacles. La loi vise la revente dite " habituelle " (des acteurs du marché noir organisés), mais ne vise pas la revente " occasionnelle " (vous ou moi lorsque nous souhaitons nous débarrasser d'une place pour un concert auquel nous ne pouvons assister).

Dans cette nébuleuse, le consommateur n'y trouve pas toujours son compte, [...], il se retrouve avec des résultats de recherche comportant des dizaines de sites sans différenciation entre les sites vendant au vrai prix, et ceux revendant en spéculant.

Aline Renet, PRODISS

Aline Renet ajoute : " Sur Internet, de nombreux sites se sont spécialisés dans la revente de billets de spectacles, et nombre de ces sociétés spéculent sur le dos des consommateurs, mais également par effet domino, des artistes. Il faut bien dissocier le marché officiel (où les places sont mises en vente avec l'accord du producteur de spectacles, au prix officiel (la valeur faciale) dont il a décidé : exemple la fnac, digitick...) du marché de la revente où les prix pratiqués ne sont pas ceux inscrits sur le billets et dont la vente n'a pas été autorisée par le producteur du spectacle. Dans cette nébuleuse, le consommateur n'y trouve pas toujours son compte, d'autant que ces sociétés font beaucoup de publicité sur internet : résultat, quand le spectateur cherche une place via un moteur de recherche (type google), il se retrouve avec des résultats de recherche comportant des dizaines de sites sans différenciation entre les sites vendant au vrai prix, et ceux revendant en spéculant. Les problèmes sont donc multiples : places vendues plus chères que leur valeur faciale ou jamais envoyées : les litiges sont nombreux. "

Informer les clients sur la valeur faciale du billet

Afin de clarifier la recherche et l'achat de billets de spectacle par les consommateurs, le PRODISS a créé le site: levraibillet.fr . Le site est capable de suivre le prix du billet puisque sa fonction première est d'informer les clients sur la valeur faciale sur le prix du billet : vous savez donc ce que vous allez paye pour le spectacle. Le site suite donc la politique tarifaire des producteurs de spectacles. Quant à la question d'une certaine volatilité des prix, avec l'apparition de la définition de prix en fonction de la demande ( yield management ou demand-based pricing, sujet que nous avions abordé ici), Aline Renet souligne que ce sujet est un peu un serpent de mer dans le domaine du spectacle vivant. Selon elle, un producteur qui pratiquerait ce genre de politique tarifaire se tirerait une balle dans le pied en asséchant le marché en risquant de faire des spectacles trop chers.

Enclencher une réflexion à l'échelle européenne

Cette loi du 12 mars 2012 a déclenché de nombreuses réactions en Europe. Plusieurs pays en Scandinavie ont mentionné le dispositif de levraibillet.fr lors de leurs réflexions législatives. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, les producteurs acceptent bon gré mal gré cette situation de brokers et de second marché. Cependant, en 2012, des journalistes de Channel 4 ont enquêté en mode taupe chez un de ses revendeurs et mis en évidence certaines pratiques plus ou moins douteuses.

De la volonté de contrer le marché noir Le reportage des journalistes de Channel 4

Cependant, la législation étant plus protectrice des consommateurs dans ces pays-ci, la nécessité d'un encadrement législatif se fait moins pressant. Ce qui n'empêche, souligne Aline Renet qu'il est primordial que les pays européens se coordonnent sur cette question du marché noir.

De la volonté de contrer le marché noir

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